ROME, Mardi 4 décembre 2007 (ZENIT.org) – A la veille de l’édition 2007 du Téléthon et alors qu’en France se profile la révision prochaine de la loi de bioéthique, nous avons demandé à Pierre-Olivier Arduin, responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon de présenter son ouvrage La Bioéthique et l’embryon, publié aux Editions de l’Emmanuel. Nous publions ci-dessous la deuxième partie de cet entretien. Pour la première partie cf. Zenit du 3 décembre.
Zenit – L’AFM finance de nombreux projets d’aide aux malades visant à améliorer leurs conditions de vie (techniques innovantes, meilleures prises en charges techniques et humaines…). En se positionnant contre le Téléthon, ne décourageons-nous pas la mise en place d’actions importantes pour des familles touchées par la maladie ?
P.-O. Arduin – Nous avons bien sûr toujours pris soin de distinguer la souffrance des familles frappées par la maladie et la transgression morale de la réduction de l’embryon humain à l’état de moyen financée par une partie des dons recueillis. A aucun moment il n’a été question de stigmatiser des familles durement éprouvées ni de décourager les professionnels de la santé et les scientifiques qui soignent et cherchent des thérapies innovantes et éthiques pour le bien des malades. Certains parents ont confirmé notre prise de position en s’exprimant publiquement dans les médias. Je pense à ce père d’un enfant myopathe décédé à 18 ans et grand-père d’un petit-fils lui aussi atteint, qui a écrit au Figaro : « Il s’est fait rapidement une dérive dans le cadre du Généthon alimenté par le Téléthon, dont le but est de tamiser les embryons par le diagnostic préimplantatoire (…). En pratique, nos malheureux enfants servent de canard d’appel pour obtenir de l’argent servant à éliminer d’autres myopathes ».
Sur le plan scientifique, nous avions, dès la publication de la note diocésaine à l’origine de la polémique, mis en valeur les résultats prometteurs obtenus à partir des cellules souches adultes. Le Congrès sur la médecine régénératrice organisé par l’Académie pontificale pour la Vie auquel nous avions pu participer en septembre 2006 avait prouvé la supériorité éthique et biomédicale des cellules souches non embryonnaires. Le Saint-Père avait loué cette convergence entre la haute qualité des travaux scientifiques présentés et une éthique personnaliste qui respecte l’être humain venant d’être conçu. Parce que nous n’avons jamais oublié les malades, nous avons mis à l’honneur ces thérapies novatrices en invitant à l’Evêché de Fréjus-Toulon le professeur McGuckin et le docteur Forraz, des scientifiques qui ont découvert des cellules souches aux capacités exceptionnelles de différentiation dans le sang du cordon ombilical. C’est d’ailleurs en collaboration avec eux que la Fondation Jérôme Lejeune propose le projet très abouti Novus sanguis, un consortium international réunissant des chercheurs de très haut niveau travaillant sur ces entités cellulaires.
Zenit – La loi bioéthique autorise aujourd’hui la recherche sur les embryons in vitro sans projet parental à des fins thérapeutiques. Une révision de la loi est prévue en 2009. Quelles pourraient être les conséquences de la révision de la loi bioéthique en 2009 si l’on ne se mobilise pas ?
P.-O. Arduin – Les rapports parlementaires et autres avis éthiques publiés ces derniers mois entament de manière toujours plus inquiétante le droit intangible à la vie de l’être humain. Se parant des atours de l’expertise scientifique, les recommandations émises sont déconnectées de toute exigence de vérité. L’idéologie utilitariste, qui comble l’espace vide laissé par un relativisme radical, exige de sacrifier le plus petit et le plus fragile d’entre nous pour d’hypothétiques biens à venir. Création de cybrides ou embryons homme-animal, clonage dit scientifique, autorisation des mères porteuses, ouverture des techniques de PMA aux femmes homosexuelles, les transgressions à venir sont déjà mises sur la table des discussions par des personnalités influentes sous prétexte de débat démocratique. On a même parfois l’impression que les plus outrancières d’entre elles sont envisagées comme une diversion pour faire adopter plus facilement dans la prochaine loi une libéralisation totale de la recherche embryonnaire. On nous dira alors qu’on a évité le pire ! Notre crainte est que le législateur ne s’engage dans cette voie sans issue aboutissant en 2009 à une instrumentalisation définitive de l’embryon humain inscrite dans le marbre de la loi. Cette éventualité requiert tous nos efforts : le temps de l’action est venu !
Zenit – Quelle contribution chacun peut-il apporter afin d’empêcher la loi d’ouvrir davantage le champ d’action sur la recherche embryonnaire ?
P.-O. Arduin – Devant ces défis qui pourraient nous sembler écrasants, j’aime beaucoup rappeler ces paroles de Jean-Paul II devant la cathédrale de Spire : « Que puis-je faire, moi, tout seul, est-ce que je peux vraiment apporter ma contribution. A cette question, je vous apporte la réponse. Oui, toi, individuellement, tu peux amorcer le mouvement, car toute bonne résolution ne se décide jamais que par une personne! ».
A la source de toute initiative, j’insisterai sur la formation personnelle. Celle-ci peut être approfondie à travers des parcours spécifiques : je pense au troisième cycle de bioéthique créé conjointement par la Fondation Jérôme Lejeune et l’Institut politique Léon Harmel ou aux formations dispensées par la communauté de l’Emmanuel dont le colloque annuel de Paray-le-Monial est un moment exceptionnel pour se renouveler dans son engagement au service de la vie. Chacun peut s’associer à un mouvement pro-vie, rencontrer son député en s’appuyant sur les dossiers très bien construits de l’Alliance pour les Droits de la Vie, soutenir un projet scientifique ayant un label éthique. J’encourage les catholiques à rencontrer leur Evêque pour mettre en place une commission bioéthique diocésaine comme l’a demandé récemment le Cardinal Tarcisio Bertone sur une idée de Jean-Marie Le Méné.
Enfin, plusieurs colloques vont être organisés par des chrétiens dans les mois qui viennent pour préparer au mieux la révision de la loi de bioéthique. La tenue d’Etats généraux de la bioéthique en France sera l’occasion de rendre compte de notre réflexion et de nos propositions. Si le Magistère d’une Eglise experte en humanité est appelé à toucher de plus en plus les consciences, les faits scientifiques sont en outre complètement en notre faveur.
Regardez la « conversion » intellectuelle de Ian Wilmut, père de la fameuse brebis Dolly. Devant les résultats exceptionnels du professeur Yamanaka – invité par le Vatican il y a déjà plus d’un an – qui est parvenu à transformer des cellules malades en cellules souches pluripotentes, le chercheur écossais a fait le choix de renoncer publiquement à la technique de clonage embryonnaire, alors même qu’il avait obtenu toutes les accréditations de la part des autorités britanniques. A nous d’être les témoins de cette magnifique concordance entre le respect de la vie humaine et les découvertes passionnantes de la médecine moderne !