CITE DU VATICAN, Vendredi 7 juin 2002 (ZENIT.org) - Jean-Paul II souligne les "liens culturels" existant entre Christianisme et Islam lors de la première visite d´une autorité malaisienne au Vatican.

Jean-Paul II a en effet reçu ce matin au Vatican le Premier ministre de Malaisie, Dato’ Seri Mahathir bin Mohamad. Il s’agit là d’une première. Pays pluriethnique et plurireligieux, où la religion officielle est l’islam, la Fédération de Malaisie n’entretient pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Et aucun chef de l’exécutif malaisien, que ce soit le Dr Mohamad Mahathir ou l’un de ses prédécesseurs, n’a jamais été reçu en visite au Vatican.

Cette visite intervient quelques jours avant que le Premier ministre malaisien n’assiste, les 9 et 10 juin, à Genève, à une réunion de l’Organisation internationale du travail et ne se rende en visite au Luxembourg, les 11 et 12 juin.

Au cours des conversations, précise un communiqué du vice-directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le P. Ciro Benedettini, les interlocuteurs ont parlé "des relations entre l´Eglise et l´Etat en Malaisie, ainsi que de la coopération mutuelle en vue de la promotion du dialogue entre les cultures et les religions, en prêtant une attention spéciale aux liens culturels entre l´Islam et le Christianisme".

Après l´entretien avec Jean-Paul II, le premier ministre de Malaisie a été reçu par le cardinal secrétaire d´Etat Angelo Sodano et par le secrétaire pour les Relations avec les Etats, Mgr Jean-Louis Tauran.

Ces entretiens, continue le communiqué officiel, ont été l´occasion "d´un échange d´opinions sur des questions internationales d´actualité, en particulier sur le Sud Est asiatique et le Moyen Orient".

Le communiqué souligne avec satisfaction le caractère historique de cette première rencontre: "C´était la première fois qu´un Premier Ministre malais rencontrait le Saint-Père et les hauts représentants du Saint-Siège", lit-on.

La Malaisie compte quelque 22 millions d´habitants, dont 53 % de Musulmans, 17 % de Bouddhistes, 7% d´Hindouistes, et 6, 4 % de Chrétiens, dont quelque 730 000 Catholiques, sous l´autorité d´un Délégué apostolique.

Selon la revue des Missions étrangères de Paris, Eglises d´Asie (EDA, eglasie.mepasie.org), Abdul Hamid, ministre rattaché directement au bureau du Premier ministre et chargé des Affaires religieuses, a pour sa part déclaré, quelques jours avant la rencontre, que “ la rencontre de responsables, bien que de religions différentes et au sein de la cité du Vatican, n’[était] pas contraire à l’enseignement de l’islam ”, ajoutant que la rencontre prévue ne saurait être exploitée sur la scène politique intérieure car ni la Malaisie ni le Dr Mahathir n’entretenaient d’arrière-pensées. “ Il n’y a pas de secret ou quoi que ce soit que nous cherchions à cacher. Notre position sur les questions d’actualité telles que le terrorisme, l’injustice, l’inhumanité est cohérente et connue de tous, que ce soit sur un plan local ou international ”, a encore précisé Abdul Hamid.

Dans la presse locale, la nouvelle a été plutôt bien accueillie. Pour nombre d’éditorialistes, elle est le signe que le Dr Mahathir est reconnu comme un leader musulman de premier plan. Selon l’éditorial du New Sunday Times, daté du 26 mai, “ le fait que le Premier ministre a été invité au Vatican est un nouveau pas dans la bonne direction pour [Mahathir], leader musulman modéré, perçu de façon croissante comme étant une voix de la raison dans les conflits qui agitent le monde d’aujourd’hui ”.

Toujours selon EDA, pour Karim Raslan, avocat et auteur de nombreuses tribunes libres dans les pages opinions de la presse locale, le Premier ministre bénéficie aujourd’hui de l’évolution de la scène internationale. Hier critiqué par les Etats-Unis et les pays européens pour ses discours véhéments contre les “ valeurs occidentales ” ou le traitement réservé à son ex-adjoint Anwar Ibrahim, emprisonné depuis 1998, Mahathir apparaît aujourd’hui comme un homme œuvrant pour le progrès, la stabilité et faisant preuve de pragmatisme.

“ Il n’a pas changé, le monde a changé ”, déclare ainsi à son propos Karim Raslan, tandis que le professeur Shamsul A.B., de l’université Kebangsaan Malaysia, ajoute qu’il “ a émergé des ruines du 11 septembre en tant que leader, un héros pour le Tiers Monde et un héros pour les pays musulmans ”, là où aucun leader du Moyen-Orient ne fait l’affaire, là où la Turquie va de crise en crise, là où le Bangladesh est trop pauvre, là où la voix de Megawati Sukarnoputri, présidente de l’Indonésie, premier pays musulman du monde, est inaudible, toujours selon la même source.

Cité par l’agence Reuters, Farish Noor, chercheur en sciences politiques rattaché à l’Institut pour l’étude de l’islam dans le monde moderne, à Leiden, aux Pays-Bas, estime que cette visite “ intervient à un moment important où la Malaisie tente de convaincre qu’elle est un pays multiracial et plurireligieux, où l’islam n’est pas exclusif ”, ajoute Eglises d´Asie.

Selon lui, l’opposition islamique à Mahathir utilisera certainement cette visite pour dénoncer la politique de Premier ministre mais la présence de Mahathir au Vatican sera appréciée par une grande partie des Malaisiens, en particulier les non-musulmans qui représentent un peu moins de la moitié de la population, indique la même source.