ROME, Jeudi 20 décembre 2007 (ZENIT.org) – La congrégation romaine pour les causes des saints vient d’approuver un décret reconnaissant les « vertus héroïques » d’Antonietta Meo, une fillette italienne de 6 ans et demi (cf. Zenit du 18 décembre 2007). Elle pourrait être prochainement béatifiée : il faut l’authentification d’un miracle dû à son intercession.
Or, un 3e colloque, organisé par l’Association « Enfance et sainteté », s’est déroulé à la Toussaint à Paray-le-monial, à propos de la sainteté des enfants. Le Père Jacques-Marie Guilmard, moine de Solesmes et vice-président de cette Association, avait annoncé l’événement (cf. Zenit du 17 octobre 2007 ), et il nous dit maintenant quel sens peut avoir cette béatification, avant d’évoquer le colloque de Paray.
Zenit – Que pensez-vous de la béatification d’Antonietta Meo ?
P. J.-M. Guilmard – Je m’en réjouis infiniment, et il faut remercier le Saint-Père, qui aime tant les enfants, de faire à l’Église ce superbe cadeau. Saint Pie X avait prédit, il y a cent ans, qu’il y aurait des enfants saints. Ce même pape avait grandement facilité l’accès de petits à la rencontre eucharistique avec Jésus, il était donc normal que l’intimité de Jésus avec les enfants produise des fruits de sainteté reconnus par l’Église. On pourrait parler sans fin de Nennolina (c’était le surnom d’Antonietta), mais je soulignerai seulement que son très jeune âge en fait la plus jeune sainte de l’histoire de l’Église. C’est dire que, dès leurs toutes premières années, bien avant « l’âge raisonnable » de 6 ou 7 ans, les enfants peuvent se donner entièrement à l’amour de Dieu sous la conduite de l’Esprit Saint. Il faut savoir que Nelly Organ, une irlandaise de 4 ans, pourrait bien être un jour béatifiée et devancer Nennolina ! Les chrétiens trouvent là une occasion d’action de grâces, mais aussi ils trouvent une incitation à conduire les enfants dans la voie de la sainteté. Le travail est immense et exaltant.
Zenit – Comment s’est déroulé le colloque qui s’est tenu à Paray ?
P. J.-M. Guilmard – Il fut apprécié de l’ensemble des participants. Nous avions voulu faire le pèlerinage de Paray-le-monial où Jésus manifesta son Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie au 17e siècle, puisque c’est du Côté de Jésus qu’est sortie la grâce du salut, salut dont la perfection est la sainteté. Près de 450 personnes se sont réunies pour des temps d’enseignement, de prière et de rencontres. Les quelque 200 enfants groupés par tranches d’âge, ont prié, fait des visites d’églises et participé à des jeux pleins de vie. La Messe d’ouverture était joyeusement animée ! Dans la suite, on a pu mettre davantage d’ordre et donc d’intériorité. L’organisation due à des amis dévoués et compétents a été superbe. Les conférences des intervenants (tels Mgr Labaky ou Mgr Cattenoz) ont été enrichissantes.
Zenit – Peut-on dire que « Enfance et sainteté » est bien lancé ?
P. J.-M. Guilmard – Notre Association est encore dans l’enfance – si l’on peut dire. Il y a trois ans, nous étions partis d’un objectif principal assez schématique, dont le bien-fondé est désormais confirmé. Des compléments ont été apportés d’une manière définitive. Mais nos structures, certains modes d’action et nos instruments de travail sont encore en train de se mettre en place
Zenit – Quel est donc cet objectif ?
P. J.-M. Guilmard – Notre objectif est d’œuvrer à promouvoir la sainteté des enfants – en France, bien sûr, mais aussi dans le monde entier. On peut avoir un contact direct avec eux. On peut aussi – au plan de la théologie, de la pastorale et de la spiritualité – faire des publications et prendre des initiatives qui mettent en relief dans l’Église l’importance de la sainteté dès l’enfance. Vous voyez que le champ est large.
L’Association s’est placée sous le protection d’Anne de Guigné, un modèle particulièrement éloquent, mais elle souhaite donner aux enfants d’autres protecteurs et modèles (« Nous voulons avoir des saints de notre âge », a dit une petite fille) : par exemple les bergers de Fatima ou Antonietta. Il y a aussi les nombreux chrétiens parvenus à l’âge adulte mais dont l’enfance a été marquée par la sainteté (tels les saints Louis, Marguerite-Marie, Thérèse de l’Enfant-Jésus, etc.) On voit qu’on aurait tort de s’inquiéter : la sainteté ne fait pas mourir ! Le but est former un peuple d’enfants conduits par Notre Dame, qui entraînent leurs compagnons d’âge à la suite de Jésus.
Zenit – Votre objectif s’est-il enrichi ?
P. J.-M. Guilmard – Pour notre Association, chaque colloque a constitué un progrès. Le premier colloque (Lisieux, octobre 2005) a été l’occasion de présenter l’objectif fondamental dont je viens de parler. Le deuxième (Lourdes, Toussaint 2006) a mis en évidence l’importance de la spiritualité de l’enfance et de la paternité spirituelle.
Le troisième colloque a permis de préciser synthétiquement les trois axes de notre action. Rien ne se fait durablement dans l’Église sans formation doctrinale et spirituelle, ainsi l’enseignement est notre tâche principale, et les colloques que nous avons organisés sont le lieu d’une formation en profondeur. De plus, la sainteté suppose toujours la prière et l’adoration. Enfin, les sacrements sont les grands canaux divins de la sainteté : le sacrement de mariage dont l’influence touche chaque instant de la vie de la famille, le baptême, la confirmation, l’Eucharistie, etc. La doctrine, l’adoration et les sacrements ont transformé les colloques en « une famille dans l’Église ».
