Auray 96 : "J’ai trouvé ici beaucoup d’espérance"

Homélie de Jean-Paul II à Sainte-Anne d’Auray

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CITE DU VATICAN, Lundi 26 juillet 2004 (ZENIT.org) – « J’ai trouvé ici beaucoup d’espérance », confiait Jean-Paul II aux pèlerins à l’issue de la messe célébrée au sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray, le 20 septembre 1996.

Au cours de la messe, le pape avait parlé breton, citant les paroles entendues par le voyant, Yves Nicolazic en 1642 : «Yves Nicolazic, ne craignez pas. Je suis Anne, mère de Marie. Dieu veut que je sois honorée en ce lieu». Le pape prononçait ces paroles : «Iwán Nikolazig, n’ho pet ket eun. Me zo Ánna, mámm Mari, Án Aotrou Doue e fall dehóñ, ma vein-me inouret amáñ».

Voici le texte intégral de l’homélie de Jean-Paul II au sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray (cf. http://www.vatican.va).
1. Le Christ ressuscité envoie ses Apôtres dans le monde entier. «Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés» (Mt 28, 19-20). Cet envoi en mission a une force divine. Il vient du Fils consubstantiel au Père et, en même temps, il vient d’un Homme crucifié et ressuscité. L’événement pascal a confirmé son pouvoir au ciel et sur la terre. C’est ce qui donne à ce commandement sa force pour toutes les nations et pour tous les temps : enseignez, annoncez l’Évangile, baptisez dans l’eau et l’Esprit Saint. Cette vie nouvelle donnée par le Christ, commencement de la création nouvelle, doit être enracinée par les disciples dans toutes les nations de la terre. Cette semence divine donnera un sens plénier à l’existence de l’homme, car il est appelé à participer à la vie de Dieu. Le Christ est l’auteur de cet appel, il en est le garant.
2. Si la Parole de Dieu doit s’enraciner dans le cœur de l’homme, elle doit recevoir de sa part une juste réponse : cette réponse, c’est la foi. La liturgie d’aujourd’hui donne une grande place à cette réponse par la foi. Dans la Lettre aux Hébreux, l’Apôtre écrit : «La foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère et de connaître des réalités qu’on ne voit pas» (He, 11, 1). Pour éclairer cette définition, l’Apôtre a recours au témoignage d’Abraham, le père des croyants (cf. Rm 4, 11-12, 16-17), qui a obéi à l’appel de Dieu. Il est parti en pèlerinage ; il montrait ainsi que croire c’est se mettre en chemin vers la Terre Promise. Il ne s’agissait pas seulement de quitter la vallée de l’Euphrate, pour arriver à la terre de Palestine ; il s’agissait, et il s’agit toujours, d’un autre pèlerinage, d’une marche fondée sur la confiance totale en la Parole, car Dieu indiquait lui-même le sens des actes d’Abraham et de Sarah. Le chemin parcouru fut le symbole du pèlerinage de la foi vers une autre terre, vers une autre cité. «Il attendait la cité qui aurait de vraies fondations, celle dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte» (He 11, 10). Dieu lui a promis une descendance nombreuse, bien que sa femme Sarah fût sans enfants : cette promesse de fécondité humaine montre aussi la fécondité spirituelle de la foi.
Et l’Apôtre ajoute qu’Abraham et ses descendants «sont tous morts sans avoir connu la réalisation des promesses [ici sur terre] ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin» (He 11, 13). Ils avaient la certitude que la cité construite sur les fondements divins serait leur part pour toujours. Ils ont placé leur confiance dans le Dieu de l’Alliance.
3. «Béni sois-tu Seigneur, Dieu fidèle» (Ps 88, 6). Ce refrain du psaume responsorial de la liturgie d’aujourd’hui, nous le reprenons avec la lignée des croyants commencée par Abraham. Dans ce sanctuaire de sainte Anne, nous voulons nous rappeler tous ceux qui sont venus chez vous en témoins du Christ, pour annoncer l’Évangile de l’Alliance, et tous ceux qui, de génération en génération, ont hérité de leur message de salut. Sur votre terre de Bretagne et de l’Ouest de la France, la foi chrétienne, arrivée il y a tant de siècles, s’est peu à peu inculturée et fortifiée. En tout premier lieu, nous nous tournons vers sainte Anne apparue à Yves Nicolazic dans ce village où, avec son épouse Guillemette, il formait un couple chrétien estimé de tous :
