Cour européenne: l'adoption d'enfants par des couples homosexuels

L’intérêt de l’enfant : un père et une mère

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Grégor Puppinck

ROME, mercredi 19 septembre 2012 (ZENIT.org) – Grégor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice, (ECLJ), analyse une affaire portée par deux femmes autrichiennes devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, dans un communiqué publié le 12 septembre 2012 : l’une des deux femmes souhaite adopter l’enfant de sa compagne, alors que le père de l’enfant s’y oppose.

Pour l’ECLJ, l’affaire, portée par le lobby international LGBT et manipulée par la crainte de passer pour « homophobe », est pourtant « très simple » : en effet « il n’existe pas de droit à l’adoption, qui plus est envers un enfant non adoptable ». D’autant plus que « le père a le droit et le devoir de continuer à s’occuper de son fils » et qu’au final, « l’intérêt de l’enfant est de garder son père et sa mère ».

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Le 3 octobre 2012, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme va entendre une affaire « d’adoption homosexuelle » mettant en cause l’impossibilité pour une femme d’adopter le fils de sa compagne (affaire X  et autres c. Autriche, n° 19010/07). Le couple de femmes y voit une atteinte au respect de leur vie privée et une discrimination. Le jugement sera rendu par la Grande Chambre, c’est-à-dire la plus haute autorité judiciaire européenne en matière de droits de l’homme, et sera sans appel possible. Les jugements de la Grande Chambre fixent la jurisprudence de la Cour et ont vocation à s’imposer aux 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.

Le European Centre for Law and Justice (ECLJ) a été autorisé à intervenir dans cette affaire comme tierce partie (amicus curiae) et a soumis des observations écrites à la Grande Chambre (accessibles ici).

Les deux femmes qui ont saisi la Cour en leur nom et au nom du fils mineur vivent ensemble dans une relation stable et souhaitent devenir légalement une « famille » reconnue comme telle par la société et le droit en faisant adopter le garçon par la compagne de sa mère.

Selon le droit autrichien, l’adoption par un homme rompt le lien entre l’enfant et son père biologique, l’adoption par une femme rompt le lien avec la mère biologique ; et, faut-il le préciser, un enfant ne peut pas avoir sa filiation établie envers plus de deux parents. Les deux femmes soutiennent que cette règle a pour effet d’empêcher l’adoption par un partenaire du même sexe et constitue une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Elles indiquent qu’une telle adoption est possible dans un couple hétérosexuel recomposé, car, sous certaines conditions, un homme vivant avec la mère de l’enfant peut se substituer au père et adopter l’enfant (de même la femme vivant avec le père de l’enfant peut en théorie se substituer à la mère). Dans ce cas, le parent naturel perd tout lien humain et juridique avec son enfant (il n’a même plus le droit de le voir). Une telle adoption par substitution requiert soit l’accord du parent amené à perdre son lien de filiation, soit une décision de justice fondée sur le constat de l’intérêt de l’enfant et de l’indignité du parent biologique à conserver ses droits sur l’enfant (en cas de maltraitance ou de désintérêt total pour l’enfant).

S’étant heurtées au refus du père de renoncer à ses droits, les deux compagnes ont demandé aux juridictions autrichiennes de le déchoir de ses droits parentaux et d’autoriser l’adoption de telle sorte que la femme adoptante se substitue au père de l’enfant.

Les autorités autrichiennes ont jugé cette demande d’adoption contraire à l’intérêt de l’enfant, et l’ont donc refusée. Elles ont jugé, en substance, qu’il n’est pas possible de substituer le père par une femme et qu’il n’y a pas lieu en l’espèce de déchoir le père de ses droits,  tout comme il serait également contraire à l’intérêt de l’enfant de substituer la « belle-mère » à la mère, et donc de rompre le lien de filiation du garçon avec sa mère.

En un mot, l’enfant a déjà un père et une mère, aucun d’eux ne souhaite ni ne doit renoncer à ses droits parentaux sur l’enfant. L’enfant n’est donc pas adoptable selon la législation autrichienne.

Telle est la situation dont est saisie la Cour européenne par les deux femmes, qui agissent en leur nom et au nom de l’enfant mineur. Elles se plaignent d’une atteinte au respect de leur vie privée et familiale (art.8) et de discrimination en raison de leur orientation sexuelle (art. 14).

Cette affaire est portée par le lobby international LGBT.  Notons que l’avocat des requérants, Helmut Graupner, est le directeur européen de l’International Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender & Intersex Law Association (ILGLaw) et conseiller juridique d’ILGA-Europe. Il est également membre d’ECSOL, un réseau européen de juristes militants LGBT. Ces organisations interviennent dans la procédure comme tierce partie avec d’autres lobbys LGBT , et ont soumis des observations à la Cour.

La question que les requérantes et organisations LGBT veulent soumettre à la Cour est celle de l’adoption par le « beau-parent » homosexuel (step-parent adoption). C’est l’une des trois formes d’adoption revendiquées par les groupes LGBT, en plus de l’adoption par les célibataires homosexuels et par les couples homosexuels qui ont été respectivement abordées par la CEDH dans les affaires E. B. contre France en 2008 et Gas et Dubois contre France en 2012.

A la lecture des faits tels qu’exposés par le greffe de la Cour, rien n’est dit du père, si ce n’est qu’il lui est reproché de n’avoir pas donné de raisons valables pour refuser l’adoption. En fait, après des recherches plus approfondies, il apparaît que le père n’a pas été un simple géniteur instrumental – tel un donneur de gamète – comme on pouvait le supposer. Les juridictions internes précisent que le père a des contacts réguliers avec son fils. Les informations complémentaires ajoutent que l’enfant est issu d’une précédente union, qu’il porte le nom de son père et que celui-ci verse pour lui une pension alimentaire. Autrement dit, cet enfant, comme beaucoup d’autres dont les parents sont séparés, vit avec sa mère et a un père qu’il continue à voir et qui s’occupe de lui.

