Au milieu des années 1990, Ricardo Asch grand spécialiste mondial des fécondations in vitro, fût accusé de vol d’embryons.
Il avait donné à des couples stériles des embryons stockés dans son laboratoire. Une centaine de couples demandaient réparation.
La justice a eu des difficultés à caractériser le préjudice. Pour considérer qu’Asch avait « volé » des embryons, il fallait les considérer comme une marchandise, explique M. Iacub.
Or, la justice américaine considère les personnes propriétaires de leur sperme et de leurs ovules, mais elle se refuse à donner un prix à un embryon. Les plaignants furent indemnisés de la souffrance psychologique résultant du fait de ne pas avoir eu d’enfant.
Cette affaire, souligne « Gènéthique » rappelle le procès de Maryville ou deux époux en cours de divorce se disputaient la garde d’embryons congelés. Fallait-il les considérer comme des personnes ou comme des biens ? Le juge conclu à l’humanité de l’embryon et n’autorisa pas leur destruction.
Le récit du procès a été publié dans le livre : « Embryon mon amour. Jérôme Lejeune à Maryville » de Céline Siorac (Ed. e/dite, mars 2003).
Août 1989 : le procès de Maryville
Sept embryons congelés et des parents qui divorcent : que vont devenir ces embryons ? La mère souhaite les garder, le père voudrait les détruire et le tribunal de Maryville aux Etats-Unis est appelé à trancher. Le juge chargé de l’affaire est bien embarrassé ; nulle part au monde, en 1989, ne s’est posée cette question pour un juge. Il lance un appel à témoins en direction de scientifiques susceptibles de l’éclairer quant à la qualification de ces embryons : être humain ou simple objet ?…
S’il s’agit d’un être humain, il devra, aux termes de la loi, être confié à garde ; s’il est qualifié de bien, rien ne s’oppose à sa destruction.
L’avocat de la mère invite alors à témoigner Jérôme Lejeune, connu aux Etats-Unis pour avoir reçu le prix Kennedy à la suite de sa découverte de la trisomie 21, membre de l’Académie américaine des Arts et des Sciences, de l’Académie pontificale des sciences… et dont il espère que les remarquables talents de généticien contribueront à éclairer le magistrat.
Qu’est-ce qu’un embryon ?
Certains scientifiques américains déjà consultés distinguent le pré-embryon (jusqu’à dix ou quatorze jours après la fécondation) de l’embryon, tout en disant que sans être une personne humaine, il est plus qu’un simple tissu et mérite un plus grand respect .
Initiation aux mystères de la génétique
Au contraire, la génétique nous montre que la première cellule de l’embryon en sait plus et est plus spécialisée qu’aucune cellule se trouvant plus tard dans notre organisme.
Jérôme Lejeune explique que dès la fusion des gamètes, toute l’information génétique humaine est donnée ; c’est pourquoi il n’y a pas lieu de distinguer selon les différents stades d’évolution. Il compare l’ordonnancement des chromosomes à la réunion de toute l’information nécessaire et suffisante pour dicter la symphonie de la vie : dès la conception, la symphonie se joue elle-même, autrement dit, un nouvel homme commence sa carrière.
Qu’est-ce que la conception ?
C’est réellement l’information inscrite dans la matière, si bien que cette matière n’est plus matière mais un homme nouveau. Au commencement de la vie, l’information génétique et la structure moléculaire du zygote, l’esprit et la matière, l’âme et le corps, sont totalement intriqués puisqu’il s’agit déjà d’un être humain. Et le professeur Jérôme Lejeune conclut : « un tout jeune être humain, dans le temps suspendu de la bonbonne, ne peut être la propriété de personne, puisqu’il est le seul au monde à avoir la propriété de s’édifier lui-même. »
Le jugement de Salomon
A Maryville, la mère préférait donner ses embryons à une autre femme plutôt qu’ils soient détruits. Nous assistons ici à la version moderne du jugement de Salomon…
Une histoire vraie et un débat passionnant
Le lecteur assiste à une discussion passionnée : d’un côté, l’avocat de Mary Davis, la mère, assisté du Professeur Lejeune qui tente, avec toute la pédagogie qu’on lui connaît, de définir scientifiquement l’embryon et de montrer comment la science et particulièrement la génétique permettent de mieux comprendre l’être humain. De l’autre, l’avocat du père des embryons qui craint par-dessus tout de devoir un jour assumer la responsabilité de ses enfants et préfère donc les détruire.
Quel sera le sort de ces embryons, « orphelins transitoires, dans le temps suspendu de la bonbonne ».