ROME, Jeudi 31 mai 2007 (ZENIT.org) – Le cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, et Mgr André-Mutien Léonard, évêque de Namur, ont « ouvert » officiellement l'Institut « Sophia » de Bruxelles, le 8 mars dernier. « De septembre à juin, dès 2007, l'Institut Sophia invite des 18-28 ans, qui veulent se préparer aux grands défis de leur vie, à venir vivre une année où enseignement, vie spirituelle et vie en groupe s'éclairent mutuellement », indique la page en ligne de l’Institut (www.institutsophia.org). Jeanne et Christian de Buyer, jeunes Français mariés depuis 10 ans, responsables du lancement de l’Institut à Bruxelles, ont bien voulu répondre aux questions de Zenit.

Zenit : Quelle est la formation proposée par l’Institut Sophia ?

Le socle de la formation intellectuelle est constitué de cours de philosophie, d’éthique et d’Ecriture Sainte, qui seront dispensés à l’Institut d’Etudes Théologiques (I.E.T.) de Bruxelles. Un complément à ces cours, plus spécifiquement adapté à l'Institut Sophia, sous forme de sessions/ateliers diversifiés est aussi proposé. Y seront abordées des questions concrètes de notre temps mais aussi les techniques (communication, méthodologie, organisation, développement personnel, questions contemporaines) utiles à un jeune adulte d’aujourd’hui. C’est une formation en journée mais à temps plein (15h/semaine). Un tutorat d’études est prévu pour chacun.

Zenit : Mais la philo, à quoi ça sert ?

Avant tout, la philosophie contribue à la recherche de la vérité et à la liberté. Elle aide chacun à réfléchir. Elle permet à chacun d’entrer dans la sagesse avec un esprit à la fois critique et confiant.
Ensuite, nous sommes imprégnés de philosophies implicites qui dirigent notre vie. Et si nous étions gouvernés par des pensées dont nous n’avons pas conscience, ce ne serait pas bien. Il convient avec sagesse soit de choisir véritablement, soit de les récuser, en les soumettant à un esprit critique.
La philosophie, c’est comme pour l’alpiniste la main courante posée par temps clair et qui devient ligne de vie par mauvais temps. Les questions qui touchent à l’homme, à la vie, à la liberté, au travail, à la vie en société méritent une attention considérable. D’une vision claire de ces thèmes dépend grandement la contribution de chacun au monde. Seul un homme libre peut construire un monde libre.

Zenit : Vous posez surtout la question du sens de la vie ?

En complétant l’enseignement académique suivi ailleurs, Sophia n’élude certes pas la question, notamment au niveau intellectuel ! Cette question vraiment cruciale, le chrétien ne peut cependant y répondre vraiment en-dehors de l’expérience. C’est donc une expérience de vie que Sophia devait proposer : une formation intégrale de la personne, incluant la dimension du service et de la prière. C’est en cela que Sophia répond au besoin des jeunes, qui sont à la recherche de ce qui donne vraiment sens à la vie et qui fonde des engagements sérieux.

Zenit : Une cordée en haute montagne : pourquoi avoir choisi ce logo pour Sophia ?

La cordée rappelle que les justes liens humains sont à l’opposé de la servitude, et que ces liens libèrent car leur objet est de protéger, de permettre d’avancer en terre inconnue, sans être paralysé par la peur de la crevasse, de l’inconnu. Chacun de nous va plus loin, plus haut s’il consent à cette joie de la relation qui donne un sens aux épreuves que nous traversons.
La crête qui est la rencontre des deux versants symbolise tous les « et » du chrétien, qui unissent ce que l’on voudrait opposer : chaque versant parcouru unilatéralement serait une pente vertigineuse. Amour et vérité, justice et miséricorde, amour de soi et amour des autres, accueil des personnes et rejet du mal, prière et action, confiance et réalisme, unité et diversité, amour des hommes et amour de Dieu sont en tension, mais ne s’opposent pas.
Le montagnard développe une philosophie du chemin plutôt qu’une philosophie de la crevasse. Ce qui meut l’alpiniste est autant l’appel du sommet que le petit pas qu’il est en train d’effectuer ; il sait qu’il avance même si le sentiment que le sommet s’éloigne l’envahit parfois. Qu’est-ce qui fait sa joie ? Le sommet, le dépassement de soi, le partage en cordée, le repos, la beauté, la perspective d’un sommet encore plus exigeant -et satisfaisant , le retour à la plaine…

Zenit : A qui s’adresse l’Institut Sophia ?

