Réfugiés d’Irak : Intervention du Saint-Siège à la conférence de l’ONU

Print Friendly, PDF & Email

Intervention à une conférence de l’ONU (traduction intégrale)

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Vendredi 20 avril 2007 (ZENIT.org) – « La souffrance de toutes les victimes doit pousser à une réponse coordonnée, effective, et généreuse », déclare Mgr Tomasi en faveur des populations irakiennes victimes de la violence.

Voici l’appel lancé par le Saint-Siège en faveur de la population irakienne en la personne de Mgr Silvano M. Tomasi, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU à Genève.

Mgr Tomasi est intervenu lors de la Conférence internationale sur la gestion des Besoins humanitaires des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak et dans les pays voisins, qui s’est tenue à Genève, les 17 et 18 avril 2007.

* * *

M. le Président,

1. En Irak, il semble « plus facile de mourir que de vivre », comme l’ont rapporté certains media. La violence croissante, et les atrocités quotidiennes détruisent d’innombrables vies, et l’espérance de tout un peuple. L’initiative prise par le Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR) pour réunir des représentants des gouvernements et des organisations humanitaires est donc une décision opportune et prometteuse. La délégation du Saint-Siège exprime son appréciation et attend comme résultat de cette conférence que grandisse la conscience qu’a la communauté internationale, et des formes concrètes d’aide pour les populations d’Irak déracinées. Pendant des années, l’UNHCR a sauvé et a apporté l’espérance à des millioons de victimes de la persécution, des conflits et de la violation des droits humains fondamentaux. Nous sommes tous mis au défi de maintenir cette noble tradition.

2. Le monde manifeste en Irak un dégré sans précédent de haine et de capacité de destruction. Ce phénomène exerce en même temps un impact mortel élargi sur toute la région du Moyen Orient. Affrontements sectaires et tribaux, actions militaires, groupes armés luttant pour le pouvoir, enlèvements, viols, terrorisme international, menaces de mort et meurtre de membres innocents de familles qui ont simplement maintenu leur foi ancestrale: autant d’éléments qui, combinés, menacent la dignité humaine et le bien-être social dans la région. Le fait que des civils désarmés soient des cibles est un signe particulièrement tragique du mépris total du caractère sacré de la vie humaine.

Les conséquences de cette violence généralisée affectent la vie sociale et économique du pays, tout en étant un fort rappel des appels passionnés du défunt pape Jean-Paul II pour éviter « les terribles conséquences qu’une opération militaire internationale aurait pour la population d’Irak et pour l’équilibre de la région du Moyen Orient, déjà durement éprouvée, et pour les extrémismes qui pourrait en naître ». Il a appelé avec insistance à des négociations même s’il savait bien que la paix à n’importe quel prix n’était pas possible (Jean Paul II, Angélus, 16 mars 2003).

3. Le déracinement massif et le déplacement de la population irakienne est en effet maintenant une conséquence terrible. Les statistiques indiquent que quelque 2 millions d’Irakiens ont déjà fui le pays, et qu’entre 40.000 et 50.000 quittent leurs maisons chaque mois. L’accueil très généreux fourni en particulier par la Jordanie et par la Syrie et par d’autres pays est certainement très recommandable. Cependant, la préoccupation pour l’économie, la société et la sécurité mettent à l’épreuve cette disponibilité et cette capacité d’accueil. Il est par conséquent urgent que la communauté internationale assume ses responsabilités et partage la tâche de protection et d’assistance pour répondre maintenant à l’appel à l’action par une intervention sur le terrain et par des décisions pratiques des engagements légaux et moraux patiemment formulés et approuvés. Là où la guerre et la violence ont détruit le tissu social et l’unité de l’Irak, des choix politiques judicieux et un engagement humanitaire non-discriminatoire seront la première étape pour rétablir une unité pluraliste.

4. Il y a des catégories spéciales de victimes qui ressortent dans cet exode, le plus grand depuis celui des Palestiniens, encore non résolu depuis 1948. Des femmes, des personnes âgées et des enfants déplacés portent le poids de la tragédie. Avec l’expérience de la violence quotidienne, et, de façon encore plus tragique, avec le meurtre sous leurs yeux de membres de leurs familles, de nombreux enfants sont traumatisés et demeurent sans soins professionnels. La plupart des enfants irakiens déplacés s’éveillent dans leur exil à une expérience d’incertitude, de privations, de manque de scolarisation, et d’un dur travail seulement pour arriver au minimum essentiel à la survie humaine. On se demande comment leurs blessures psychologiques conditionneront l’avenir. Les chrétiens et d’autres minorités religieuses qui ont été la cible d’une éviction forcée et d’un nettoyage ethnique et religieux, de la part de groupes radicaux, se retrouvent oubliés dans leurs refuges temporaires puisqu’ils sont incapables de revenir chez eux et qu’ils n’ont pas la possibilité d’une intégration locale ni d’une réinstallation. C’est la souffrance de toutes les victimes qui doit pousser à une réponse coordonnée, effective, et généreuse.

