Première Congrégation générale : Rapport du cardinal Turkson

ROME, Lundi 5 octobre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du rapport du cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, archevêque de Cape Coast (Ghana) et rapporteur du Synode, présenté ce lundi lors de la première Congrégation générale de la deuxième Assemblée du Synode pour l’Afrique (4-25 octobre).

RAPPORT AVANT LE DÉBAT GÉNÉRAL DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL, S. ÉM. LE CARD. PETER KODWO APPIAH TURKSON, ARCHEVÊQUE DE CAPE COST (GHANA)

Share this Entry

Introduction

Par l’intonation du « Te Deum » et alors que la salle du synode tout entière résonnait de cet hymne de remerciement, le 7 mai 1994 à midi, se concluait officiellement la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques. Le Synode avait traité du thème: « L’Église en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l’an 2000: « Vous serez mes témoins » (Ac 1, 8). Il adressa un message à l’Église et au monde, qui reflétait les principaux élans des procédures synodales, et vota différentes résolutions comme propositions. À partir de là, les pères synodaux et, en vérité, l’ensemble de l’Église, attendit avec impatience l’Exhortation apostolique post-synodale du Saint-Père, document qui aurait recueilli les fruits du synode dans un message provenant du Saint-Père, en sa qualité de Président du Synode, marquant la conclusion définitive de l’exercice collégial et consultatif du Synode. Ce que fit le Saint-Père lorsqu’il publia l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa (« L’Église en Afrique ») et la présenta à l’Afrique et au monde à Yaoundé, au Cameroun, le 14 septembre 1995, puis à Johannesbourg (Afrique du Sud) le 17 septembre 1995, et enfin à Nairobi (Kenya) le 19 septembre 1995 [1].

I. De la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique à la Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique

Le Pape Jean-Paul II décrivit le Synode, qu’il conclut avec la proclamation de son Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, comme un « Synode de la Résurrection, Synode de l’Espérance » [2]. Cette assemblée synodale, qui avait été convoquée contre un contexte de vision mondiale pessimiste à l’égard de l’Afrique et une situation du continent « tragiquement défavorable » [3] en ce qui concerne la mission d’évangélisation de l’Église au cours des dernières années du vingtième siècle, était cependant attendue comme un tournant dans l’histoire du continent [4].
Lorsque le Saint-Père et les pères synodaux se rassemblèrent pour ce premier synode, ils disposaient tant « d’éléments positifs que négatifs » (ombres et lumières) dans les « signes des temps » [5] à prendre en considération. Ils avaient face à eux les succès de l’évangélisation et la croissance des Églises locales sur le continent à contempler et à célébrer, mais ils avaient aussi devant eux une liste de misères et de maux desquels se plaindre et à décrier. Ils devaient honorer l’héroïsme et l’esprit de pionnier des missionnaires, mais ils devaient également critiquer le manque d’engagement et de zèle pastoral des ecclésiastiques, l’émergence de tendances syncrétiques, la prolifération des sectes, la politisation de l’Islam et son intolérance face à la critique. Ils devaient accueillir avec optimisme l’avènement des démocraties et le réveil d’une profonde conscience du continent aux plans culturel, social, économique et politique, mais également s’attrister pour l’existence de régimes despotiques et dictatoriaux, de mauvais gouvernements, d’une corruption étendue et d’une croissance alarmante de la pauvreté.
La situation du continent était tout aussi largement ambivalente que paradoxale et la rapide succession d’événements, tels que la chute de l’apartheid et la triste explosion du génocide rwandais, avaient bien caractérisé ce paradoxe.
Dans le cadre de ce mélange paradoxal, au sein duquel le mal et la détresse semblaient prévaloir sur le bien et la rectitude, la convocation pascale de la Première Assemblée Spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique fut perçue comme un message d’espoir pour l’Afrique. Avec la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, l’Église en Afrique reçut une nouvelle impulsion et un nouvel élan pour sa vie et pour son activité sur le continent en tant qu’Église missionnaire, c’est-à-dire une Église avec une mission. Le synode en cette convocation pascale et l’Exhortation apostolique post-synodale ont donné à l’Église en Afrique une nouvelle impulsion qui a résidé dans:
– un espoir dans le Christ ressuscité, comme nouvel élan pour vivre son « programme » et sa mission évangélisatrice;- un nouveau paradigme: l’Église en tant que Famille de Dieu, permettant de donner une perspective et un système de valeur pour vivre son « programme » et en particulier de sous-entendre l’unité et la communion entre tous malgré les différences;
– un ensemble de priorités pastorales: l’évangélisation comme Proclamation, l’évangélisation comme Inculturation, l’évangélisation comme Dialogue, l’évangélisation comme Justice et Paix et l’évangélisation comme Communication, pour guider la réalisation de son « programme » et de sa mission dans une Afrique caractérisée par un mélange de misères humaines déplorables et par de rapides héroïsmes provenant tant de l’intérieur que de l’extérieur de l’Église [6].
Ainsi, la période suivant la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale était le moment, ainsi que le croyait également le Pape Jean-Paul II [7], pour approfondir cette expérience synodale et mettre en oeuvre Ecclesia in Africa dans un effort persévérant et concerté afin de restaurer une nouvelle force et une espérance plus profondément ancrée dans un continent en difficulté. Cette période post-synodale est désormais entrée dans sa quatorzième année et, alors que la situation du continent, de ses îles et de l’Église porte encore quelques-unes des « lumières et des ombres » [8] ayant été la cause du premier synode, elle a également changé de manière considérable. Cette nouvelle réalité requiert une étude minutieuse en vue d’efforts d’évangélisation renouvelés qui demandent une analyse plus approfondie de thèmes spécifiques, importants pour le présent et l’avenir de l’Église catholique sur le grand continent » [9].
Par conséquent, rassemblés une fois encore en une Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique, quinze ans après la Première Assemblée Spéciale, nous devons être fortement ancrés dans le premier synode [10], mais également conscients et impatients d’explorer, ce qui est plus important, les « nouvelles données ecclésiales et sociales du continent » [11], données qui affectent désormais la mission de l’Église sur place et requièrent que l’Église africaine, tout en se reconnaissant comme « témoin du Christ » et « famille de Dieu », se reconnaisse également comme « sel de la terre, lumière du monde » et « servante de la réconciliation, de la justice et de la paix ».

