Entretien avec le card. Vanhoye qui prêche les exercices spirituels au pape

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ROME, Vendredi 15 février 2008 (ZENIT.org) – A l’occasion des exercices spirituels qu’il prêche cette semaine au pape et à la curie romaine, le cardinal Albert Vanhoye, ancien secrétaire de la Commission pontificale biblique, a accordé un entretien à L’Osservatore Romano (cf. 11-12 février), que nous reprenons ci-dessous, dans lequel il rappelle le sens des exercices spirituels de saint Ignace.

Le thème des exercices est : « Accueillons le Christ notre grand prêtre »

L’OR – Pourquoi ce thème a-t-il été choisi pour les exercices spirituels au Vatican ?

Card. Vanhoye – C’est un choix lié à ma formation spécifique. J’ai fait une thèse de doctorat sur la lettre aux Hébreux. J’ai publié de nombreux articles et livres sur la lettre aux Hébreux et je suis convaincu que ce texte du Nouveau Testament est d’une grande importance. C’est l’unique synthèse christologique que nous possédons. Ailleurs, nous trouvons des textes d’une grande importance, comme l’hymne christologique de la lettre aux Philippiens et celui de la lettre aux Colossiens. Dans les Evangiles aussi on trouve de nombreux passages christologiques, mais dans le Nouveau Testament, la seule synthèse christologique est celle de la lettre aux Hébreux, qui inaugure un thème qui n’avait jamais été abordé auparavant et qui est étudié dans la lettre de manière très profonde, en renouvelant l’idée de sacerdoce et de sacrifice.

L’OR – Que signifie demeurer dans la solitude et comment cela s’harmonise-t-il avec la fugacité du temps et la frénésie de l’homme moderne ?

Card. Vanhoye – La solitude est nécessaire pour un approfondissement personnel. Sans solitude, la personne reste inévitablement un peu superficielle. En revanche, se retrouver seuls en présence de Dieu favorise une réflexion profonde. Dans la solitude, l’homme se rend compte de ses aspirations profondes, de ses faiblesses et il a la possibilité de se mettre en harmonie avec Dieu. En effet, Dieu ne peut pas être entendu dans le bruit du monde moderne, car le fracas empêche la personne de vivre en profondeur et d’entrer en relation avec Lui. Avec les quarante jours passés dans le désert, Jésus nous a donné l’exemple : en tant que Fils de Dieu, il n’avait pas besoin de solitude, mais sa nature humaine en avait besoin pour se préparer au ministère public.

L’OR – Quelle signification a pour nous l’affirmation que le Fils de Dieu est notre frère?

Card. Vanhoye – Cette affirmation est tirée de la lettre aux Hébreux. L’auteur nous dit plus exactement que Jésus n’a pas honte de nous appeler frères, il n’a donc pas honte de se reconnaître comme notre frère. Il a partagé toute l’existence humaine de la conception jusqu’à la mort. Les épisodes de sa vie en font davantage notre frère que tant d’autres personnes et grands personnages de l’histoire. Jésus a voulu vivre dans la simplicité, en menant une existence cachée pendant trente ans. Sa vie a été celle d’une personne très simple et il a parlé avec simplicité au peuple. Il a accueilli les malades, les possédés, les infirmes et aussi les pécheurs. C’est la chose la plus impressionnante : le Fils de Dieu s’est fait le frère des pécheurs, sans bien évidemment la moindre complicité avec le péché. Il a cependant accepté la condition provoquée par les péchés humains. Il n’a pas voulu pour lui une existence séparée du commun des mortels, mais au contraire une existence humble et pleine de dévouement.

L’OR – Que représente le sacrifice du Christ et quelles conséquences a-t-il dans notre vie ?

Card. Vanhoye – Le sacrifice du Christ est très différent des sacrifices antiques, où l’on immolait des animaux. Ces rites étaient respectables et étaient des manifestations de générosité envers Dieu, dans la mesure où les animaux avaient un prix et une valeur. Le sacrifice du Christ, en revanche, a été une transformation de l’intérieur d’un événement tragique, et même scandaleux. C’est ce qui est extraordinaire. Jésus a affronté une situation qui allait dans le sens opposé de l’idée du sacrifice antique. Il a fait d’une condamnation à mort l’occasion de la plus grande docilité envers le Père et de la plus grande solidarité avec les hommes. Ce sont les deux dimensions du sacrifice du Christ, qui correspondent aux deux dimensions de la croix. La croix a une dimension verticale, qui concerne le rapport avec Dieu, et une dimension horizontale, qui concerne le rapport avec les frères. La croix est un symbole très significatif : Jésus en a fait un sacrifice d’alliance grâce à la docilité filiale et à la solidarité poussée à l’extrême. On ne pouvait pas aller plus loin dans la solidarité à l’égard de l’humanité misérable, c’est-à-dire faire plus que prendre sur soi le sort des criminels condamnés à mort.

