Sport © Réseau Mondial de Prière

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Le sport, un chemin vers la sainteté

«Voici que je me tiens à la porte et que je frappe»

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Le p. Fr. Patrick Kelly, Ph.D., jésuite, professeur associé en théologie et études religieuses à l’Université de Seattle (Etats-Unis)  a contribué en tant qu’expert à la révision du document du Saint-Siège sur le sport  sur le sport, le don de soi et la personne humaine(“Giving the best of yourself: a document about the Christian perspective and sport and the human person« ). Il en dit plus à ZENIT.

ZENIT: Que signifie ce document du Vatican sur le sport ? Pourquoi était-il nécessaire ?

Dans son discours aux cardinaux à la congrégation qui préparait l’élection du nouveau pape, le cardinal Bergoglio a fait référence au passage du livre de l’Apocalypse dans lequel Jésus dit : « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe ». Mais il n’a pas interprété ce passage comme d’habitude. Il a imaginé Jésus à l’intérieur de l’Église, frappant à la porte de celle-ci « parce qu’il voulait sortir dans le monde, là où les gens vivaient leur vie ».

Dans ce document, l’Église fait un pas dans cette direction. Un grand nombre de personnes sont engagées dans le sport ou le suivent en tant que fans, comme nous en avons été témoins avec la dernière Coupe du Monde. Le sport a un impact important sur les êtres humains et les relations entre cultures, nations et traditions religieuses.

Par conséquent, comment présenteriez-vous « Donner le meilleur de soi-même » à un lecteur ?

Ces pages font partie de l’essai de la part de l’Église de continuer de vivre la vision du Concile Vatican II. Le pape Jean XXIII a parlé d’ « ouvrir les fenêtre de l’Église et [de] laisser l’air frais de l’Esprit s’y engouffrer ». Le pape Paul VI a parlé d’une « rupture entre l’Évangile et la culture ». Avec le Concile Vatican II, il y a eu une nouvelle emphase sur l’engagement et le dialogue avec le monde. En plus des historiens, philosophes et théologiens, même un ancien joueur de football, Dave Meggysey, est cité, ce qui est certainement une première dans un document du Vatican !

Un engagement et un dialogue authentiques ne signifient cependant pas une acceptation dépourvue d’esprit critique. Parfois, il est aussi important de présenter une critique de dynamiques dans le sport qui ne servent pas la personne humaine et son développement intégral.

Mais le sport peut-il vraiment être un chemin vers la sainteté ? Comment ?

Au Concile Vatican II, il y a aussi eu une emphase sur l’ « appel universel à la sainteté », signifiant qu’il n’y a pas des chrétiens de première et de deuxième classes (les clercs et les religieux, et les laïcs). Les laïcs aussi sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne. Il s’ensuit logiquement qu’il est important d’attacher davantage d’importance aux expériences des laïcs dans le monde, et de commencer à y discerner ce qui conduit à la vie et ce qui conduit à un amoindrissement et à la désolation.

Aujourd’hui, dans le monde, il y a beaucoup plus d’échanges interculturels que jamais auparavant. Mais il y a en même temps des mouvements dans la direction opposée, construisant des murs au lieu de ponts, et même diabolisant parfois ceux qui sont différents. Le sport est donc important ! Cela peut aider de construire ce que le pape François appelle une « culture de la rencontre » en mettant ensemble des personnes d’environnements culturels, ethniques, nationaux ou religieux différents, soit comme coéquipiers ou dans des compétitions pacifiques, comme les Jeux olympiques et d’autres compétitions mondiales. Bien sûr, il y a aussi des exemples de spectateurs qui expriment des préjugés et des partis pris contre les joueurs ou les fans de l’autre équipe, parfois violemment, ce que le document critique.

Pendant la conférence de presse au Bureau de presse du Saint-Siège pour présenter « Donner le meilleur de soi-même », vous avez expliqué que saint Thomas d’Aquin a des réflexions intéressantes…

Tout d’abord, il est important de souligner que les laïcs catholiques jouaient et faisaient du sport les jours saints de l’année liturgique et les dimanches pendant la période médiévale. Ensuite saint Thomas a demandé dans sa Somme théologique : « Peut-il y avoir une vertu dans les activités de jeu ? » Et il répond : « Oui » parce que, pour lui, comme pour Aristote, la vertu est liée à la modération. Ainsi une personne ne devrait pas passer tout son temps à travailler ou à se préoccuper de son travail. Une vie pleinement humaine a aussi besoin de temps pour le jeu et la récréation. En réponse à l’objection selon laquelle toute action vertueuse doit avoir une fin, Thomas dit que le plaisir du jeu est dirigé vers « la récréation ou la restauration de la personne humaine ».

