CITE DU VATICAN, Dimanche 17 octobre 2004 (ZENIT.org) – L’année 2004 a été proclamée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies « Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition », et donc en faveur des personnes qui vivent dans la misère comme dans l’esclavage, dont les Droits humains sont violés : c’est l’occasion de mettre plus particulièrement en évidence la journée internationale du refus de la misère célébrée chaque année le 17 octobre. Philippe Mével, volontaire permanent d’ATD-Quart Monde à Paris a bien voulu nous expliquer le sens de cette journée.
Zenit -Philippe Mével, vous êtes volontaire permanent d’ATD-Quart Monde, une association qui est, avec son fondateur, le P. Joseph Wresinski, à l’origne de la Journée mondiale du refus de la misère, fêtée chaque année désormais le 17 octobre. Pour uoi cette journée?
Philippe Mével – Historiquement, plusieurs milliers de personnes de tous milieux, ATD-Quart Monde et son fondateur, le P. Wresinski, ont initié la commémoration de cette journée à sur le Parvis des Droits de l’Homme, au Trocadéro, à Paris en 1987, avec le geste symbolique de la mise en place d’une dalle. Cette dalle a maintenant de nombreuses répliques dans le monde, au Nations Unies, à New York ou à Manille, par exemple. Ce qui est important, c’est le message qui est inscrit sur cette dalle et qui est proclamé tous les 17 octobre : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l’Homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. » Cette approche était novatrice, par ce que ce n’est pas encore entré dans tous les esprits que l’exclusion sociale c’est aussi une violation des droits de l’homme. Cette journée permet aussi au grand public de faire entendre la voix de ces personnes qui vivent dans la grande pauvreté et de s’interroger sur les engagements que tous nous pouvons prendre, comme citoyens, pour refuser la misère, pour venir à bout de la misère.
Zenit – C’est possible ?
Philippe Mével – Il s’agit de détruire la misère, et pas seulement de la soulager.Pour venir à bout de la misère, il faut aussi pouvoir sortir de l’assistance. C’est aussi ce que le P.Wresinski a vécu dans son enfance. Cetet journée permet de se rassembler autour des droits de l’homme : beaucoup n’ont pas aujourd’hui accès à un logement, à un travail, à la santé, à l’éducation, des familles sont disloquées par la misère. Le P. Joseph voulait aller à la racine des choses et permettre aux autres de s’approprier ce message. Certes, l’aide d’urgence est importante, mais ce que les gens veulent c’est de vivre dignement (… je ne me relis pas…).
Zenit – Cette journée est officiellement reconnue par les Nations Unies depuis 1992 : qu’est-ce que ça change?
Philippe Mével – Elle est devenue une journée internationale de lutte contre la pauvreté, et plus seulement une journée d’ATD-Quart monde. ATD organise ou co-organise des actions pour sensibiliser l’opinion publique, et conserver le sens que nous estimons important de donner à cette journée : faire entendre ce que vivent les plus démunis, les souffrances, les injustices, faire entendre leurs aspirations, faire connaître leur combat, et les forces qu’ils mettent en œuvre pour s’en sortir, avoir un avenir meilleur. Et l’approche en termes de droits est fondamentale.
Zenit – En France, comment est-elle vécue ?
Philippe Mével – En France, une loi de lutte contre les exclusions a été votée en 1998, Des politiques publiques ambitieuses sont nécessaires mais elles ne sont pas suffisantes. L’enjeu c’est de faire avancer toute la société : une mobilisation citoyenne. Chacun peut se mobiliser à son niveau. Un enseignant par exemple par son attention à un enfant qui a plus de mal à apprendre que les autres. On publie un journal gratuit intitulé “ Résistances ” en collaboration avec Amnesty International pour faire connaître des situations intolérables et des mobilisation individuelle. Ce serait bon que les gens acceptent de se renseigner pour transformer leur regard qui souvent juge face à la grande pauvreté. L’histoire des gens n’est pas si simple, si évidente.
Zenit – Aujourd’hui, quelle action, de chez lui chacun peut-il envisager pour vous soutenir?
Philippe Mével – Ceux qui le peuvent, visiter le site (http://www.oct17.org/fr/homef.htm) qui offre des pistes, lire, par exemple le livre sur le P. Joseph par Jean-Claude Caillaux (Desclée de Broiuwer), également cité en ligne, et d’autres livres des éditions Quart Monde, renseignés sur le site. Et puis on peu souhaiter que certains osent se lancer dans l’aventure, d’aller à la rencontre des personnes différentes, en dépit de la peur, c’est un grand enrichissement.
Zenit – Qu’attendez-vous des media, cathos ou pas ?
Philippe Mével – Les media catholiques peuvent beaucoup dans leur milieu pour faire passer le message en vue de ce combat pour la justice et du changement de regard. Un regard qui juge c’est le summum de l’injustice pour des gens qui sont déjà victimes de grandes précarités et sont en plus amenés à se sentir coupables de leur situation. Et puis, ils peuvent faire connaître les situations et les attentes de ces personnes pour le respect de leur dignité humaine. On a du mal à imaginer ces situations. C’est bon de faire entendre des témoignages – il y en a sur le site – et de faire connaître les possibilités de combat, au-delà du strict caritatif pourtant si nécessaire. Mais ATD Quart Monde n’est pas un Mouvement confessionnel mais un Mouvement de rassemblement de presonnes de différents horizons. Ce qui est rassembleur c’est le respect de la dignité humaine.
Le site de la Journée mondiale propose cette réflexion du P. Joseph Wresinski, lors de sa visite, le 27 novembre 1987, à l’Ile de Gorée, haut lieu de l’histoire de l’esclavage :
« Des millions et des millions d’hommes, de femmes et d’enfants, aujourd’hui disent non à la misère et à la honte, parce que des hommes hier traités en esclaves par les puissants ont -en leur coeur- affirmé qu’ils étaient des hommes. Et nombreux sont morts pendant trois siècles pour que jamais personne ne l’oublie. »