ROME, Vendredi 7 décembre 2007 (ZENIT.org) - Nous publions ci-dessous le commentaire de l'Evangile du dimanche 9 décembre, proposé par le père Raniero Cantalamessa, OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 3, 1-12


En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :
« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Jean est celui que désignait la parole transmise par le prophète Isaïe : A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.
Jean portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain venaient à lui,
et ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.
Voyant des pharisiens et des sadducéens venir en grand nombre à ce baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion,
et n'allez pas dire en vous-mêmes : 'Nous avons Abraham pour père' ; car, je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
Moi, je vous baptise dans l'eau, pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu ;
il tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas. »
 

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Une voix dans le désert

Dans l'Evangile du deuxième dimanche de l'Avent ce n'est pas Jésus qui nous parle directement, mais son précurseur, Jean Baptiste. Le cœur de la prédication du Baptiste est contenue dans cette phrase d'Isaïe qu'il répète avec une grande force à ses contemporains : « A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ». En vérité, Isaïe disait : « Une voix crie : ‘Dans le désert, frayez le chemin du Seigneur' (Is 40, 3). Non pas, donc, une voix dans le désert, mais un chemin dans le désert. En appliquant le texte au Baptiste qui prêchait dans le désert de Judas, les évangélistes ont modifié la ponctuation, sans toutefois changer le sens du message.

Jérusalem était une ville entourée du désert : à l'est, les routes d'accès, à peine tracées, étaient facilement effacées par le sable balayé par le vent, et à l'ouest, elles se perdaient entre les aspérités du terrain qui descendait vers la mer. Lorsqu'un cortège ou un personnage important devait arriver dans la ville, il fallait aller dans le désert tracer une route moins provisoire ; on taillait les broussailles, on comblait un affaissement du sol, on aplanissait un obstacle, on remettait en état un pont ou un gué. On le faisait par exemple à l'occasion de la fête de Pâques, pour accueillir les pèlerins qui arrivaient de la diaspora. Jean Baptiste s'inspire de cela. Il crie que quelqu'un qui est au-dessus de tous, « celui qui doit venir », celui que les nations attendent, est sur le point d'arriver : il faut tracer un chemin dans le désert pour qu'il puisse arriver.

Mais voici le saut de la métaphore à la réalité : ce sentier ne doit pas être tracé sur le sol mais dans le cœur de chaque homme ; il n'est pas à tracer dans le désert mais dans la vie de chacun. Pour ce faire, il ne faut pas se mettre au travail matériellement mais se convertir. « Préparez le chemin du Seigneur », ce commandement suppose une réalité amère : l'homme est comme une ville envahie par le désert ; il s'est renfermé sur lui-même, dans son égoïsme ; il est comme un château entouré d'un fossé, avec les ponts-levis relevés. Pire : l'homme a brouillé ses routes avec le péché et y est resté pris au piège comme dans un labyrinthe. Isaïe et Jean Baptiste utilisent les métaphores de ravins, de montagnes, de passages tortueux, de lieux inaccessibles. Il suffit d'appeler toutes ces choses par leurs vrais noms qui sont l'orgueil, la paresse, les abus, la violence, la cupidité, le mensonge, l'hypocrisie, l'impudeur, la superficialité, les enivrements de toutes sortes (on peut être ivre non seulement de vin, mais de drogues, de sa propre beauté, de son intelligence, ou de soi-même, ce qui est le pire des enivrements !). On s'aperçoit alors immédiatement que ce discours s'adresse aussi à nous ; il s'adresse à tout homme qui, dans cette situation, désire et attend le salut de Dieu.

Préparer un chemin pour le Seigneur a donc une signification très concrète : cela signifie entreprendre de réformer sa vie, se convertir. Au sens moral, ce sont des collines à aplanir et des obstacles à éliminer : l'orgueil qui conduit à être impitoyable et sans amour envers les autres, l'injustice qui trompe le prochain, voire même en invoquant de faux prétextes de dédommagement ou de compensation pour faire taire la conscience, sans parler de rancoeurs, de vengeances, de trahisons dans l'amour. Ce sont des vallées à combler : la paresse, l'incapacité de s'imposer le moindre effort, tout péché d'omission.

La parole de Dieu ne nous écrase jamais sous une montagne de devoirs sans nous donner en même temps l'assurance que Dieu fait avec nous ce qu'Il nous commande de faire. Dieu, dit [le prophète] Baruch « a décidé que soient abaissées toute haute montagne et les collines éternelles, et comblées les vallées pour aplanir la terre, pour qu'Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu » [Ba 5, 7, ndlr]. Dieu aplanit, Dieu comble, Dieu trace la route ; à nous la tâche de favoriser son action, en nous souvenant que « celui qui nous a créés sans nous ne nous sauvera pas sans nous ».

Traduit de l'italien par Gisèle Plantec