5. Une réconciliation et une paix générales sont les réponses évidentes à la racine de tout déplacement forcé. Alors que la communauté internationale poursuit ce but complexe, répondre immédiatement aux besoins de millions d’Irakiens déracinés, et d’autres réfugiés de la région, empêchera une déstabilisation ultérieure de la région, et soulagera leur souffrance. L’heure n’est pas à la recherche de définitions techniques sur ce qu’est un réfugié, mais de rappeler « la valeur exemplaire au-delà de son but contractuel » attribuée par les Etats, dès le début, à la Convention sur le Statut des Réfugiés (1951). Récemment, le développement du concept de protection complémentaire est devenu une conclusion significatrice pour soutenir une réponse humaine aux déplacements massifs. C’est pourquoi, parmi les mesures pratiques qui doivent être prises et mises en œuvre comme moyen de protection nécessaire, il y a : accepter tous les peuples fuyant une violence généralisée, en repectant leurs droits humains et le principe de non-refoulement, enregistrer en vue d’une assitance ordonnée, et fournir des documents légaux appropriés.

Dans cette réponse humanitaire, les pays accueillant des Irakiens déplacés ne peuvent pas être ignorés de la communauté internationale, et doivent recevoir une solidarité tangible et prompte. Une approche incluant les communautés pour assister les peuples déplacés et accueillis peut être une stratégie gagnante pour aider effectivement les personnes dans le besoin les plus isolées et les plus vulnérables. De fait, sans cette solidarité, les victimes fuyant la violence risquent de nouvelles formes d’exploitation et un manque de services de santé et d’éducation, et de possibilités d’hébergement et d’emploi. Pour faire face à une telle vulnérabilité, des personnes sont tentées de s’en remettre aux mains des trafiquants de façon à fuir, mais ils sont simplement confrontés à de nouvelles difficultés dans les pays qu’ils tentent de rejoindre. Alors que le premier besoin humanitaire est la paix, une réponse coordonnée est également vitale pour augmenter la conscience de l’immensité de la crise à laquelle nous faisons face. Une telle réponse doit impliquer des acteurs des Etats, de la société civile et des Nations unies. Pour améliorer le sort de toutes les personnes déplacées à l’intérieur et en dehors du pays, cette réponse doit jouir d’une participation responsable de tous les Irakiens.

Tous les trava
illeurs humanitaires qui ont apporté une assistance active, sans tenir compte des risques et du sacrifice, méritent l’appréciation de la fmaille humaine globale, et des ressources adéquates pour accomplir leur mission. Ils servent comme des instruments efficaces, comme le démontrent par exemple les dizaines de milliers de personnes de tous horizons et de toutes convictions qui sont aidées au quotidien par le réseau charitable catholique en Irak, en Jordanie, au Liban, en Turquie et en Egypte. Les ONG locales et les organisations confessionnelles et les autres ont souvent les meilleures capacités pour rejoindre les personnes dans le besoin, en se fondant sur la solidarité de communauté, et en étant ouvertes au dialogue, en ce moment de tensions croissantes entre groupes ethniques, tribaux, et religieux. Ce serait du bon sens que de leur donner plus de potentialités, de soutien financier et d’engagement actif pour évaluer les situations et programmer les réponses.

6. Mais par le passé, dans des crises similaires de déplacements passifs, la mobilisation de la communauté internationale s’est révélée efficace en procurant des solutions durables. Il faut arriver à la même efficacité que par le passé. Alors que l’on doit maintenir vivant le droit au retour pour les Irakiens déplacés, d’autres exemples de l’histoire récente ont démontré que l’option pour la réimplantation pourrait avoir besoin d’être mise en valeur et les portes ouvertes par plus de pays et pour un nombre plus important, de façon à soulager la pression dans la région à court terme. Un nouvel effort concerté est cependant nécessaire pour faire en sorte que les conditions de vie en Irak et dans toute la région conduise à une coexistence décente et durable pour tous les citoyens. La diversité des communautés peut contribuer à une expérience démocratique et peut relier cette société au monde. Une telle contribution présuppose une acceptation mutuelle, le rejet de l’homogénéisation et un pluralisme constructif. Dans ce contexte, la réalisation de toutes les solutions durables pour mettre fin au déplacement peut empêcher l’émergence de situations chroniques, prolongées, produisant des circonstances à long terme et humiliantes, pour un grand nombre de réfugiés.

M. le Président,

7. Ma délégation est convaincue que, à ce carrefour de la crise du Moyen Orient, une direction vigoureuse est demandée à la communauté internationale. Le plus grand défi est certainement de trouver une voie à la réconciliation, pour reconstruire une volonté de dialogue, et pour espérer à nouveau que la paix puisse l’emporter. Une aide généreuse, ponctuelle et coordonnée à toutes les victimes d’une violence aussi horrible leur rendra justice et mettrra en œuvre le processus indispensable de guérison de leur situation tragique.

[Traduction de l’original en anglais réalisée par Zenit]

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel