ROME, Lundi 17 octobre 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous l’interview accordée à la rédaction française de Radio Vatican par le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, qui a assisté le 13 octobre dernier à Vienne (Autriche) à la cérémonie de signature d’un accord concernant l’établissement d’un centre international pour le dialogue interreligieux et interculturel, fondé par le roi Abdallah d’Arabie Saoudite.
Cet accord est signé entre l’Arabie Saoudite, l’Autriche et l’Espagne. Le Saint-Siège a demandé à participer aux futurs travaux du centre, qui sera ouvert à toutes les religions, en qualité d’observateur.
Éminence, vous vous êtes rendu à Vienne pour l’inauguration de ce centre d’études interreligieux, quel est le but de ce centre et pourquoi vous étiez présent à cette inauguration?
Cette idée du centre est née lors de l’audience que le roi d’Arabie Saoudite a eu avec le Saint-Père en novembre 2007. Le roi a voulu créer un centre de rencontres interreligieuses au niveau des Etats. Donc il y a trois signataires, l’Arabie Saoudite, Vienne où le siège de l’organisation sera établi et l’Espagne. Le Saint-Siège a été invité lui aussi, mais nous avons préféré nous réserver le rôle, la position, d’observateur, parce qu’évidemment, pour un musulman, il n’y a pas de différence entre le politique et le religieux. Par conséquent il faut être très attentif à ce que le dialogue interreligieux ne glisse pas vers un dialogue politique.
Donc nous avons préféré adopter la position de l’observateur et je pense que les autres partis l’ont accepté. On ne peut qu’apprécier le fait que des États veulent encourager la liberté de religion, mais je crois qu’il faudra aussi être attentif à ce que cette liberté de religion se répercute au niveau de la base, c’est-à-dire que les problèmes qui existent dans certains pays où il n’y a pas de liberté de religion et bien justement puissent trouver dans cette organisation un lieu où ils peuvent faire entendre leurs aspirations et où on peut résoudre les problèmes. Donc c’est important, c’est un canal qui sera toujours ouvert, nous espérons, de manière à ce que les uns et les autres puissent se faire entendre, se comprendre et se connaître.
N’est-ce pas un peu surprenant de la part de l’Arabie Saoudite cette position envers le dialogue interreligieux, de la liberté de religion, alors que la situation des autres croyants non musulmans en Arabie Saoudite n’est pas des plus commodes?
Evidemment c’est la question que tout le monde ma posée, et qu’on peut légitimement se poser. Mais sans être naïf on peut penser que justement cette organisation pourrait commencer, contribuer à une évolution. Evidemment il faut être attentif à cet aspect là.
Tout signe positif venant de l’Arabie Saoudite et de manière générale venant des musulmans est bon à prendre je présume ?
Oui, vous savez, le problème dans le dialogue avec les religions et en particulier avec les musulmans c’est que même si on obtient quelques petits résultats parce qu’il faut être modeste, c’est toujours au niveau des élites, au niveau législatif rien n’est modifié sur le fond. Donc à mon avis on ne peut remédier à cette situation que par l’école, l’enseignement, par l’instruction, l’éducation, mais c’est un long pèlerinage.
Que va apporter ce centre interreligieux de plus au dialogue que vous n’ayez déjà entamé avec les musulmans ?
Les buts de ce centre, c’est d’abord de favoriser le respect et la confiance mutuelle, de faire en sorte que les religions soient au service de la société ; et ça c’est une chose très importante, sur laquelle nous insistons beaucoup, c’est que le dialogue interreligieux n’est pas seulement à usage interne, c’est un dialogue entre croyants, qui voient ce qu’ils ont ensemble, les valeurs communes qu’ils partagent, et qui essaient de voir ensemble ce qu’ils peuvent mettre à disposition de la société. Les religions doivent favoriser l’harmonie, la paix, et non les oppositions et les guerres. Il est prévu dans le statut de se réunir périodiquement pour faire le point de la situation sur le dialogue interreligieux. Il y a donc un article qui a été ajouté à la fin, l’article 16, dans lequel il est dit qu’on peut avoir des observateurs : c’est la formule que nous avons acceptée, pour respecter notre spécificité, et comme je le disais tout à l’heure, pour vérifier que ce soit un dialogue entre croyants et que cela ne dégénère pas en dialogue politique.
Qui participe concrètement à ce centre interreligieux ? Y-a-t-il uniquement des Espagnols, des Saoudiens et des Autrichiens, ou bien est il ouvert à tout le monde ?
Il est ouvert à tout le monde, mais évidemment le bébé vient à peine de naître ! Il lui faut le temps de grandir… Mais les Etats signataires sont trois: l’Arabie Saoudite, l’Autriche et l’Espagne.
Comment expliquer cet intérêt aussi bien de l’Espagne que de l’Autriche ?
Vienne, tout d’abord parce que c’est un carrefour en Europe, qui a toujours eu cette vocation d’accueillir une « vie très œcuménique ».
L’Espagne, parce qu’il y a d’abord l’héritage de l’Histoire. Et aussi parce que les deux rois sont assez liés. Il ne faut pas oublier qu’après la visite que le roi Abdallah avait faite au Pape, il avait organisé en juillet 2008 une grande conférence à Madrid, à laquelle le Saint-Siège participait, – j’ai moi-même représenté le Saint Siège -, qui a été un évènement assez significatif. Je crois que la fondation de cette organisation à Vienne, est un moment significatif. J’espère, en tous cas, que nous ne serons pas déçus.
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