Nouvelles données ecclésiales et sociales pour le Continent

Données ecclésiales

a. Subsidia Fidei: Il est important de remarquer que l’élan et l’impulsion que la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique a donné à l’Église en Afrique pour renouveler sa force et ancrer plus fermement son espérance dans le Seigneur, furent grandement renforcés par différents autres événements au sein de l’Église et par les activités du Pape et de la Curie romaine, que nous pouvons évoquer comme « subsidia fidei » pour l’Église. Ainsi, le « Synode sur l’Eucharistie » affirma la centralité de l’Eucharistie dans la vie de l’Église-Famille de Dieu comme symbole d’unité. Le « Synode sur l’Évêque: serviteur de l’Évangile… » rappela aux Évêques et aux Pasteurs l’essentiel de leur ministère en tant que prédicateurs de l’Évangile à l’intérieur de l’Église-Famille de Dieu, et le « Synode de la Parole de Dieu » a rappelé à la famille de Dieu l’origine éternelle et impérissable de sa naissance. De plus, les Encycliques du Pape: « Deus caritas est », « Spes salvi » et « Caritas in veritate », ainsi que ses homélies et ses discours au cours de son récent voyage apostolique en Afrique (Cameroun et Angola) ont offert des catéchèses d’une inestimable valeur pour l’Église en Afrique. Enfin, les Dicastères de la Curie romaine ont organisé des séminaires sur:
– la « Liturgie » (Kumasi 2007) afin de fournir des lignes directrices concernant le trava
il actuellement en cours d’inculturation dans la liturgie.
– la « Doctrine sociale de l’Église » (Dar-es-Salaam 2008) afin de promouvoir la connaissance et la diffusion des enseignements sociaux de l’Église.
– la « Migration » (Nairobi 2008) pour discuter des migrations et des nouvelles formes d’esclavage.
– le « Travail des Commissions théologiques des Conférences épiscopales » (Dar-es-Salaam 2009) pour rappeler aux Évêques l’importance de leur mission d’enseignement au sein de l’Église, même lorsqu’ils font appel aux experts.
Ces rencontres intensifient la conscience que l’Église en Afrique a de sa vie et de son ministère.

b. La croissance exceptionnelle de l’Église en Afrique: Au cours de ces dernières décennies (y compris les années qui ont suivi la Première Assemblée spéciale pour l’Afrique), il est devenu habituel de parler de la croissance exceptionnelle de l’Église en Afrique et les indicateurs, ainsi que nous le montrent les Lineamenta et l’Instrumentum laboris, sont nombreux. Cependant, ce qui est réellement nouveau parmi ces signes de croissance de l’Église sur le continent et sur ses îles c’est:
– la suprématie des membres africains des congrégations missionnaires au niveau des postes à responsabilité: membres de conseil, vicaires généraux et même supérieurs généraux.
– la recherche de l’indépendance de la part des Églises locales, engagées dans des initiatives économiques et créatrices de revenus (banques, unions de crédits, compagnies d’assurance, immobilier et magasins).
– une croissance visible des structures et des institutions ecclésiales (séminaires, universités catholiques et instituts des hautes études, centres de formation continue pour les religieux, les catéchistes et les laïcs, écoles d’évangélisation), ainsi que l’augmentation du nombre d’experts et de ressources humaines affectés au travail de recherche dans les domaines de la foi, de la mission, de la culture et de l’inculturation, de l’histoire, de l’évangélisation et de la catéchèse.
Malgré tout, l’Église en Afrique doit faire face à de formidables défis:
– la discussion sur une Église prospère en Afrique fait oublier le fait que l’Église n’existe pratiquement pas dans de larges zones au nord de l’équateur. La croissance exceptionnelle de l’Église en Afrique est présente généralement au sud du Sahara.
– la fidélité et l’engagement de certains ecclésiastiques et religieux à leur vocation.
– la nécessité d’évangéliser (ou de ré-évangéliser) en vue d’une conversion profonde et permanente.
– la perte de membres, qui migrent en direction des nouveaux mouvements religieux et des sectes. La jeunesse catholique quitte l’Afrique (pour se rendre en Europe et en Amérique) et y revient non-catholique parce qu’elle se sent moins chez elle au sein des Églises catholiques qui se trouvent sur ces continents
– la chute des indices de croissance démographique en Europe et en Amérique, traditionnellement chrétiennes.

c. Le Synode africain et le « Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) »: L’approfondissement de l’expérience synodale africaine sur le continent et dans ses îles a intensifié grandement la croissance de l’organe continental de l’Église appelé « SCEAM ». C’est au cours du Concile Vatican II que les Évêques africains, à la recherche d’un moyen de coopération adéquat, créèrent un secrétariat afin de coordonner leurs interventions et de présenter un point de vue (africain) commun au Concile. Après le Concile et suite à la visite de Paul VI à Kampala (1969), les Évêques africains ont décidé de s’approprier de cet instrument de coopération au Conseil permanent avec la création du SCEAM. À cette époque, le SCEAM était un organisme permanent désiré, une institution, capable de favoriser l’exercice, de la part des Pasteurs du continent, d’une solidarité organique. Il devait constituer pour les Évêques le moyen de promouvoir « l’évangélisation dans la corresponsabilité » sur le continent [12] et c’est à cet organisme que le Pape Jean-Paul II attribua l’idée originale d’un Synode pour l’Afrique [13].
Au cours d’une Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique, il ne devrait pas être déplacé pour les Pasteurs du continent de renouveler leur nécessité du SCEAM et leur engagement au sein de cette institution.

