CITE DU VATICAN, Mercredi 26 juin 2002 (ZENIT.org) – « Les bienfaits de Dieu en faveur de son peuple »n, c´est le titre donné par L´Osservatore Romano en français du 25 juin à l´allocution de Jean-Paul II lors de l´audience générale du mercredi 19 juin, sur le cantique de Moïse au ch. 32 du Deutéronome. Voici la traduction de l´allocution en italien publiée par L´OR.
Lecture: Dt 32, 1.3-4.11
1. « Puis, aux oreilles de toute l´assemblée d´Israël, Moïse prononça jusqu´à la dernière les paroles de ce cantique » (Dt 31, 30). Ainsi peut-on lire dans l´ouverture du chant qui vient d´être proclamé, qui est tiré des dernières page du livre du Deutéronome, précisément du chapitre 32. C´est de celui-ci que la Liturgie des Laudes a repris les douze premiers versets, en y reconnaissant une hymne joyeuse au Seigneur qui protège et qui prend soin avec amour de son peuple face aux dangers et aux difficultés de la journée. L´analyse du cantique a révélé qu´il s´agit d´un texte antique mais postérieur à Moïse, sur les lèvres duquel on l´a placé, afin de lui conférer un caractère solennel. Ce chant liturgique se trouve aux racines mêmes de l´histoire du peuple d´Israël. Dans cette page de prière, les renvois ou les liaisons avec certains Psaumes et avec le message des prophètes ne manquent pas: elle est ainsi devenue une expression de la foi d´Israël suggestive et intense.
2. Le cantique de Moïse est plus ample que le passage proposé par la Liturgie des Laudes, qui en constitue seulement le prélude. Certains chercheurs ont pensé avoir trouvé dans cette composition un genre littéraire qui est tech-niquement défini par le terme hébreu rîb, c´est-à-dire « dispute », « querelle judiciaire ». L´image de Dieu présente dans la Bible n´apparaît pas du tout comme celle d´un être obscur, une énergie anonyme et brute, une destinée incompréhensible. C´est en revanche une personne qui éprouve des sentiments, qui agit et réagit, qui aime et qui condamne, qui participe à la vie de ses créatures et qui n´est pas indifférente à leurs oeuvres. Ainsi, dans notre cas, le Seigneur convoque une sorte d´assemblée judiciaire, en présence de témoins, dénonce les délits du peuple imputé, exige une peine, mais son verdict est imprégné d´une infinie miséricorde. Suivons à présent les traces de cet événement, même si nous nous arrêtons uniquement aux versets que la Liturgie nous propose.
3. On trouve immédiatement la mention des spectateurs-témoins cosmiques: « Cieux, prêtez l´oreille… terre, écoute… » (Dt 32, 1). Dans ce procès symbolique, Moïse joue presque le rôle du procureur général. Sa parole est efficace et féconde comme la parole prophétique, expression de la parole divine. On doit remarquer le flux significatif des images utilisées pour la définir: il s´agit de signes empruntés à la nature comme la pluie, la rosée, l´averse, l´ondée et la bruine qui rendent la terre verdoyante et couverte de tiges de blé (cf. v. 2).
La voix de Moïse, prophète et interprète de la parole divine, annonce l´entrée en scène imminente du grand juge, le Seigneur, dont il prononce le nom très saint, en exaltant l´un de ses nombreux attributs. En effet, le Seigneur est appelé le Rocher (v. 4), un titre qui constelle tout notre cantique (cf. vv. 15.18.30.31.37), une image qui exalte la fidélité stable et inébranlable de Dieu, bien différente de l´instabilité et de l´infidélité du peuple. Le thème est affronté avec une série d´affirmations sur la justice divine: « Son oeuvre est parfaite, car toutes ses voies sont le Droit. C´est un Dieu fidèle et sans iniquité, il est Justice et Rectitude » (v. 4).
4. Après la présentation solennelle du Juge suprême, qui est également la partie lésée, le regard du poète se tourne vers l´accusé. Pour le définir, il a recours à une représentation efficace de Dieu comme père (cf. v. 6). Ses créatures, tant aimées, sont appelées ses fils, mais ce sont malheureusement des fils « corrompus » (cf. v. 5). Nous savons, en effet, que dans l´Ancien Testament il existe déjà une conception de Dieu comme père attentif à l´égard de ses enfants qui le déçoivent souvent (Ex 4, 22; Dt 8, 5; Ps 102, 13; Si 51, 10; Is 1, 2; 63, 16; Os 11, 1-4). C´est pourquoi la dénonciation n´est pas froide, mais passionnée: « Est-ce là ce que vous rendez à Yahvé? Peuple insensé, dénué de sagesse! N´est-ce pas lui ton père, qui t´a procréé, lui qui t´a fait et par qui tu subsistes? » (Dt 32, 6). En effet, il est bien différent de se rebeller contre un souverain implacable ou de se révolter contre un père plein d´amour.
Pour rendre le chef d´accusation concret et faire en sorte que la conversion naisse de la sincérité du coeur, Moïse fait appel à la mémoire: « Rappelle-toi les jours d´autrefois, considère les années, d´âge en âge » (v. 7). La fidélité biblique est un « mémorial », c´est-à-dire une redécouverte de l´action éternelle de Dieu présente dans l´écoulement du temps; c´est rendre présent et efficace ce salut que le Seigneur a donné et qu´il continue à offrir à l´homme. Le grand péché d´infidélité coïncide alors avec le « manque de mémoire », qui efface le souvenir de la présence divine en nous et dans l´histoire.
5. L´événement fondamental qu´il ne faut pas oublier est celui de la traversée du désert après la sortie d´Egypte, le thème capital du Deutéronome et de tout le Pentateuque. On évoque ain-si le voyage terrible et dramatique dans le désert du Sinaï, « une lande de hullulements solitaires » (cf. v. 10), comme il est dit en employant une image qui possède un profond impact émotif. Cependant, ici, Dieu s´incline sur son peuple avec une tendresse et une douceur surprenantes. Au symbole paternel s´ajoute également de façon allusive le symbole maternel de l´aigle: « Il l´entoure, il l´élève, il le garde, comme la prunelle de son oeil. Tel un aigle qui veille sur son nid, plane au-dessus de ses petits, il déploie ses ailes et le prend » (vv. 10-11). Le chemin dans la steppe désertique se transforme alors en un parcours tranquille et serein, sous le manteau protecteur de l´amour divin.
Le cantique renvoie également au Sinaï, où Israël devient l´allié du Seigneur, son « lot » et son « héritage », c´est-à-dire la réalité la plus précieuse (cf. v. 9; Ex 19, 5). Le cantique de Moïse devient ainsi un examen de conscience choral, car ce n´est plus le péché mais la fidélité qui répond finalement aux bienfaits divins.
(c) OR