Inde : Un député hindouiste reconnu coupable de meurtre

Violences anti-chrétiennes en Orissa en 2008

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ROME, Mardi 14 septembre 2010 (ZENIT.org) – Le député hindouiste Manoj Pradhan a été reconnu coupable de meurtre lors des pogroms antichrétiens de 2008 en Orissa, rapporte « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.

Manoj Pardahan, député au Parlement de l’Orissa de la circonscription de G. Udayagiri du district du Kandhamal pour le BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien), a été condamné à six ans de prison ferme pour meurtre, jeudi 9 septembre, par l’une des cours spéciales mises en place pour juger les responsables des violences antichrétiennes de 2008 (1). Le parlementaire doit s’acquitter également d’une amende de 15 500 roupies (250 euros) pour incendies d’habitations appartenant à une minorité et incitation à la violence communautariste. Une peine peu sévère mais qui touche celui qui est devenu le symbole même pour la communauté chrétienne de l’impunité totale dont jouissent les auteurs des attaques, pour peu qu’ils appartiennent à la sphère politique ou administrative du pays.

Cette condamnation est « une lueur d’espoir » face à la toute puissance du politique, s’est réjouit auprès de l’agence AsiaNews, le P. Dibakabr Parichha, avocat auprès des tribunaux spéciaux de l’Orissa.

Le leader hindouiste a été reconnu coupable par le juge Chitta Ranjan Das d’avoir commis des actes « ayant entraîné la mort sans intention de la donner » (article 304 du Code pénal indien) sur la personne de Bikram Nayak le 26 août 2008. Le chrétien avait été l’une des premières victimes des violences qui avaient suivi l’assassinat du Swami Laxmanananda Saraswati (2), dont Manoj Pradhan était un disciple fervent.

Accusé d’être l’un des principaux instigateurs et auteurs des violences de 2008, le parlementaire avait échappé jusqu’à présent aux condamnations, malgré les nombreux chefs d’accusations auxquels il devait répondre, parmi lesquels une trentaine d’assassinats, des incendies criminels, des pillages et incitations à la violence et au meurtre.

Emprisonné dès octobre 2008 pour sa responsabilité dans les pogroms antichrétiens, il s’était néanmoins présenté aux élections d’avril-mai 2009 et avait été élu au parlement de l’Orissa. Après être sorti de prison en juillet, il avait été au cours des mois suivants progressivement blanchi de toutes les accusations qui pesaient contre lui, « faute de preuves suffisantes ». Des centaines de témoins avaient été cités dans les affaires le concernant, mais la plupart d’entre eux ne s’étaient pas présentés, les rares à comparaître faisant état de menaces de mort des groupes hindouistes à leur encontre.

C’est la deuxième condamnation pour meurtre prononcée contre le parlementaire : le 29 juin dernier, il a été reconnu coupable, ainsi que l’un d’un ses complices, du meurtre de Parikhita Nayak, un autre chrétien dalit du district du Kandhamal. A la différence des autres procès où les témoins n’avaient pas osé se présenter, celui-ci avait soulevé l’émotion populaire avec le témoignage de Lipsa, fille de la victime, âgée de 6 ans, qui avait reconnu formellement le leader hindouiste comme étant la personne qui avait torturé et massacré son père devant elle et sa mère. Au cours de l’audience qui s’était tenue le 12 mars 2010, la petite fille, qui n’avait que 4 ans au moment des faits, avait maintenu son témoignage devant un tribunal qui l’avait soumise à un interrogatoire poussé de 90 minutes. Quant à la jeune veuve de Parikitha Nayak, elle avait raconté comment son mari avait réagi avec calme et détermination lorsque le groupe mené par Manoj Pradhan lui avait demandé de renier sa foi chrétienne ou de mourir : « Ils ont joué avec lui pendant quelques jours avant de le couper en morceaux et de l’arroser de kérosène. »

Manoj Pradhan, reconnu coupable de « meurtre sans intention de donner la mort », avait été condamné  à sept ans d’emprisonnement et 5 000 roupies d’amende (85 euros). Ce jugement, le premier après une longue série d’acquittements qui avaient indigné les victimes – dont celui concernant le massacre du chrétien Kantheswar Digal (3) -, avait redonné espoir à la communauté chrétienne malgré la non-reconnaissance de « l’homicide volontaire ». Mais elle avait déchanté rapidement, apprenant une semaine plus tard, la libération conditionnelle du parlementaire par la Haute Cour.

Pour ce dernier jugement du 9 septembre 2010, Manoj Pradhan a fait également appel de la sentence auprès de la Haute Cour. Mais l’opinion publique semble avoir été récemment sensibilisée face à l’impunité des coupables des violences antichrétiennes, et de nombreux mouvements se mobilisent en faveur de la justice en Orissa. Il y a une quinzaine de jours, Mgr Raphael Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, dressait dans une déclaration, publiée conjointement avec le Forum des minorités de l’Orissa, le triste bilan de l’action du gouvernement de l’Orissa. Il reprochait aux autorités, plus de deux après les crimes, de ne pas avoir jugé les coupables, protégé les témoins, indemnisé les victimes, réhabilité les déplacés, ni mis en place les conditions d’un apaisement des conflits (4).

Alors que paraissent de nombreux rapports de commissions internationales ou d’ONG qui ont enquêté sur les événements au Kandhamal et pointent les dysfonctionnements de la justice en Orissa, un « tribunal populaire » a rassemblé fin août à New Delhi des personnalités du monde indien, comprenant des stars de Bollywood comme des célébrités judicaires tels que A. P Shah, ancien président de la Cour suprême. A l’issue de leur session et après audition des victimes, les « jurés » ont émis un verdict accablant pour le gouvernement de l’Orissa dont ils ont souligné « le parti pris scandaleux », « l’implication et la complicité (…) dans les violences », demandant le réexamen des affaires en cours par des tribunaux indépendants (4)

(1)           On estime à l’heure actuelle que les violences antichrétiennes de 2008 en Orissa ont fait plus d’une centaine de morts, déplacé près de 50 000 personnes et détruit des milliers de maisons, lieux de culte et institutions. Voir EDA 490, 491, 492, 493, 494, 495, 496, 498, 499, 506, 523, 526

(2)           L’assassinat du Swami Laxmanananda Saraswati, le 23 août 2008, a déclenché une série d’attaques en représailles des hindouistes extrémistes contre les chrétiens qu’ils accusaient du meurtre, bien que les maoïstes aient revendiqué l’attentat. Voir EDA 490, 491, 492

(3)           Le leader hindouiste était accusé en 2009 de la torture et de l’assassinat de Kantheswar Digal, l’acte d’accusation étant étayé par de nombreux témoignages. Mais les menaces de mort exercées sur les témoins par les groupes hindouistes avaient conduit bon nombre d’entre eux à se désister, permettant le blanchiment « faute de preuves » de Manoj Pradhan. La communauté chrétienne avait exprimé sa consternation devant l’impunité dont jouissaient les coupables grâce à la « corruption » et la « complicité » manifestes des autorités locales. Voir EDA 515

(4)           Voir dépêche EDA du 3 septembre 2010 ; The Hindu, 9 septembre 2010 ; AsiaNews, 9 septembre 2010.

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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