«Yves Nicolazic, ne craignez pas. Je suis Anne, mère de Marie.
Dieu veut que je sois honorée en ce lieu»
(en breton)
«Iwán Nikolazig, n’ho pet ket eun.
Me zo Ánna, mámm Mari
Án Aotrou Doue e fall dehóñ
ma vein-me inouret amáñ».
La liste est longue de ceux qui sont devenus des intercesseurs auprès de Dieu depuis les saints fondateurs de vos diocèses, les martyrs, comme le bienheureux Pierre-René Rogue dont le diocèse de Vannes célèbre cette année le bicentenaire de la mort, des prêtres comme saint Yves, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, saint Jean Eudes, des religieuses comme sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, la bienheureuse Jeanne Jugan ou encore, en notre siècle, des laïcs comme Marcel Callo que j’ai béatifié récemment. Tant d’autres au long des siècles ont marqué de leur témoignage l’histoire de la foi dans votre région.
4. Sur cette terre de Bretagne, connue pour sa solide tradition chrétienne, je suis heureux de vous saluer, pèlerins venus de toute la région apostolique de l’Ouest pour accueillir le Successeur de Pierre, pèlerins de Sainte-Anne-d’Auray ainsi que d’autres sanctuaires dédiés à la mère de la Vierge Marie, comme celui d’Apt qui célèbre son neuvième centenaire. Je salue aussi cordialement les représentants des autorités civiles qui ont tenu à s’associer à cette célébration. Je remercie Mgr François-Mathurin GOURVÈS, Évêque de Vannes, pour ses paroles de bienvenue qui témoignent de la vitalité de votre foi et de votre fidélité à l’Église.
Cette foi, qui est votre héritage commun, est affrontée à de nombreux défis. Certes, les causes d’inquiétude sont multiples. Ainsi, on voit se développer un climat d’indifférence et d’individualisme ; certains ne savent pas accepter l’autre dans sa différence ; certains désespèrent devant le mal du monde. Trop souvent la mémoire chrétienne s’affaiblit, notamment dans les jeunes générations, qui ont bien du mal à s’approprier leur héritage religieux. Mais on perçoit aussi chez vous de nombreux signes de vitalité. L’Esprit Saint est à l’œuvre dans les cœurs et suscite d’admirables conversions intérieures, des vocations inattendues, un renouveau du sens de la vie conjugale ; des laïcs de plus en plus nombreux s’engagent dans l’animation de la communauté chrétienne et dans les structures de la vie publique et sociale. Aujourd’hui, je suis venu vous inviter à faire grandir l’espérance en vous et autour de vous. Comme vos pères dans la foi, soyez des bâtisseurs de l’Église dans les générations nouvelles !
5. Vivez l’espérance, mettez votre confiance en ce Dieu qui a fait alliance avec les hommes dans la personne de son Fils Jésus ! Une représentation traditionnelle de sainte Anne nous la montre faisant lire la Bible à sa fille Marie. C’est une invitation à accueillir la parole de Dieu, à s’en imprégner pour en témoigner dans les réalités humaines. Ouvrez vos cœurs au Christ : sa parole vous indique le chemin pour aller vers son Père ! Dans l’humble fidélité aux appels adressés par Dieu dans la vie quotidienne, chacun donne sa propre réponse de foi à la Parole. C’est ce que firent tant de familles de votre région. Vous gardez ainsi le souvenir exemplaire des époux charitables que furent Claude et Marguerite de La Garaye ou encore de Louis et Zélie Martin, les parents de sainte Thérèse de Lisieux. Frères et Sœurs, vous êtes vous aussi en pèlerinage vers la cité de Dieu. Sur votre route, que votre foi soit fermement fondée sur la parole du Christ transmise dans son Égli