Est-ce encore vrai aujourd’hui ? En quoi la vision de saint Thomas est-elle encore pertinente après tant de siècles ?

Si l’on cherche des exemples dans mon pays, les Etats-Unis, beaucoup d’éléments de cet héritage ont été rejetés dans les premières colonies. Il est connu que les puritains rejetaient tous les jours de fête à la période médiévale. Parce qu’ils associaient la piété avec le fait de vivre son appel ou son travail, ils ont aussi commencé à considérer le jeu comme trivial et à l’associer au péché d’une manière nouvelle. L’emphase sur le travail a été accentué avec la révolution industrielle et quand le capitalisme a continué de se développer comme système économique.

Même aujourd’hui, dans le travail aux Etats-Unis, le monde des affaires et ce qui fait gagner de l’argent est hautement estimé. Toutefois, dans ce contexte, les activités de jeu comme le sport courent le risque d’être considérées comme un simple instrument en vue de faire des affaires et de gagner de l’argent.

Et quelles sont les conséquences ?

 Aujourd’hui, aux Etats-Unis, de nombreux parents ou enfants instrumentalisent le sport, comme un moyen en vue d’une bourse d’études ou, pour les plus ambitieux, en vue d’une carrière de haut niveau ou dans le sport professionnel. Et cela amène de nombreux jeunes à se spécialiser très jeunes dans un sport et à s’entraîner tout au long de l’année dans ce sport. Mais leurs corps ne sont pas encore assez mûrs pour soutenir un tel entraînement et le résultat est qu’il existe une sorte d’épidémie de blessures de surmenage dans le sport chez les jeunes. Un autre problème lié à cela est qu’un très grand nombre de jeunes quittent le sport à 13 ans… Ce n’est plus drôle si le jeu est marginalisé ou perdu en même temps.

 Bien après saint Thomas, qui a employé les mêmes concepts ?

Dans une interview avant la Coupe du Monde de footballe en 1978, celui qui était alors le cardinal Joseph Ratzinger a parlé de l’immense attrait de la Coupe du Monde en lien avec sa dimension de jeu. Le jeu, a-t-il dit, est vraiment libre et sans objectif ou nécessité extérieurs et pourtant il exploite et remplit toutes les énergies et les forces personnelles ; c’est une manière de se retirer du « sérieux servile » de la vie quotidienne, et c’est même un « avant-goût du Paradis ». Puis il a fait observer que le jeu a une autre dimension, en particulier pour les enfants : c’est un entraînement à la vie. Les jeunes apprennent tout en jouant à des sports d’équipe, par exemple, à faire partie de quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes et à respecter les règles mutuellement acceptées qui rendent le jeu possible. Il disait que la fascination du sport « consiste dans le fait qu’il unit ces deux aspects d’une manière très persuasive ». On peut voir des ressemblances avec l’éthique du jeu chez Thomas d’Aquin dans l’approche du pape Benoît.

Dans son message pour accompagner le document, le pape François dit que le sport pourrait être un chemin vers la sainteté

J’aime la manière dont le pape François s’exprime lorsqu’il dit que faire un sport « nous met sur un chemin qui, avec l’aide de la grâce de Dieu, peut nous conduire à la plénitude de la vie que nous appelons sainteté ». Le pape n’exige pas trop du sport, ni trop peu, respectant sa place dans la vie chrétienne. Il suit la tradition d’autres papes qui ont souligné que le sport peut être un contexte dans lequel une personne peut grandir dans les vertus. Les papes reconnaissent que, en pratiquant un sport, la personne peut devenir plus tempérée, juste, prudent, courageuse, etc. Et que c’est un solide fondement humain avec lequel la grâce de Dieu peut œuvrer.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Pour l’interview en anglais, cliquer sur ce lien:
https://zenit.org/articles/interview-sports-are-not-only-play-but-are-a-way-to-sainthood/

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Deborah Castellano Lubov

Deborah Castellano Lubov is Senior Vatican Correspondent for Zenit and its English edition. Author of 'The Other Francis,' now published in five languages, she gave a personal, in-depth look at the Holy Father, through interviews with those closest to him and collaborating with him, featuring the preface of Vatican Secretary of State, Cardinal Pietro Parolin. Lubov often covers the Pope's trips abroad, and often from the Papal Flight, where she has also asked him questions on the return-flight press conference on behalf of the English-speaking press present. Deborah Castellano Lubov, who also serves as NBC Vatican Analyst and collaborator, also has done much TV & radio commentary, including for NBC, Sky, EWTN, BBC, Vatican Radio, AP, Reuters and more. She also has written for various Catholic publications.

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