CITE DU VATICAN, 13 juillet (zenit.org) – Voici la traduction intégrale de l’homélie de Jean-Paul Iipour la fête de Saint Pierre et Saint Paul, le 29 juin, lors de la remise des pallium aux 34 nouveaux archevêques métropolitains, provenant de 21 pays des 5 continents. Le texte est publié par l’OR en français du 11 juillet. « Bienheureuse Eglise du III millénaire qui conserves l´Evangile et le reproposes avec un élan renouvelé! », dit le pape.
– Homélie de Jean-Paul II –
1. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).
Que de fois avons-nous répété cette profession de foi, prononcée un jour
par Simon, fils de Jonas, aux alentours de Césarée de Philippe! Que de
fois j´ai moi-même trouvé dans ces paroles un soutien intérieur pour
poursuivre la mission que la Providence m´a confiée!
Tu es le Christ! Toute l´Année Sainte nous a conduits à fixer le regard
sur « Jésus-Christ unique sauveur, hier, aujourd´hui et à jamais ». Chaque
célébration jubilaire a été une incessante profession de foi dans le
Christ, renouvelée ensemble deux mille ans après son Incarnation. A la
question, toujours actuelle, de Jésus à ses disciples: « Mais pour vous,
qui suis-je? » (Mt 16, 15), les chrétiens du troisième millénaire ont
répondu une fois de plus en unissant leurs voix à celle de Pierre: « Tu es
le Christ, le Fils du Dieu vivant ».
2. « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car cette révélation t´est venue,
non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux » (Mt
16, 17).
Après deux millénaires, le « roc » sur lequel est fondée l´Eglise reste
toujours le même: c´est la foi de Pierre. « Sur cette pierre » (Mt 16, 18),
le Christ a construit son Eglise, un édifice spirituel qui a résisté à
l´usure des siècles. Assurément, elle n´aurait pas pu résister à l´assaut
de tant d´ennemis sur des bases uniquement humaines et historiques!
Au cours des siècles, l´Esprit Saint a illuminé des hommes et des femmes
de tout âge, vocation et condition sociale, pour en faire « des pierres
vivantes » (1 P 2, 5) de cette construction. Ce sont les saints, que Dieu
suscite avec une créativité inépuisable, et qui sont bien plus nombreux
que ceux que l´Eglise indique solennellement en exemple à tous. Une seule
foi; un seul « roc »; une seule pierre d´angle: le Christ, Rédemp-teur de
l´homme.
« Tu es heureux, Simon Fils de Jonas »! La béatitude de Simon est la même
que celle de la Très Sainte Vierge Marie, à laquelle Elisabeth dit: « Oui,
bienheureuse celle qui a cru en l´accomplissement de ce qui lui a été dit
de la part du Seigneur » (Lc 1, 45).
C´est la béatitude qui est également réservée à la communauté des croyants
d´aujourd´hui, à laquelle Jésus répète: Bienheureuse es-tu, Eglise du
troisième millénaire, qui conserves l´Evangile intact et qui continues à
le proposer avec un enthousiasme renouvelé aux hommes du début d´un
nouveau millénaire!
Dans la foi, fruit de la rencontre mystérieuse entre la grâce divine et
l´humilité humaine qui se remet à celle-ci, se trouve le secret de la
paix intérieure et de la joie du coeur qui anticipent d´une certaine
manière la béatitude du Ciel.
3. « J´ai combattu jusqu´au bout le bon combat, j´ai achevé ma course, j´ai
gardé la foi » (2 Tm 4, 7).
La foi se « conserve » en la donnant (cf. Redemptoris missio, n. 2). Tel est
l´enseignement de l´Apôtre Paul. C´est ce qui a eu lieu lorsque les
disciples, le jour de la Pentecôte, sortis du Cénacle et soutenus par
l´Esprit Saint, partirent dans toutes les directions. Cette mission
évangélisatrice se poursuit dans le temps et c´est la manière normale avec
laquelle l´Eglise administre le trésor de la foi. Nous devons tous
participer activement à ce dynamisme.
C´est avec ces sentiments que je vous adresse mon plus cordial salut,
chers et vénérés frères, qui m´entourez aujourd´hui. Je vous salue de
manière particulière, chers Archevêques métropolitains, nommés au cours de
la dernière année et venus à Rome pour le rite traditionnel de
l´imposition du Pallium. Vous provenez de vingt-et-un pays des cinq
continents. Sur vos visages, je contemple celui de vos communautés: une
immense richesse de foi et d´histoire, qui se compose et s´harmonise comme
une symphonie dans le Peuple de Dieu.