Dans les faits, l’affaire est donc très simple : les deux compagnes veulent évincer le père, et comme la loi ne le permet pas, elles accusent celle-ci d’être discriminatoire.

D’emblée, avant même de s’interroger sur le droit, deux questions de fait s’imposent :

– Le père est-il informé de la procédure à Strasbourg ? Les requérants ayant obtenu l’anonymat, on peut légitimement s’interroger. Faire une telle procédure à son insu serait déloyal, il ne serait pas en mesure d’être entendu alors qu’il a un intérêt personnel dans l’affaire.

– Le fils est-il d’accord ? Rien ne l’indique dans l’exposé des faits : au contraire étant mineur, sa mère agit en son nom devant la Cour et il est représenté par le même avocat que sa mère et la compagne.

Considérée d’un point de vue strictement juridique, l’affaire est simple, et l’on peine à comprendre pourquoi elle a été renvoyée devant la Grande Chambre : elle devrait se résoudre ainsi : il n’existe pas de droit à l’adoption, qui plus est envers un enfant non adoptable. Cependant, dès lors que sont en cause les « droits homosexuels », tout devient plus compliqué tant l’on craint de passer pour homophobe si on ne leur donne pas satisfaction. Une démonstration juridique plus approfondie s’impose alors, voici ses principaux éléments :

Le père a le droit et le devoir de continuer à s’occuper de son fils

Le père a le droit et le devoir de continuer à s’occuper de son
fils, conformément tant au droit national qu’au droit international (notamment la Convention relative aux droits de l’enfant art. 5 et la Convention européenne sur les enfants nés hors mariage, art. 6).

Les conventions internationales relatives à l’adoption insistent sur la nécessité du consentement des parents biologiques  comme condition à l’adoption. En l’absence de consentement libre, éclairé et écrit, l’enfant ne peut être adopté. Pour garantir la liberté du consentement, les traités précisent qu’il ne doit pas être obtenu moyennant finance ou autre contrepartie. Le refus du consentement ne peut évidemment pas être reproché au parent qui l’oppose.

L’intérêt de l’enfant est de garder son père et sa mère

L’intérêt de l’enfant doit être la considération primordiale dans une adoption, selon la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (art. 1) et la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 21).

Or, l’intérêt premier de l’enfant est de garder des liens avec son père et sa mère et qu’il y a droit (art. 9 de la Convention relative aux droits de l’enfant). Les requérantes passent cela sous silence.

Il n’existe pas de droit à l’adoption

La Convention européenne des droits de l’homme ne garantit pas un droit à l’enfant ni un droit d’adopter ou d’être adopté . L’adoption a pour but l’intérêt de l’enfant : donner une famille à l’enfant qui n’en a pas. Lorsqu’il s’agit d’établir un lien familial entre un adulte et un enfant, « une importance particulière doit être attachée à l’intérêt supérieur de l’enfant qui, selon sa nature et sa gravité, peut l’emporter sur celui du parent » adoptif .

La Cour européenne a admis qu’il était légitime de garder le modèle familial naturel tant pour la procréation médicalement assistée  que pour l’adoption . C’est parce que l’adoption prend pour modèle la famille naturelle qu’un enfant ne peut faire l’objet d’adoptions multiples, que les parents adoptifs doivent être en âge de procréer et que l’adoption est définitive. L’adoption modifie le lien de filiation, qui est un élément essentiel de l’identité. Elle doit donc être respectueuse de l’identité et des droits de l’enfant, ce qui ne serait pas le cas si on admettait une filiation incompatible avec la réalité. La Grande Chambre a admis dans l’affaire S.H. c. Autriche qu’il était légitime pour l’Etat de refuser de créer volontairement des situations complexes ne correspondant pas à la réalité naturelle.

En application de cette référence à la réalité biologique, la Cour européenne a déjà eu l’occasion de dire qu’il est légitime que l’adoption d’un mineur entraîne la rupture de sa filiation biologique , et donc que l’adoption ne permette pas à un enfant mineur d’avoir plus de deux parents.

Admettre des filiations fantaisistes, sans ancrage dans la réalité, constitue une grave atteinte aux droits naturels de l’enfant, en particulier à la sécurité et aux repères dont il a besoin pour se développer, ainsi qu’une violation manifeste de la Convention relative aux droits de l’enfant qui rappelle notamment que l’enfant a, « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux » (article 7) et le droit « de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales » (article 8).

Finalement, ce qui est en jeu dans cette affaire, c’est l’étendue du pouvoir des adultes sur les enfants. Il ne suffit pas que les enfants soient ballotés au gré des fluctuations sentimentales des adultes, qu’ils soient séparés de leurs pères ou mères par le divorce ; il faudrait en plus maintenant que les adultes puissent falsifier à l’extrême leur filiation pour satisfaire leurs propres désirs et effacer leur passé, quitte à effacer celui de l’enfant. La réalité de la filiation est un ancrage naturel qui protège les enfants contre l’égoïsme et l’inconstance des adultes.

L’ECLJ espère que les juges de la Grande Chambre ne seront pas comme éblouis et aveuglés par la sensibilité du sujet et la crainte de passer pour « homophobes » ; cette crainte est déraisonnable, car ce qui est en jeu dans cette affaire, ce ne sont pas les droits du couple de lesbiennes, mais d’abord ceux d’un père et de son fils.

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ZENIT Staff

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