Données sociales

Dans la description des « quelques lieux critiques de la vie des sociétés africaines » [14], l’Instrumentum laboris identifie et discute d’un grand nombre de ces nouvelles données sociales. Nous nous devons cependant d’ajouter quelques notes qui pourraient avoir leur importance et les présenter à l’assemblée synodale afin de compléter le cadre.

d. Notes sociales et historiques à l’Instrumentum laboris: En 1963, dans le cadre d’une réunion de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), les leaders africains décidèrent de conserver un vestige de la règle coloniale, en maintenant les frontières coloniales et les descriptions des États en dépit de leur caractère artificiel. Cette décision n’a cependant pas été suivie par un développement parallèle d’un sens de la nation qui fasse de la diversité ethnique une source d’enrichissement mutuel et qui privilégie le bien commun national sur les intérêts des paroisses ethniques. Ainsi, la diversité ethnique continue à être le semis des conflits et des tensions qui défient même le sens d’appartenance des uns et des autres comme membres de l’Église-Famille de Dieu.
L’esclavage et la réduction en esclavage, que le monde arabe a engagé sur la côte est de l’Afrique et que les Européens, avec la collaboration des africains eux-mêmes, ont récupéré au XIVème siècle, en l’étendant à l’ensemble du continent, ont représenté un déplacement forcé d’africains. Actuellement, la migration volontaire des fils et des filles d’Afrique vers l’Europe, l’Amérique et l’Extrême-Orient pour différentes raisons, les place dans des conditions serviles qui requièrent notre attention et notre soin pastoral.

e. Notes sociales et politiques à l’Instrumentum laboris: La célébration de l’indépendance et l’avènement d’États et de nations africains gouvernés évidemment par des africains ont été étroitement liées à l’évolution post-coloniale du continent. Le caractère de l’exercice du pouvoir politique et du gouvernement a généralement fait l’objet de critiques et a été vicié dans différents cas par le despotisme, la dictature, la politisation de la religion et de l’ethnie, le mépris pour les droits des citoyens, le manque de transparence et de liberté de la presse, etc. Mais la période qui a suivi la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique, à savoir le début du Troisième millénaire, semble avoir coïncidé avec l’émergence au niveau continental de la part des leaders africains eux-mêmes d’un désir de « renaissance africaine » (Thabo Mbeki), « une nouvelle affirmation de soi des africains en vue de la construction d’une civilisation africaine qui puisse répondre aux impératifs de notre époque, à savoir la prospérité économique, la liberté politique et la solidarité sociale » [15].
Les leaders politiques africains semblèrent décidés à changer l’image de l’administration politique sur le continent et ont mené une autocritique de l’Afrique qui identifie le pauvre et le mauvais gouvernement sur le continent comme causes de la pauvreté et des malheurs de l’Afrique. Par conséquent, ils ont indiqué la voie du bon gouvernement et de la formation d’une classe politique capable de conserver le meilleur des traditions ancestrales de l’Afrique et de l’intégrer aux principes de gouvernement des sociétés modernes. Ils ont adopté un cadre stratégique (NEPAD) afin de guider sa mise en oeuvre et de donner le ton au renouvellement de l’Afrique grâce à un leadership politique transparent [16]. L’Église en Afrique peut-elle reconnaître ces efforts politiques réalisés par ses fils et ses filles et leur fournir les sollicitation
s provenant de son annonce de l’Évangile afin de les défier à être « lumière de leurs nations » et « sel de leurs communautés », fournissant un « leadership de service »?

f. Notes sociales et économiques à l’Instrumentum laboris: La relation radicale entre la manière de gouverner et l’économie est claire et démontre que le mauvais gouvernement provoque une mauvaise économie. Ceci explique le paradoxe de la pauvreté du continent qui est certainement le plus richement comblé de dons du monde. La conséquence de cette « équation gouvernement-économie » est qu’il est difficile de trouver un pays d’Afrique qui puisse faire face à ses obligations budgétaires, à savoir à la planification de son programme financier national, sans avoir recours à une aide extérieure sous forme de donations ou de prêts. Le recours continuel à ces prêts pour garantir les budgets nationaux gonfle le lourd fardeau de la dette. L’Église universelle s’est associée à l’Église en Afrique dans le cadre d’une campagne en faveur de son éradication au cours du Grand Jubilé de l’An 2000.
Les alliances traditionnelles économiques entre les États africains et leurs anciens colonisateurs, comme par exemple le « Commonwealth », ont été remplacées par d’autres puissantes alliances économiques entre les nations africaines, prises individuellement ou en bloc, avec les États-Unis (Millenium Challenge Account), la Communauté économique européenne (Culture de Lomé, Accords de Yaoundé et de Cotonou [17]) et le Japon (TICAD I-III). Récemment, la Chine et l’Inde, assoiffées de ressources naturelles, sont apparues sur la scène, démontrant de l’intérêt pour l’ensemble de tous les aspects possibles des économies nationales africaines. Au centre de la plupart de ces protocoles et accords se trouve le débat sur le « commerce » et les « aides », sachant que les pays qui se sont développés l’ont fait grâce au commerce (non seulement en « matières premières ») et non pas dans un « syndrome de dépendance des aides ». Les décisions et « conditions » imposées par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et par le monde développé constituent donc une grave préoccupation pour les jeunes économies commerciales d’Afrique.
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les leaders africains ont récemment adopté un cadre stratégique (NEPAD [18]) afin de conduire le partenariat économique de l’Afrique et sa sortie de la pauvreté et de lui permettre d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Ainsi que l’a déclaré M. Uschi Eid, « seuls des sollicitations et des efforts provenant d’Afrique nous conduiront au succès » [19]. Dans un sens, la sortie de l’Afrique de ses graves difficultés économiques devrait être l’oeuvre d’Africains et être menée par eux [20]. Dès lors, les coeurs doivent être convertis et les yeux guéris afin d’apprécier les nouvelles voies d’administration du bien public en fonction du bien-être commun et ceci est le rôle de la mission d’évangélisation de l’Église sur le continent et sur ses îles.