L’OR – Qu’entend-t-on par l’affirmation « prêtre selon l’ordre de Melchisédech » qui se réfère au Christ ?

Card. Vanhoye – Cela a été la découverte de l’auteur de la lettre aux Hébreux. Il semble que personne avant lui n’avait pensé lire de cette manière le Psaume 109 (110) jusqu’au quatrième verset. Le premier verset de ce psaume est déjà en harmonie avec Jésus dans l’Evangile. C’est un oracle royal : « Oracle de Yahvé à mon Seigneur : « Siège à ma droite, tant que j’aie fait de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » ». Il s’agit d’un oracle de triomphe, qui a été interprété comme messianique. Jésus, précisément lors de son procès devant le Sanhédrin, a mentionné cet oracle dans sa réponse à la question qui lui avait été solennellement posée par le grand prêtre. Il répond en disant : vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance. Il annonce ainsi l’accomplissement de l’oracle du psaume. Il semble que personne n’ait eu l’idée de lire ce qui suit également dans ce sens, en particulier le quatrième verset, qui est un oracle plus solennel que celui que renferme le premier verset, car il repose sur un serment divin : « Yahvé l’a juré, il ne s’en dédira point : Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech ». L’auteur de la lettre aux Hébreux a observé que cet oracle s’appliquait au même personnage que celui du premier verset et définissait donc un sacerdoce qui n’était pas selon l’ordre d’Aaron, un sacerdoce qui n’était pas non plus lévitique, c’est-à-dire qui ne dépendait pas d’une généalogie lévitique. L’auteur a ensuite approfondi l’idée du sacerdoce du Messie selon l’ordre de Melchisédech. Il a remarqué que dans la Bible Melchisédech est nommé comme grand prêtre sans que l’on parle de son père ni de sa mère, ni de sa généalogie et pas même de sa naissance et de sa mort. Il s’agit donc d’un prêtre qui correspond à l’image du Fils de Dieu, qui est vraiment devenu prêtre à travers son sacrifice, qui remplace tous les sacrifices antiques. Parmi les sacrifices antiques, le plus solennel, celui qui est décrit avec le plus de détails dans l’Ancien Testament, est le sacrifice de la consécration sacerdotale. La passion est un sacrifice de consécration sacerdotale, car elle a formé dans l’humanité du Christ les deux relations essentielles pour la médiation sacerdotale : la relation avec Dieu et la relation avec ses frères. Le Christ, dit l’auteur de la lettre aux Hébreux, a été rendu parfait au moyen de ses souffrances : parfait dans le sens de la perfection sacerdotale, car ses souffrances ont manifesté une docilité filiale et une solidarité fraternelle poussées à l’extrême. L’auteur a ainsi complètement renouvelé l’idée du sacrifice et l’idée du sacerdoce dans l’Ancien Testament.

L’OR – Quelle valeur faut-il donner au fait d’attribuer au Christ le titre de grand prêtre ?

Card. Vanhoye – Ce t
itre, en grec archierèus, signifie « prêtre-chef ». Appliqué au Christ, il indique le parfait accomplissement dans le Christ du concept de sacerdoce. C’est-à-dire que le Christ est le parfait médiateur entre Dieu et nous, il nous introduit dans sa communion avec le Père.

L’OR – Le terme grand prêtre se trouve-t-il aussi dans les Evangiles ?