A tout jeune adulte qui se pose la question : « Quels sont les grands enjeux de ma vie ? », ou des questions plus profondes encore, et qui se rend compte qu’il lui manque quelque chose ou quelqu’un pour y faire face. Ayant développé son intelligence dans un domaine académique particulier, il pressent qu’il lui est salutaire de développer également son intelligence de la vie, et qu’il ne peut se contenter de réponses toutes faites.
A tout jeune adulte également qui connaît une soif ou une angoisse de l’être qui est souvent le revers d’une soif philosophique et spirituelle non satisfaite.
A tout jeune adulte qui craint de « prendre et reprendre sans cesse le risque d’aimer ».
A tout jeune adulte qui pressent que sa liberté est la possibilité offerte de construire la civilisation de l’amour.
A tout jeune adulte enfin qui est à la recherche d’une sagesse de vie, capable d’un brin de folie pour se lancer dans une aventure et que ne rebute pas une exigence intellectuelle et relationnelle.
L’ouverture internationale est une richesse : sont attendus des jeunes de différents pays comme la France, la Suisse, l’Autriche, l’Italie et pourquoi pas du Canada. La seule exigence à ce niveau est une bonne maîtrise du français.

Zenit : Un an à l’Institut Sophia : est-ce qu’on ne risque pas d’y vivre un peu trop comme dans un cocon ?

Cette année a au contraire pour objectif d’« avancer au large ».
Certes, elle se présente un peu comme « un dimanche », le jour du Seigneur, jour de repos, de partage ; mais ce jour est aussi celui qui revisite les jours précédents, et le premier jour de la semaine qui vient, qui met dans la disposition de la vivre pleinement. Le dimanche, il ne s’agit pas de fuir les réalités du monde, mais de changer de perspective, de les voir selon Dieu, selon leur source et leur destination. De prendre la distance nécessaire pour ôter ces lunettes polarisées qui font voir la vie d’une manière unilatérale, en rose, ou en noir par exemple.
C’est se disposer à activer le ressort le plus profond de notre action.
Si un étudiant désirait tenter de vivre cette année plutôt comme un moyen de reculer une étape de vie, ou de se « protéger du monde », il perdrait son temps. Ce ne serait pas la plus sage des attitudes !

Zenit : Donc l’Institut Sophia prépare à la vie ?

Même si cette année est une période de formation, où l’on peut ne pas voir immédiatement la fécondité de ce que l’on vit, elle veut être la vie elle-même : par les petites fidélités, disposer aux grandes fidélités ; par l’esprit de simplicité, elle dispose aux défis de la vie qui finalement sont avant tout humains ; par le vie fraternelle, disposer à l’esprit d’équipe… La pédagogie de Sophia est « sur mesure » en s’adaptant aux talents et aux questions de chacun en vue de plonger librement au plus vite dans la vie réelle, au service du monde et de l’Eglise.

Zenit : Concrètement, comment ça se passe ?

L’Institut Sophia accueille au maximum 12 étudiants, qui vivent ensemble dans un bâtiment confié à l’Institut, au sein d’un ensemble plus grand où vivent d’autres jeunes étudiants, des familles et des prêtres, et où se trouvent une église et une chapelle.
L ’Institut Sophia y est indépendant, mais ses étudiants ne sont pas perdus, notamment le week-end ! Un couple sera présent auprès des étudiants : il sera responsable de la vie fraternelle et contribuera ainsi à l'équilibre et au suivi de ceux-ci.
L’année est découpée en deux semestres ; lors du premier semestre, les cours réguliers occupent la plus grande partie (un peu moins de 20 heures par semaine). Au second semestre, ces cours sont moins prenants (moins de 15 heures par semaine) : c’est là qu’il y a le plus de sessions/ateliers, ouverts au public, où les étudiants abordent également tant des questions bien concrètes de notre temps que des techniques (communication, organisation, questions contemporaines) utiles pour leur vie future. Nous voulons offrir aux jeunes les richesses de Bruxelles, richesses culturelles mais aussi celles des institutions européennes, auprès desquelles est situé le lieu de vie de Sophia.
Les étudiants forment aussi une chorale où ils apprennent à chanter à plusieurs voix. Le répertoire n’est pas seulement liturgique, mais il permet d’animer le temps de prière quotidien en commun. L’étudiant peut, s’il le désire, participer à la messe quotidienne de l’I.E.T. ; chaque semaine, la messe festive de l’I.E.T. rassemblera tous les étudiants.
La rentrée académique a lieu le 17 septembre prochain. Le site de l’Institut Sophia renseigne en détail sur la portée du projet et le programme des cours (http://www.institutsophia.org)
Les jeunes qui souhaitent s’informer peuvent aussi être reçus par nous et par un professeur de l’Institut.