g. Notes sociales à l’Instrumentum laboris: Le déclin des ces situations historiques, politiques et économiques détermine la santé (stable, pacifique, prospère) de la société africaine et elles constituent aussi les sources traditionnelles de défis pour la mission évangélisatrice de l’Église sur le continent et sur ses îles.
Il existe également un certain nombre de phénomènes et d’initiatives internationales dont l’impact sur la société africaine et certaines de ses structures valent la peine d’être évaluées et qui posent de nouveaux défis à l’Église. Si l’importance croissante donnée à la place et au rôle des femmes dans la société constitue une heureuse évolution, l’avènement au niveau mondial de styles de vie, de valeurs, d’attitudes et d’associations, etc. qui déstabilisent la société, est inquiétant. Ceci attaque les piliers fondamentaux de la société (le mariage et la famille), diminue son capital humain (migrations, diffusion des drogues et commerce des armes) et met en danger la vie sur la planète.
Le mariage et la famille ont été soumis à des pressions étranges et terribles afin de redéfinir leur natures et leurs fonctions au sein de la société moderne. Les mariages traditionnels, qui fondent des familles, sont mis en danger par une proposition croissante d’unions et de relations alternatives, dépourvues du concept d’engagement définitif, à caractère non hétérosexuel et n’ayant pas vocation à la procréation. Elles disposent d’ores et déjà de partisans à l’intérieur de l’Église dans certaines parties du continent. Cet assaut mené contre le mariage et la famille est promu et soutenu par des groupes qui produisent rapidement un lexique destiné à remplacer les concepts traditionnels et les termes relatifs au mariage et à la famille par de nouveaux. L’objectif est d’établir une nouvelle éthique globale à propos du mariage, de la famille, de la sexualité humaine et des thèmes liés à l’avortement, à la contraception, aux aspects de l’ingénierie génétique, etc.
Trafic de drogue et trafic d’armes: Certaines régions du continent sont devenues de véritables routes pour le trafic de drogue provenant d’Amérique latine et destinée à l’Europe. En Afrique de l’Ouest, le trafic de drogue est cité comme la cause sous-jacente de l’instabilité et des troubles en Guinée-Bissau et maintenant également en Guinée. Lorsqu’au début du mois de juillet, les militaires guinéens ont déclaré l’état d’alerte maximum, leur décision était justifiée par la crainte d’une invasion soutenue par les cartels de la drogue.
Les drogues ne passent pas simplement par certaines régions et îles du continent, elles ont trouvé partout des consommateurs. L’usage de drogue et la toxicomanie parmi les jeunes sont rapidement devenus la plus forte source d’émiettement de capital humain en Afrique et dans ses îles, à côté de l’immigration, des conflits et des maladies telles que le SIDA et la malaria.
Le trafic d’armes sur petite et grande échelle est étroitement lié au trafic de drogue et à l’aventurisme politique. L’Église en Afrique, rassemblée en Assemblée spéciale, s’associe au Saint-Siège pour accueillir avec joie les initiatives des Nations Unies visant à bloquer le trafic illégal d’armes et rendre plus transparent l’ensemble du commerce des armes. Elle soutient en particulier l’étude en cours dans le cadre de la préparation d’un traité ayant force juridique contraignante relatif à l’importation, à l’exportation et au transit d’armes conventionnelles en Afrique.
Environnement et changements climatiques: Les nappes de pollution qui recouvrent de temps en temps la plus grande partie de l’Afrique de l’est, et la diminution des précipitations, la sécheresse et la famine sont généralement considérées comme un effet d’El Niño, mais elles montrent combien les conditions climatiques du continent sont généralement dures et combien les équilibres écologiques précaires dans certaines régions d’Afrique peuvent être affectés par les « changements climatiques » observés sur la planète. Ainsi, les Nations Unies et les sommets mondiaux sur les changements climatiques, les gaz à effet de serre et la raréfaction de la couche d’ozone, comme le dernier en date qui a eu lieu à Copenhague en décembre, doivent bénéficier du soutien orant de l’Afrique, alors qu’elle s’efforce d’explorer et de développer des sources alternatives d’énergie propre (solaire, éolienne, énergie dérivant des vagues, biogaz, etc.).
À la fin de cet exposé, qui est naturellement incomplet, il est clair que même si le continent et l’Église sur le continent africain ne sont pas encore sortis de leurs peines, ils peuvent déjà se réjouir pudiquement de leurs réalisations et des performances positives, et commencer à démentir les généralisations stéréotypées concernant les conflits, la famine, la corruption et le mauvais gouvernement. Les quarante-huit pays qui forment l’Afrique subsaharienne sont caractérisés par d
e grandes différences en ce qui concerne les situations de leurs Églises, leur gouvernement et leur vie sociale et économique. De ces quarante-huit nations, seules quatre: la Somalie, le Soudan, le Niger et certaines régions de la République démocratique du Congo sont actuellement en guerre et au moins deux d’entre elles sont en guerre, du fait d’ingérences étrangères: la République démocratique du Congo et le Soudan. À vrai dire, il y a moins de guerres en Afrique qu’en Asie.
De plus en plus, des mercenaires et des criminels de guerre sont dénoncés, reconnus coupables de crimes et jugés. Un fonctionnaire de la République démocratique du Congo a fait l’objet de poursuites judiciaires et Charles Taylor, du Libéria, comparaît devant la Cour internationale.
La vérité est que l’Afrique a été chargée pendant trop longtemps par les médias de tout ce qui était répugnant pour le genre humain et il est temps de « passer à la vitesse supérieure » et de dire la vérité sur l’Afrique avec amour, en favorisant le développement du continent, ce qui portera au bien-être du monde entier [21]. Les pays du G8 et les pays du monde entier doivent aimer l’Afrique en vérité! [22]. Généralement considérée comme occupant le dixième rang de l’économie mondiale, l’Afrique est cependant le deuxième marché mondial émergeant après la Chine. Elle représente donc, ainsi que l’a indiqué le sommet du G8 à peine conclu, un continent d’opportunités. Cela doit être également vrai pour les peuples de ce continent. On peut espérer que la poursuite de la réconciliation, de la justice et de la paix réalisée en particulier par les chrétiens, du fait de leur enracinement dans l’amour et dans la miséricorde, permette de restaurer la totalité de l’Église-Famille de Dieu sur le continent et que cette dernière, en tant que sel de la terre et lumière du monde, puisse guérir « le cœur humain blessé, ultime repaire où se niche la cause de tout ce qui déstabilise le continent africain » [23]. Ainsi, le continent africain et ses îles réaliseront les opportunités et les dons qui lui ont été donnés par Dieu.