Je salue également les nouveaux évêques, ordonnés au cours de cette année.
Vous provenez, vous aussi, de diverses parties du monde. Dans les
différentes parties du corps ecclésial, que vous représentez ici, se
trouvent des espérances et des joies, mais les blessures ne manquent
certes pas. Je pense à la pauvreté, aux conflits, parfois même aux
persécutions. Je pense à la tentation du sécularisme, de l´indifférence et
du matérialisme pratique, qui mine la vigueur du témoignage évangélique.
Tout cela ne doit pas affaiblir, mais intensifier en nous, chers frères
dans l´épiscopat, le désir d´apporter la Bonne Nouvelle de l´amour de Dieu
à chaque être humain.
Prions afin que la foi de Pierre et de Paul soutienne notre témoignage
commun et nous rende prêts, si nécessaire, à aller jusqu´au martyre.
4. Ce fut précisément le martyre qui scella le témoignage rendu au Christ
par les deux grands Apôtres que nous célébrons aujourd´hui. A une distance
de quelques années l´un de l´autre, ils versèrent leur sang ici, à Rome,
en con-sacrant cette ville une fois pour toutes au Christ. Le martyre de
Pierre a marqué la vocation de Rome comme siège de ses successeurs dans
cette primauté que le Christ lui confia au service de l´Eglise: service à
la foi, service à l´unité, service à la mission (cf. Ut unum sint, n.
88).
Cette aspiration à la fidélité totale au Seigneur est urgente; le désir de
la pleine unité de tous les croyants devient toujours plus intense. Je me
rends compte que, « après des siècles d´âpres polémiques, les autres
Eglises et Communautés ecclésiales examinent toujours plus et d´un regard
nouveau ce ministère de l´unité » (Ibid., n. 89). Cela vaut de façon
particulière pour les Eglises orthodoxes, comme j´ai pu le remarquer
également au cours des derniers jours, lors de ma visite en Ukraine. Comme
je voudrais que vienne le temps de la réconciliation et de la communion
réciproque!
<br> Dans cet esprit, je suis heureux d´adresser mon salut cordial à la
Délégation du Patriarcat de Constantinople, guidée par Son Eminence
Jérémie, Métropolite de France et Exarque d´Espagne, que le Patriarche
oecuménique Bartholomaios I a envoyée pour la célébration des saints
Pierre et Paul. Leur présence ajoute une note de joie particulière à notre
fête. Que les saints Apôtres intercèdent pour nous, afin que notre
engagement commun puisse solliciter et préparer la recomposition de cette
unité, pleine et harmonieuse, qui devra caractériser la communauté
chrétienne dans le monde. Lorsque cela aura lieu, il sera plus facile au
monde de reconnaître le visage authentique du Christ.
5. « J´ai gardé la foi »! (2 Tm 4, 7). C´est ce qu´affirme l´Apôtre Paul en
traçant le bilan de sa vie. Et nous savons de quelle façon il la
conserva: en la donnant, en la défendant, en la faisant fructifier le
plus possible. Jusqu´à la mort.
De la même façon, l´Eglise est appelée à conserver le « dépôt » de la foi,
en le communiquant à tous les hommes et à tout l´homme. C´est pourquoi le
Seigneur l´a envoyé dans le monde, en disant aux Apôtres: « Allez donc, de
toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19). Ce mandat
missionnaire est
plus que jamais valable à présent, au début du troisième
millénaire. Face à l´ampleur du nouvel horizon, il doit même retrouver la
fraîcheur des débuts (cf. Redemptoris missio, n. 1).
Si saint Paul vivait aujourd´hui, comment exprimerait-il l´aspiration
missionnaire qui a distingué son action au service de l´Evangile? Et saint
Pierre ne manquerait certes pas de l´encourager dans ce généreux élan
apostolique, en lui donnant la main droite en signe de communion (cf. Ga
2, 9).
C´est pourquoi nous confions à l´intercession de ces deux saints Apôtres
le chemin de l´Eglise au début du nouveau millénaire. Nous invoquons
Marie, la Reine des Apôtres, afin que partout, le peuple chrétien croisse
dans la communion fraternelle et dans l´élan missionnaire.
Que la communauté des croyants puisse le plus rapidement possible
proclamer d´un seul coeur et d´une seule âme: « Tu es le Christ, le Fils
du Dieu vivant! » Tu es notre Rédempteur, notre unique Rédempteur! Hier,
aujourd´hui et à jamais. Amen.
© L´Osservatore Romano