Zenit – Pouvez-vous nous préciser le sens que vous donnez à cette expression ?
P. J.-M. Guilmard – Même si Dieu peut donner sa grâce dans toutes les situations, la sainteté des enfants ne s’obtient ordinairement qu’en famille. Il était bon que nos colloques reflètent la dimension familiale de l’Église. Celle-ci se réalisait visiblement dans la prière au Sacré-Cœur, et au cours des Messes, bien sûr. Mais il fallait voir les enfants jouant entre eux comme s’ils s’étaient toujours connus, et il était difficile de ne pas admirer le spectacle donné par le réfectoire où 300 personnes déjeunaient ensemble. Mais j’ai dit qu’Enfance et sainteté est une famille « dans l’Église », car le lien avec les évêques et le Saint-Père est essentiel. Non seulement un archevêque était présent, mais nous avions aussi le patronage du cardinal Saraiva Martins préfet de la Cause des saints, et surtout le Saint-Père avait envoyé sa bénédiction apostolique accompagnée d’un message qui reprenait l’essentiel de nos objectifs : sainteté des enfants (avec paternité et enfance spirituelles).
Zenit – Durant le colloque, vous avez formé une famille, mais comment pensez-vous faire durer cette famille dans le temps ?
P. J.-M. Guilmard – La prière est le premier et universel moyen de communion. Nous prions saint
Joseph (modèle de paternité spirituelle) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (modèle de l’enfance spirituelle), mais toute famille se réunit à l’occasion de certains anniversaires. Nous avons fixé des rendez-vous de prière les 14 et 25 de chaque mois. Nous prions par l’intercession de la Vénérable Anne de Guigné (morte un 14 janvier), nous prions l’Enfant-Jésus lui-même (né un 25 décembre).
Zenit – D’autres chrétiens travaillent avec les enfants…
P. J.-M. Guilmard – Dans l’Église, il faut harmonie et complémentarité. L’appel à la sainteté prend des formes très diverses. Enfance et sainteté a été créée par trois personnes représentatives de la diversité des vocations à la sainteté : une vierge
consacrée (Mlle de Tryon-Montalembert aujourd’hui décédée), une mère de famille et un moine prêtre. Une famille ne vit pas pour elle-même, ainsi Enfance et sainteté a le désir de collaborer avec d’autres chrétiens qui s’occupent de la formation des enfants. À Paray, les enfants étaient confiés au soin de mamans, mais aussi à la sollicitude des Sœurs de Saint-Jean, des Sœurs de Notre-Dame des Neiges, des Frères et Sœurs de Marie Reine Immaculée et des Légionnaires du Christ. Les religieux sont saints par vocation, et leur grande variété montrait que la sainteté de Dieu se réalise selon des teintes et des nuances nombreuses.
Zenit – Quels sont les besoins immédiats de votre Association ?
P. J.-M. Guilmard – Notre Association est récente, et elle avance lentement, mais nous ne sommes pas pressés. La sainteté ne rime qu’en apparence avec efficacité. Nous avons besoin de soutien venant de parents et d’éducateurs pour constituer une équipe complète et efficace.
Zenit – Quel sera le lieu du prochain colloque ?
P. J.-M. Guilmard – Le programme de l’an prochain n’étant pas encore fixé, je ne me prononce pas. Plusieurs possibilités s’offrent à nous, mais il serait une grande grâce si notre cœur pouvait se tourner vers l’Immaculée à l’occasion du 150e anniversaire de ses apparitions à Lourdes. À Paray, j’ai suggéré que les participants centrent toute l’année qui vient sur le Sacré-Cœur de Jésus. J’ai conseillé que toutes leurs prières, toutes leurs activités, tous les événements personnels ou non, soient vécus à la lumière de la grâce du Sacré-Cœur. Sans écarter ce conseil, il me semble que l’on doit passer – comme dans un fondu enchaîné – à une spiritualité de mariale, à la spiritualité de l’Immaculée apparue dans la grotte de Massabielle. L’Immaculée Conception, c’est exactement la perfection de « la sainteté de l’enfance ». On ne peut pas trouver plus grande sainteté (hors celle de Jésus), ni plus enfant que l’être humain au moment de sa conception. Le Sacré-Cœur de Paray est la source de toute grâce, mais le premier fruit du Sacré-Cœur est la sainteté éminente de la Vierge Marie.
Zenit – Quel thème souhaiteriez-vous pour le colloque de Lourdes ?
P. J.-M. Guilmard – Si nous allions à Lourdes, nous y serions attirés par la « grâce » de Marie, elle qui est sainte et immaculée, elle qui désire conduire ses enfants à la sainteté. Saint Paul a écrit aux Éphésiens une phrase merveilleuse, que j’abrège (1, 5) : « Dieu nous a choisis en Jésus Christ pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. » Tout est dit pour nous « Enfance et sainteté », et tout est à faire !
Zenit – Votre Association a-t-elle un lien canonique avec l’Église ?
P. J.-M. Guilmard – Pour pouvoir organiser des colloques, nous avons créé une Association civile, mais nous désirons créer une Association privée de fidèles, dont les membres s’engageront à prier et à œuvrer en vue de la sainteté des enfants. Que la future bienheureuse Antonietta Meo nous obtienne les grâces dont nous avons besoin.