II. De l’appartenance à la « Famille de Dieu (évangélisateurs) » uu devenir « Serviteurs (ministres=diakonoi) de réconciliation, de Justice et de Paix »

Comme nous l’avons déjà observé, lorsque la Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique s’est réunie afin d’examiner l’évangélisation sur le continent et sur les îles au seuil du Troisième millénaire de la foi chrétienne, l’Église-Famille de Dieu a été adoptée comme principe directeur pour l’évangélisation de l’Afrique [24]. L’image de l’Église-Famille de Dieu a évoqué certaines valeurs telles que l’attention aux autres, la solidarité, le dialogue, la confiance, l’acceptation et la chaleur humaine dans la relation. Mais elle a également évoqué les réalités socio-culturelles de la paternité, de la génération et de la filiation, de la parenté et de la fraternité, ainsi que les réseaux des relations qui sont générés par ces réalités sociales et auxquelles les membres appartiennent. Les relations construisent la vie de communion de la famille; mais elles exigent aussi des membres l’accomplissement de ce qui constitue aussi bien leur justice et rend les relations harmonieuses et pacifiques. Lorsque, cependant, les exigences des relations ne sont pas accomplies, la justice est enfreinte, les relations sont brisées et la vie de la communion est blessée, endommagée et affaiblie.
L’Instrumentum laboris observe ce point et souligne les nombreux défis à la communion et à l’ordre social que cause sur le continent l’indifférence aux légitimes exigences de la relation. Dans ces cas-là, le rétablissement de la communion et l’ordre légitime sont ce que la réconciliation représente; et elles prennent la forme d’un rétablissement de la justice qui seule redonne la paix et l’harmonie avec l’Église-Famille de Dieu et la famille de la société.
L’intervention suivante veut contribuer à la discussion synodale sur ce thème en fournissant de brefs fondements bibliques des termes concernant le thème du synode, avec une vision des exemples de base des termes et de leur interaction tout d’abord dans les relations humaines (au sein de la société humaine) et avant tout dans la relation de Dieu avec l’homme (l’humanité).
a. Serviteurs (diakonoi) de la Réconciliation comme Rétablissement de la Justice

Dans les Écritures, la réconciliation est une initiative divine, un mouvement libre et gratuit, que Dieu promeut pour l’humanité; et son but est de rétablir et de restaurer la communion que l’engagement constitue mais que le péché menace et détériore.
L’enseignement de saint Paul à l’Église corinthienne sur ce sujet est très instructive: « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc en ambassade pour le Christ; c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 7-20).
La Réconciliation est, donc, un acte divin, dont nous (l’humanité) faisons l’expérience, et dans laquelle nous devenons ses instruments et ses ambassadeurs.

L’Expérience de la Réconciliation des Apôtres

L’Évangile a présenté la vie et le ministère de Jésus comme l’oeuvre de salut du Père pour l’humanité. Les disciples de Jésus ont été les premiers à être appelés à faire une expérience du don du salut du Père en Jésus; et ils l’ont faite de différentes manières, incluant le pardon et la réconciliation. Le salut de « paix » de Jésus aux disciples le matin de la Résurrection (Jn 20, 19-21), par exemple, était à la fois pour pardonner leur trahison et leur abandon envers Jésus et pour restaurer leur amitié.
Jésus ne demandait pas à ses disciples qu’ils admettent leur culpabilité. Il n’y avait pas une exigence de pardon; et aucune excuse n’avait été faite. Il s’agissait simplement d’un commentaire bénin sur tout le désagrément. Dans ce contexte, c’est un libre pardon et un salut de paix de réconciliation qui avaient été donnés.
La Réconciliation est, ici, un geste de conciliation libre et non mérité, que l’offensé (Jésus) offre à l’offenseur (les disciples). Maintenant chargés de prêcher l’Évangile jusqu’aux confins du monde, les disciples-apôtres de Jésus ont accompli leur mission en tant qu’ « évangélisateurs qui ont été évangélisés » et en tant qu’ « ambassadeurs de la réconciliation qui ont fait l’expérience de la réconciliation ».

L’Expérience de la Réconciliation de Paul

Plus tard, Paul est venu après les disciples-apôtres de Jésus en tant que prêcheur du même don du salut en Jésus. Mais ayant reçu cette mission de prêcher Jésus dans les circonstances particulières de sa rencontre avec le Seigneur ressuscité sur la route de Damas, Paul aurait également compris le don du salut en Jésus par le Père comme un acte de réconciliation du Père [25]. Car, ainsi qu’il l’aurait admis: « moi, naguère un blasphémateur, un persécuteur, un insulteur. Mais il m’a été fait miséricorde parce que j’agissais par ignorance, étranger à la foi, et la grâce de notre Seigneur a surabondé… » (1 Tm 1, 13-14).
Donc, pour Paul, l’expérience du salut était aussi un passage de l’hostilité et de l’inimitié envers le Christ et envers son Église en la croyance dans le Christ et la communion avec son Église. Ce passage de l’inimitié à la communion constitue la réconciliation; et c’est une expérience imméritée que seul Dieu peut provoquer et amener une personne à la faire. En cela, Paul se considère comme un exemple pour ceux qui, plus tard, doivent cro
ire en le Christ (cf. 1 Tm 1, 16).

La Réconciliation avec Dieu (verticale) et parmi les êtres humains (horizontale)

En Jésus: dans sa vie et dans son ministère, mais, spécialement, dans sa mort et sa résurrection, Paul avait vu Dieu le Père réconcilier le monde (toutes les choses sous le ciel et sur la terre) avec lui-même, ne tenant plus compte des fautes des hommes (cf. 2 Co 5, 19; Rm 5, 10; Col 1, 21-22). Paul avait vu Dieu le Père réconcilier les Juifs et les Gentils avec lui-même, créant un homme nouveau à la place de deux (Ep 2, 15; 3, 6). Ainsi, l’expérience de réconciliation établit une communion sur deux niveaux: communion entre Dieu et les hommes; et du fait que l’expérience de réconciliation nous fait aussi (nous, l’humanité réconciliée) « ambassadeurs de réconciliation », elle établit, aussi, de nouveau une communion entre les hommes.