se ! Qu’elle soit joyeuse et rayonnante ! Qu’elle manifeste que la venue du Christ en notre humanité donne un sens à la vie des hommes, de tout homme !
6. Aujourd’hui, le Christ vous appelle à transmettre ce message d’espérance ! Le Peuple de Dieu est tout entier un peuple missionnaire. L’Évangile de cette messe souligne avec force l’urgence de poursuivre la mission du Christ parmi toutes les nations et toutes les cultures. L’Église est envoyée à tous les hommes, dans la diversité des sociétés, pour leur annoncer le salut qui leur est offert par Dieu. Les chrétiens sont tous responsables de cette mission. Ensemble, ils ont à œuvrer pour que s’établisse le Royaume de Dieu, qui est «la communion de tous les êtres humains entre eux et avec Dieu» (Redemptoris missio, n. 15), tissant les liens de la solidarité qui transforment les rapports entre les hommes et créent dans la société des conditions plus justes et plus fraternelles. «Il est absolument nécessaire que chaque fidèle laïc ait toujours vive conscience d’être “membre de l’Église”, à qui est confiée une tâche originale, irremplaçable et qu’il ne peut déléguer, une tâche à remplir pour le bien de tous» (Christifideles laici n. 28). En communion avec les Pasteurs, je vous encourage à donner un élan vigoureux à l’apostolat des laïcs et à poursuivre la recherche de nouvelles formes de présence de l’Église dans la société.
Votre région a donné à l’Église de nombreux apôtres. Depuis plusieurs siècles, d’innombrables missionnaires, hommes et femmes, sont allés sur tous les continents pour annoncer le Christ. Je voudrais saluer et encourager les prêtres, les religieux, les religieuses, les laïcs missionnaires qui, chez vous et à travers le monde, se consacrent avec générosité à l’annonce de l’Évangile, malgré les difficultés, et parfois au prix de leur vie.
Chers amis les jeunes, n’ayez pas peur de répondre généreusement au Christ qui vous invite à vous mettre à sa suite ! Dans la vocation sacerdotale ou religieuse, vous trouverez la richesse et la joie du don de vous-mêmes pour le service de Dieu et de vos frères. Vos diocèses ont une longue tradition missionnaire. Ne la laissez pas s’éteindre. Tant d’hommes et de femmes attendent des témoins de la Lumière et de l’Espérance !
7. Nous bénissons le Dieu de l’Alliance parce que votre pays doit beaucoup au message de l’Évangile dans l’histoire de ses communautés et de sa culture. Nous souhaitons que l’Église en France, poursuivant sa marche sur les traces de ses pères dans la foi, fière de sa tradition millénaire, continue à exercer un rayonnement salutaire dans l’histoire des peuples et des nations. Le témoignage rendu à l’Évangile n’est pas une conquête humaine, il est service de Dieu et du prochain. Exprimant lumineusement ce qui est au centre de l’activité missionnaire, sainte Thérèse de Lisieux écrivait : «Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même». Vous aussi, allez annoncer l’Évangile à vos frères et à vos sœurs ! Avec tous les hommes de bonne volonté, construisez la civilisation de l’amour ! En marchant sans hésiter à la suite du Christ, le Sauveur du monde, témoignez de l’amour de Dieu offert à tous les hommes.

A l’issue de la messe, le pape ajoutait :
Je suis heureux d’avoir prié avec vous tous ici en Bretagne. Je salue avec affection les nombreux jeunes présents, c’est une bonne espérance pour Paris l’an prochain. Au nom du Seigneur je vous dis bon courage ! Vous êtes la joie de l’Eglise. Et encore merci pour votre présence en si grand nombre; surtout de jeunes amis et de jeunes couples. Dieu nous a rassemblés dans la même voie et dans le même amour. Merci de m’avoir accompagné dans ce pèlerinage à Sainte-Anne-d’Auray. Je vous souhaite une grande espérance et maintenant je dois vous dire que j’ai trouvé ici beaucoup d’espérance.
Merci à tous.

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ZENIT Staff

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