Chine : La lettre de Benoît XVI six mois plus tard

Commentaires et explications du père Yihm Sihua de Hong Kong

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ROME, Mardi 18 décembre 2007 (ZENIT.org) – Six mois après la publication de la Lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois, où en est l’Eglise de Chine ? La réconciliation entre les catholiques, sur laquelle le pape insistait, est-elle en train de devenir réalité ? Peut-on parler d’une plus grande liberté religieuse dans le pays ?

Zenit a demandé au père Yihm Sihua de Hong-Kong, francophone, qui se rend régulièrement sur le continent chinois pour des visites pastorales, d’analyser l’impact de la lettre de Benoît XVI sur la vie de l’Eglise, aujourd’hui, en Chine.

Zenit – La lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois a été publiée il y a tout juste six mois, est-ce que ceux à qui elle était destinée ont pu la lire ?

P. Sihua – Malgré l’interdiction dont cette lettre a été frappée quelques heures après sa publication sur les sites internet, la grande majorité de ceux qui voulaient la lire ont pu le faire. Plusieurs diocèses l’ont même imprimée en douce, certainement avec l’accord tacite de personnes haut placées. Est-ce que cela signifie qu’une majorité silencieuse réprouve la censure systématique que pratiquent les médias ? Vraisemblablement. Il est même probable que beaucoup de gens voient d’un œil sympathique les grandes religions : « Elles enseignent à faire de bonnes actions et se soucient du bien commun, pourquoi ne pas les laisser se développer librement ? »

Zenit – Comment cette lettre a-t-elle été reçue par les autorités chinoises ?

P. Sihua – Du côté du gouvernement et de l’Association Patriotique des Catholiques chinois (proche du gouvernement), il n’y a pas eu de réactions officielles. Il semble qu’ils aient senti qu’il y avait des limites à ne pas franchir sous peine de se discréditer et de donner des arguments à ceux qui accusent la Chine de violer la liberté religieuse.

Depuis six mois, il y a eu quatre ordinations épiscopales qui ont toutes été approuvées par le Saint-Siège. Il semble que Pékin veuille laisser la porte ouverte à de futures négociations et n’exclure aucune possibilité, notamment celle d’établir des relations diplomatiques avec le Vatican.

Zenit – Il y a six mois, mesurer l’impact réel de cette lettre sur les catholiques sur place, était difficile. On savait qu’elle était très attendue. Vous nous disiez, dans un entretien aussitôt après la publication de la lettre (cf. Zenit, jeudi 5 juillet 2007) que les catholiques avaient été très sensibles au fait que le pape dise qu’il les porte dans son cœur, qu’il comprend bien leurs problèmes et qu’il leur fait confiance pour les résoudre. Mais aujourd’hui dites-nous comment les catholiques chinois ont effectivement réagi à la lecture de cette lettre pastorale ?

P. Sihua – Très favorablement et avec une grande joie : Cette lettre permet aux catholiques du continent d’élargir leur cœur aux dimensions du monde. Ils se rendent ainsi mieux compte qu’ils appartiennent tous à l’Eglise universelle et que le Saint-Père les porte dans son cœur. J’ai pu constater que le message du pape avait des effets favorables dans trois domaines :

Tout d’abord ce message éclaire les catholiques chinois sur l’état réel de leur Eglise locale, écartelée entre différentes tendances. Cette situation était d’autant plus difficile à appréhender, quand on était sur place, que la propagande officielle s’efforçait de brouiller les esprits et de désinformer les croyants. Ce message contient une information fiable et une analyse fine et cohérente de la situation.

D’autre part, la réflexion du Saint Père offre une présentation de l’ecclésiologie catholique en référence à la situation chinoise. A partir de ces considérations, chacun est maintenant amené à se poser de bonnes questions et à en chercher, en Eglise, les réponses. Chacun peut maintenant mieux comprendre ses frères et sœurs dans la foi qui ont fait des choix différents. Un approfondissement des bases de la foi est lancé.

Enfin, un rapprochement est maintenant envisagé par certains, alors qu’avant il paraissait être une lâcheté, voire une trahison. Des communautés sortent de leur isolement et s’intéressent à l’ensemble de l’Eglise de Chine. Elles vont finir par découvrir que les catholiques qui n’ont pas fait les mêmes choix qu’eux sont aussi des frères et des sœurs et qu’il y a chez eux une foi authentique.