La Réconciliation entre Dieu et l’Humanité

La création de l’humanité à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’élection d’Israël pour être « portion et héritage de Dieu », et la rédemption de l’humanité par le Christ et son sceau avec l’Esprit Saint (cf. Ep 1, 13; 4, 30) conduit l’humanité à la communion avec Dieu.
Lorsque l’humanité est aliénée et séparée de Dieu par le péché (désobéissance, idolâtrie, rejet de Jésus), la réconciliation prend la forme du pardon; et c’est l’œuvre de Dieu [26]. C’est Dieu qui engage la réconciliation avec Israël et l’humanité séparés et souillés par le péché, les ramenant à lui (Ps 80, 3.7.19; Os 11.14) « pour être, à la louange de sa gloire » (Ep 1, 12) et parce qu’ils sont « créés saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu » (Ep 4, 24); et Jésus, « Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5, 21; Ga 3:13; Rm 8, 5) restent nos moyens de réconciliation. Ceci, toutefois, est l’oeuvre de l’amour de Dieu.

La Réconciliation au sein de la Famille Humaine

En se référant brièvement à l’histoire de Jésus et de Zachée (Lc 19), l’on s’aperçoit que la rencontre entre Jésus et Zachée ne conduit pas seulement à une conversion qui établissait une communion entre Zachée et le Seigneur. Cette rencontre conduisait à une conversion qui restaurait aussi la relation de Zachée avec son peuple. Dans cette nouvelle relation, la conception qu’il avait de son peuple changeait aussi: ils étaient frères et non pour être exploités ou frustrés.
Ainsi, la Réconciliation n’est pas limitée au dessein de Dieu de l’humanité séparée et souillée par le péché de lui-même dans le Christ à travers le pardon des fautes et en-dehors de l’amour. C’est aussi la restauration des relations entre le peuple au moyen de la solution des différences et de la suppression des obstacles à leurs relations dans leur expérience de l’amour de Dieu. Ceci est, en effet, la caractéristique qui distingue la réconciliation dans le ministère de Jésus Christ. À part cela, les Écritures attestent un certain nombre de formes de réconciliation à travers des solutions [27], telles que:
– l’offenseur admet avoir mal agi et demande pardon, reconnaissant ainsi que l’offensé est dans son droit (droit) [28];
– l’offenseur nie qu’il a mal agi et ainsi commence un arbitrage afin d’établir qui est dans le juste;
– l’offensé pardonne unilatéralement et veille à la cessation des hostilités, faisant régner paix et réconciliation.
Dans tous ces cas, pourtant, la réconciliation, en tant que passage de l’hostilité à la paix, de l’aliénation à la communion, n’est pas un sacrifice des droits; et ne remplace pas la justice. Mais bien plutôt, c’est de nouveau l’établissement de la justice et elle en est le fruit.
En somme, la réconciliation du peuple jusqu’ici séparé peut prendre la forme des Juifs et des Gentils marchant ensemble en tant qu’héritiers du Royaume (Ep 2, 13-15). Elle peut prendre la forme des membres d’une communauté de fidèles aplanissant leurs différences et étant en paix les uns avec les autres (Mt 5, 23-26; 1 Co 3:3); et elle peut aussi prendre la forme d’une communauté dont les membres se pardonnent mutuellement leurs offenses (Mt 18, 15; Lc 17, 3-4), et ne nourrissant ni colère ni rancune (Ep 4:26). À travers le pardon, les membres de la famille humaine construisent une communauté du réconcilié (Ep 2, 16-19), dont le pardon mutuel reflète celui de leur Père dans les cieux (Mt 6, 12; Lc 11:4), qui donne naissance à notre réconciliation de son amour et de sa miséricorde.

Une Perspective pour l’Instrumentum laboris

Il s’agit ici d’une spiritualité de la réconciliation qui peut inspirer sa discussion dans l’Instrumentum laboris, et qui doit devenir la disposition dans laquelle doit se trouver le serviteur de la réconciliation. Ainsi, dans une Église, qui est une famille en communion, la réconciliation devient, non pas un état ou une action, mais un processus dynamique, une tâche à entreprendre chaque jour, un but à atteindre, un effort sans fin pour rétablir, au moyen de l’amour et de la miséricorde, la fraternité brisée, les liens fraternels et la confiance [29].

b. Serviteurs (diakonoi) de la Justice (Rectitude)

Le fruit de la réconciliation entre Dieu et les hommes, et à l’intérieur de la famille humaine (d’homme à homme), comme on l’a remarqué, est la restauration de la justice et les exigences légitimes de la relation. C’est à la fois éthique et religieux ; et c’est ce qu’exige l’amour et la miséricorde.
Fausses formes de Justice
Le concept de la justice a déjà été sécularisé pour signifier :
– la simple « loi du plus fort » ;
– un compromis social qui évite de plus grands maux ; et
– les avantages de l’impartialité dans l’application générale d’une loi singulière, sans considération pour la justice naturelle [30].
La montée de l' »esprit du capitalisme » également ajouté à l’aliénation du concept de justice hors de toute racine transcendante [31]. La moralité de l’économie, par exemple, était rationaliste et individualiste. Son principal intérêt était le profit; et elle était séparée des demandes de solidarité, d’un « ordo amoris » et de tout lien moral religieux. Par conséquent, toute la notion de justice sociale était éliminée; et la « justice » n’était appliquée qu’aux conventions de contrats négociés dans le cadre de la loi de l’offre et de la demande, sans aucune restriction sur l’entreprise individualiste. L’état faisait simplement respecter l’ordre public et les engagements des contrats, mais restait parfaitement neutre quant à leur contenu [32].
Par opposition, la justice de la diakonia chrétienne est l’ordre juste des choses et la satisfaction des exigences légitimes des relations. C’est la justice et la rectitude de Dieu et de son Royaume (Mt 6,33).
Dans l’état présent des péchés humains et des cœurs blessés, cependant, l’Ancien Testament répète fréquemment que la justice ne peut venir à l’homme par ses forces propres, mais est un don de Dieu; et le Nouveau Testament développe pleinement cette conception en faisant de la justice la révélation suprême de la grâce salvifique de Dieu.
Le sens de la « Rectitude du Royaume » [33]