Card. Vanhoye – Dans les Evangiles nous trouvons ce terme aussi bien au singulier qu’au pluriel. Le mot grec, lorsqu’il est au singulier, se traduit généralement par grand prêtre, le chef du Sanhédrin, de toute l’organisation religieuse ; lorsqu’il est au pluriel il indique ceux qui appartenaient aux familles qui pouvaient accéder au sacerdoce suprême. Pour la nomination du grand prêtre, il existait une succession : on n’attendait pas la mort pour remplacer un grand prêtre, on pouvait le faire également en d’autres circonstances. Les ex-grands prêtres continuaient à conserver ce titre. Certains dignitaires qui revêtaient une importance particulière le portaient aussi : par exemple, celui qui était responsable de toute l’organisation de la sécurité dans le temple portait le titre d’archieréus. Dans l’Ancien Testament, le terme ne se trouve que dans les derniers livres, en revanche il est courant dans les Evangiles. Nous le trouvons, malheureusement, dans les récits de la passion de Jésus.

L’OR – Quels sont les fondements bibliques du Carême ?

Card. Vanhoye – Le fondement biblique le plus clair est la permanence de Jésus pendant quarante jours dans le désert. On le trouve dans les Evangiles synoptiques, lorsque, après son baptême, le Christ a été poussé par l’esprit dans le désert pour affronter le diable et pour se préparer à son ministère. Voilà le fondement précis du Carême. D’autre part, cette initiative de Jésus correspond à ce que Moïse lui-même avait fait. Il avait lui aussi passé quarante jours sur le Sinaï sans manger ni boire. Le jeûne n’est pas une pratique spécifiquement chrétienne mais universelle. C’est un effort humain pour se mettre dans la condition d’accueillir les inspirations divines et pour vivre dans le détachement des besoins les plus élémentaires, de manière à approfondir sa propre vie dans la contemplation. Le jeûne n’a pas de valeur religieuse s’il n’est pas en relation avec la recherche de Dieu. On peut jeûner pour des motifs de santé, et cela n’a pas de valeur religieuse. Le jeûne religieux est en revanche fait pour se libérer des instincts élémentaires et pour se mettre à la recherche de Dieu.

L’OR – Comment saint Ignace de Loyola considérait-il les exercices spirituels ?

Card. Vanhoye – Les exercices sont le résultat d’une expérience spirituelle personnelle de saint Ignace. Ils ont eu leur origine lorsqu’il fut blessé pendant la bataille de Pampelune. En raison de ses blessures, il dut rester au lit pendant plusieurs mois. Il eut donc l’occasion de réfléchir intensément et mit par écrit les choses les plus importantes pour la vie spirituelle. Saint Ignace dit au début que ces exercices spirituels sont faits pour se libérer des affections et des tendances désordonnées, et pour trouver la volonté de Dieu. Les exercices sont donc une série de pratiques, en particulier de méditations faites de manière à faciliter le contact très profond avec l’Evangile et avec la personne de Jésus, et ils ont pour but de trouver la volonté de Dieu. Ils sont particulièrement utiles pour celui qui est dans l’incertitude quant à sa propre vocation. Saint Ignace propose des méditations qui permettent de se mettre dans un état de disponibilité à la volonté du Seigneur et qui aident à discerner, grâce à l’expérience de la désolation et des consolations, la direction dans laquelle Dieu suggère d’aller. Les exercices ne sont pas simplement un moment de recueillement, de prière tranquille, mais ils sont pour le saint de véritables exercices et donc des activités qui ont pour but de trouver la volonté de Dieu, de trouver sa vocation, et de poursuivre le chemin avec assurance grâce à cette expérience spirituelle.

L’OR – Que signifie pour vous prêcher les exercices au pape ?

Card. Vanhoye – Il ne s’agit naturellement plus d’une recherche de vocation. Comme c’est l’habitude dans les communautés religieuses, on accomplit des exercices spirituels qui, au début de la vie consacrée, durent jusqu’à un mois entier. Chaque année on accomplit sept ou huit jours d’exercices spirituels précisément pour se remettre en contact plus profond, plus fort avec le Seigneur. Ils servent à se placer dans une attitude de disponibilité et également à recevoir une lumière pour décider des orientation à prendre. Grâce à cette période de contact plus intense avec le Seigneur, la personne trouve plus facilement son chemin, voit ce qu’elle devrait abandonner. Elle voit tout d’abord dans quelle direction le Seigneur l’entraîne, c’est-à-dire si elle vit l’adhésion au Christ et l’union à son amour pour les personnes indigentes. Les exercices sont une sorte de revivification de la vie spirituelle, qui est toujours utile, car dans la vie ordinaire les relations avec le Seigneur peuvent se relâcher.

[Traduit de l’italien par ZENIT]

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ZENIT Staff

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