En même temps, les extrémistes des deux bords sont désarmés : ceux qui ont adhéré à l’Association Patriotique par conviction et les « irréductibles » des communautés souterraines. Ils se sentent désavoué par le Saint Père lui-même. Le tissu ecclésial commence à évoluer pour s’assainir, il en avait bien besoin. Mais il faudra encore du temps pour que le processus de réconciliation et réunification parvienne à son terme.

Zenit – </b>Quels sont les obstacles qui subsistent ?

P. Sihua – Le plus gros obstacle à surmonter, en ce moment, reste celui de la nomination des évêques. Pékin n’a pas renoncé, semble-t-il, à chercher parmi les prêtres ceux qui sont les plus favorables à la politique actuelle et les plus complaisants envers le régime. Or le Saint-Siège, lui, veut nommer des pasteurs qui soient fermes dans la foi, soucieux de l’unité de l’Eglise et capables de bien guider leur peuple.

L’autre gros obstacle est le contrôle incessant des activités religieuses. Les catholiques des communautés souterraines expliquent que, pour eux, sortir de la clandestinité serait se jeter dans les bras de l’Association Patriotique, c’est-à-dire perdre la liberté qu’ils ont réussi péniblement à préserver jusqu’ici.

Ils n’ont pas choisi de gaieté de cœur de vivre dans la clandestinité. Pour eux, c’est une grosse épreuve, voire un pari fou ! Les problèmes quotidiens sont multipliés par dix et les risques énormes : divisions, infiltrations, dénonciations. Par exemple, comment traiter les chrétiens hésitants ou même versatiles (qui seraient prêts à passer d’une communauté souterraine à une autre officielle) ? Comment expliquer aux jeunes enfants de garder le silence, même quand leur institutrice les interroge ? Comment réussir à communiquer entre chrétiens (téléphone, internet, courrier etc..) sans se faire repérer par les très diligents services de renseignements ? Comment assurer la continuité d’une catéchèse de qualité quand on n’a pas de lieu fixe pour enseigner ?

Les communautés catholiques souterraines n’ont pas décidé d’entrer dans la clandestinité par goût du secret, pour s’opposer au gouvernement ou par fidélité à la puissance étrangère qu’est le Vatican. Elles l’ont fait par souci de maintenir l’intégrité de leur foi face à un contrôle excessif de leurs activités et à des pressions politiques insoutenables. Elles n’y renonceront pas de sitôt !

Pour que ces communautés sortent de la clandestinité, il faudrait que l’Association Patriotique soit dissoute ou devienne inoffensive et que le gouvernement cesse de chercher à contrôler les activités religieuses de A à Z, en particulier les réunions de la conférence des évêques de Chine. Pour cela, il faudra attendre une évolution du régime politique actuel.

Deux exemples récents nous donnent une idée du peu de liberté religieuse dont jouissent les citoyens chinois à l’heure actuelle : Lors de l’ordination de l’évêque de Canton, avec l’accord de Rome, le 4 décembre dernier, il n’y a eu aucune place pour l’imprévu et encore moins pour la fantaisie.

Le très officiel Bureau des affaires religieuses avait tout décidé d’avance : il avait imposé l’évêque qui serait le consécrateur principal, interdit la proclamation de la bulle du pape, empêc
hé les étrangers d’entrer dans la cathédrale et, au contraire, invité des gens soigneusement sélectionnés : Les hauts-fonctionnaires du gouvernement siégeaient aux premiers rangs tandis qu’une partie des catholiques étaient restés dehors. Des renforts de police cernaient l’édifice pour garantir le bon ordre de la cérémonie. Tout avait été minutieusement réglé à un détail près : la ferveur et la participation de l’assemblée laissaient à désirer. La Chine n’a donc toujours pas renoncer à formater, non seulement, les membres du Parti communiste mais aussi les disciples du Christ ?

Le deuxième exemple est celui de Mgr Han Dingxiang, qui avait passé plus de vingt ans en prison et vivait dans un endroit inconnu de ses parents et amis depuis 2006. Il est mort dans des circonstances suspectes après deux semaines d’hospitalisation. Le décès de ce prélat de 68 ans a surpris tous les catholiques qui priaient pour lui. La crémation du corps et sa sépulture ont eu lieu dès le lendemain matin à 7h sans aucun rite religieux et sans que les prêtres et les fidèles puissent rendre hommage à sa dépouille. La sépulture est depuis placée sous étroite surveillance policière. L’évêque était né le 17 mai 1939, avait été ordonné prêtre en 1986 et avait reçu la mitre épiscopale le 14 novembre 1989.

Propos recueillis par Isabelle Cousturié

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ZENIT Staff

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