La rectitude ou justice du Royaume n’est pas exactement la justice punitive, bien que cela soit parfois le sens de son attribution à Dieu (Ap 15, 4 ; 19, 2.11 ; 16, 5-6 ; He 6, 10; 2 Th 1, 6). Elle n’a pas non plus le sens de la « conformité à une norme ou à un ensemble de normes ». Enfin, ce n’est pas son sens premier ; et ce ne peut en aucun cas être appliqué à Dieu en ce sens.
Présenté différemment comme tsedaqah et tsedek, la justice (rectitude) est la satisfaction des exigences de la relation, que cette relation soit avec Dieu ou avec les hommes [34] ; et quand Dieu ou l’homme remplit les conditions qui lui (à lui ou à elle) sont imposées par la relation, il (elle) est, dans les termes de la Bible, « droit » (tsadiq/dikaios).
Fondamentalem
ent, trois événements représentent toutes les relations qui existent entre Dieu et l’homme, et entre les hommes. Il s’agit de :
– la création de l’humanité « à l’image de Dieu » (Gn 1, 26-27) qui fait des êtres humains les créatures de Dieu. Le même acte de la création, cependant, postule pour l’humanité une origine et une parenté communes, ce qui relie radicalement tous les membres de la famille humaine les uns aux autres, comme frères et sœurs [35] ;
– l’alliance-élection d’Israël par Dieu, qui fait d’Israël « le premier-né de Dieu », « son héritage », « son destin ». Cela fait des fils d’Israël des « frères » (Dt 15, 11.12);
– la nouvelle alliance dans le sang du Christ; pour laquelle tous les disciples du Christ sont marqués du « sceau de l’Esprit Saint » (Ep 1, 13-14), qui fait d’eux des « temples de l’Esprit Saint » et la « famille de Dieu ».
Cela constitue la base des relations entre Dieu et l’humanité, à ses différents points dans l’histoire; et ce sont des initiatives de Dieu et des actions de son amour. En ce sens, la rectitude est une justice radicale et compréhensive de caractère religieux, qui demande que l’humanité se rende elle-même à Dieu, dans l’obéissance et dans la foi, et qui fait de chaque péché une « injuria », une injustice et une impiété. Cela demande également que l’homme remplisse les exigences légitimes des relations qu’il/elle établit en raison de la création et de la fraternité universelle des hommes, et en raison du salut et d’un commun appel à la sainteté et filiation dans le Christ.

La Rectitude (Justice) basée sur la Création

La question des impôts à payer à César (Mt 22, 15-22 ; Mc 12, 13-17; Lc 20, 20-26) donna à Jésus l’occasion de définir la relation de base entre Dieu et l’homme en tant que justice (rectitude).
Dans la réponse de Jésus, le denier appartenait à César, parce qu’il portait le signe de propriété de César, son nom, son effigie et son inscription. En toute justice, la propriété du denier de César devait être reconnue et respectée; aussi faut-il « rendre à César ce qui appartient à César ».
La seconde partie de la réponse de Jésus abordait la question plus fondamentale de savoir si ceux qui sont faits « à l’image de Dieu », autrement dit les êtres humains, donnent à Dieu son juste dû (Gn 1, 26-27).
L’appartenance de l’humanité à Dieu, en raison de sa création « à l’image de Dieu » est la base de la vie de communion entre Dieu et l’humanité ; et elle prend la forme de la justice : l’humanité donnant à Dieu son juste dû. Dans les Écritures, l’humanité donne à Dieu son juste dû quand l’homme « obéit à la voix de Dieu », « croit en Lui », « le craint » et « le vénère » ; et là où cela manque, l’humanité doit se montrer « repentante » (Ac 17, 30).
Par conséquent, la parenté commune de l’humanité (Ac 17, 28-29) s’accompagne d’un « ordo amoris » de solidarité et de fraternité universelle, qui est soutenu par la justice dans leurs relations.

La Rectitude (Justice) basée sur les Alliances de Dieu

Les différentes alliances dans l’Ancien Testament établissent des relations différentes entre Dieu et :
– les individus singuliers: Abraham (Gn 17, 4), Isaac (Gn 17, 19.21), Jacob (Ex 6, 4), David (2 Ch 21, 17);
– les familles: Abraham (Gn 17, 11), David (2 S 7) ; et
– le peuple d’Israël (Dt 4, 12-13 ; et donc Ex 19-20; 24, 8; Lv 24, 8 ; Is 24, 5).
Certaines des alliances de l’Ancien Testament expriment également les alliances entre les êtres humains : Isaac et Abimelech (Gn 26, 28-29), Jacob et Laban (Gn 31, 44), David et Jonathan (1 S 20, 16). Les alliances établirent des relations spéciales qui imposèrent aux partenaires des exigences particulières. Conserver et respecter les exigences d’une relation c’était prendre un parti juste et droit [36]; et la justice (rectitude) était l’observance des exigences des relations, qui assurait fraternité et communion, verticalement, entre Dieu et l’humanité, et horizontalement, parmi le peuple. Les termes contraires dans la Bible sont « cruel (evildoer) » et « cruauté (rasha) » ; et ils signifient le mal commis contre l’un des membres de la relation, avec lequel l’autre est en relation. Ainsi, les « cruels » détruisent la communauté (communion) parce qu’ils ne peuvent satisfaire les exigences des relations communautaires [37]. Les alliances entre Dieu, les individus et le peuple d’Israël représentèrent des initiatives de Dieu, qui placèrent les individus, les familles et le peuple d’Israël dans une relation spéciale et exigèrent d’eux de vivre les exigences des relations envers Dieu et envers eux-mêmes. Les exigences de la relation, d’une part, étaient la soumission dans la foi et la croyance au don de Dieu, parfois exprimées par l’exécution d’un simple rite de circoncision (Gn 17, 10-11), mais souvent à travers le respect des lois (torah) de Dieu (Ex 19, 5 ; Dt 7, 9, etc.). D’autre part, les juifs devaient répondre à certaines exigences parmi eux (justice sociale) en raison de leur relation d’alliance avec Dieu.
En raison de ses nombreux péchés et de ses nombreuses violations des exigences de sa relation d’alliance avec Dieu, Israël agit injustement (injuria) et se plaça lui-même en dehors de la relation. Il n’avait plus rien à exiger de Dieu en tant que partenaire d’alliance. Si Dieu continuait à le traiter comme un partenaire d’alliance, c’est parce que Dieu fermait les yeux sur ses infractions « la faisant revenir » (Ps 80, 3.7.19). Israël, pour sa part, ne peut que confesser ses péchés et laisser Dieu venir la chercher. C’était le principal sujet d’Osée et des prophètes d’après l’exil. La rectitude de Dieu consista alors dans sa justification d’Israël : en ramenant Israël dans sa relation d’alliance malgré ses fautes. Pour sa part, la rectitude d’Israël consista à confesser ses péchés, en reconnaissant ses fautes, et en acceptant fidèlement le don gracieux de Dieu du salut.

