ROME, Vendredi 24 septembre (ZENIT.org) - Les membres de la haute administration de la province de Pangasinan, dans la partie nord des Philippines, ont vivement attaqué Mgr Oscar Cruz, archevêque émérite de Lingayen-Dagupan, suite aux révélations faites récemment par le prélat lors d'une audition au Sénat, impliquant le gouverneur de la province dans le trafic des jeux d'argent illégaux, rapporte ce 24 septembre « Eglises d'Asie » (EDA), l'agence d'information des Missions étrangères de Paris.
Exprimant leur « indignation » dans un manifeste publié dans le Philippine Star</i> du jeudi 23 septembre, ils ont qualifié les accusations du prélat de « totalement infondées et notoirement biaisées ». « Nous avons décidé que quiconque voudrait porter atteinte de façon malveillante à la crédibilité du gouverneur et tenterait de détourner l'attention de son excellent travail de gestion de la province en matière de progrès et de développement, devrait être déclarée persona non grata dans la province de Pangasinan. » La déclaration signée de seize membres du gouvernement provincial précise plus loin : « Nous considérons comme abjecte l'introduction du nom du gouverneur Amado Espino dans la liste des organisateurs de jueteng, fournie par l'ancien archevêque Cruz. »
Mardi 21 septembre, le prélat a soumis au Blue Ribbon Commitee (1) du Sénat, une liste de plus d'une trentaine de membres du personnel politique, de fonctionnaires d'Etat et d'officiers de police ayant reçu des pots-de-vin de la mafia qui contrôle les jeux d'argent illégaux, établie par le People's Crusade Against Jueteng (KBLJ), un groupe dont il est le co-fondateur. Il avait précédemment témoigné devant le Chambre des représentants, précisant qu'il s'agissait de la « dernière chance » qu'il donnait au gouvernement, sa déposition en 2005 devant le Sénat étant restée lettre morte. « C'est un test pour le nouveau gouvernement Aquino (...), a-t-il déclaré. Si rien n'est fait (...), le fait que quelqu'un ait été élu sous la bannière de l'intégrité n'aura été qu'une grande farce. »
Le jueteng est une loterie illégale, particulièrement répandue à Luzon, la grande île de la partie septentrionale de l'archipel. Mgr Cruz est connu pour son engagement dans la lutte anti-corruption et tout particulièrement dans le domaine des jeux d'argent. A maintes reprises, il a tenté de s'attaquer à cette mafia puissante du jueteng qu'il accuse de ruiner les pauvres et de favoriser la corruption (2).
Depuis l'arrivée à la présidence de ‘Noynoy' Aquino III, fils de la très populaire Cory Aquino, le prélat, appuyé par d'autres évêques des Philippines, n'a eu de cesse de réclamer au vainqueur des élections qu'il tienne ses promesses d'éradiquer la corruption au sein de la machine d'Etat. Ce même jeudi 23 septembre, sur les ondes de la DZBB de Manille, Mgr Cruz a réaffirmé sa détermination à obtenir du gouvernement qu'il aille jusqu'au bout de ses engagements, allant jusqu'à menacer de dénoncer d'autres personnalités haut placées si son enquête déposée au Sénat n'aboutissait pas. Le prélat « anti-corruption » a dans le même temps affirmé que des hommes d'Eglise, dont au moins huit évêques, touchaient eux aussi des pots-de-vin des parrains du jueteng.
Mgr Cruz, en livrant une liste de hauts fonctionnaires d'Etat, dont certains très proches du président Aquino, comme Rico Escalona Puno, sous-secrétaire au ministère de l'Intérieur, ou encore Jesus Verzosa, ancien chef de la police nationale, n'ignore pas qu'il court de grands risques. En février 2010, l'un des témoins que le prélat avait convaincu de parler devant la commission d'enquête du Sénat avait été assassiné. L'ancien président de la Conférence épiscopale des Philippines, âgé aujourd'hui de 75 ans, a confirmé avoir reçu des menaces de mort ces jours derniers. Mais bien qu'il admette craindre pour sa vie, l'archevêque a refusé pour le moment la protection rapprochée que lui a proposé le Sénat, ainsi que celle de la Conférence des Supérieurs Majeurs des Philippines.
(1) Il s'agit du Committee on Accountability of Public Officers and Investigations (Blue Ribbon) chargé, au sein du Sénat, d'enquêter et de réprimer les fraudes des fonctionnaires de l'Etat.
(2) Voir EDA 525
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