La Rectitude (Justice) basée sur la Nouvelle Alliance dans le Christ

C’est sur cette note que Jean le Baptiste commença son ministère ; et son ministère remplit toute la rectitude dans le sens que le repentir et la confession des péchés, qu’il exigeait, étaient la reconnaissance par Israël (et l’humanité) de son inaptitude à la fidélité aux exigences de son alliance, son expérience imméritée, pas moins, du pardon et des faveurs « justifiés » de Dieu, et la reconnaissance que Dieu agit seulement par amour et miséricorde. Quand, par conséquent, Jésus fut baptisé par Jean, il rejoignit l’humanité pour confesser tout cela en tant que rectitude de Dieu. C’est en cela que l’on dit que Jésus a satisfait toute rectitude!
En Jésus et dans son ministère, on peut voir deux choses :- La révélation de la justice en tant que grâce divine et juste qui dépasse les exigences légitimes de la relation d’alliance et rétablit l’humanité par miséricorde [38] et l’amour dans une relation d’alliance. En effet, « c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu » (Ep 2, 8).
– Le legs de l’Esprit de Jésus à l’Église et à ses membres, les autorisant à répondre à la justice (rectitude) de Dieu dans la foi et à devenir la « justice de Dieu en Jésus Christ » (2 Co 5, 21), « justifiant », à leur tour, un autre par miséricorde et amour [39] : ignorant leurs péchés et leurs atteintes à leurs droits, leurs relations socio-politiques, etc., et en restaurant ainsi la communion de la famille de Dieu et de la famille de la société.
Ce sens de justice et de rectitude suggère que l’appel de l’Instrumentum laboris à être des serviteurs de justice est d’abord et avant tout un appel à une expérience spirituelle : l’expérience de la justification (grâce justifiante) dans la foi, et à ses témoins dans l’Église et dans la société, justifiant les autres. Comment pourrait-on autrement réparer les plaies et les nombreuses blessures avec lesquelles les gens vivent sur ce continent et restaurer la communi
on ?

c. Serviteurs/Ministres (diakonoi) de la Paix : le Catéchisme de l’Église catholique reprend l’enseignement de saint Augustin que « la paix est la tranquillité de l’ordre » [40]. Il continue en affirmant comment « le respect et le développement de la vie humaine l’exige », et que c’est « le travail de la justice et l’effet de la charité » [41].

La Paix en tant qu’oeuvre de la Justice

La Justice (rectitude), comme on l’a fait remarqué précédemment, est un concept de relation; et le droit, c’est celui ou celle qui remplit les attentes qu’on a de lui/d’elle dans la relation dans laquelle il/elle est engagée.
En ce qui concerne les Israélites pécheurs et de l’humanité décadente (Rm 5, 6 ss.), que Dieu a justifié dans le Christ, leur imposant la rectitude, leur justice (rectitude) consiste dans la reconnaissance de leur besoin de la grâce justifiante de Dieu, et leur soumission dans la foi; et cela se révèle être précisément l’attitude qui dispose le peuple à la paix de Dieu dans l’Évangile. C’est pour cela que, au moment de la naissance de Jésus, quand l’ange annonça la venue de la paix de Dieu sur terre, elle n’était accordée qu' »aux hommes objets de sa complaisance » (Lc 2, 14).
La « Paix » est accordée sur Terre, « aux hommes objets de sa complaisance » (Lc 2, 14) ; et le sens de la phrase : « aux hommes objets de sa complaisance », est, selon certains auteurs, « tous ceux qui recevront la grâce de Dieu et qui y répondront avec foi » [42]. Cette compréhension de la phrase, comme on peut le rappeler, coïncide avec le sens du « juste » et droit énoncé ci-dessus; et il semblerait alors que le « juste (droit) », comme ceux qui sont disposés à accepter l’oeuvre de Dieu dans la foi, sont aussi ceux sur Terre, sur lesquels repose la « paix » de Dieu. Il semblerait également alors que ce sont ceux qui font l’expérience de la paix de Dieu qui sont disposés à faire la paix sur terre, répondant aux attentes des relations dans lesquelles ils sont engagés.
Il y a ici une mise en évidence d’une étroite relation existant entre la paix et la justice (rectitude), que voit Isaïe lui-même (Is 23, 17), que le Psalmiste chante (Ps 85, 10), et que Paul contemple dans chaque Chrétien qui est bien établi (justifié) en Dieu dans le Christ: « Ayant donc reçu notre justification de la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ » (Rm 5,1). Ainsi, la paix provient du ciel. C’est le don de Dieu; et elle est étroitement reliée à sa justice/rectitude. Sur la terre aussi, elle est révélée comme don de Dieu provenant d’en haut; et elle est aussi accordée au juste/droit (« aux hommes objets de sa complaisance »).
La Paix en tant que conséquence de la Charité (l’Amour de Dieu dans le Christ)

Parce que la « paix » était si étroitement liée à l’alliance et à l’existence même de ses attentes, lorsque le peuple de Dieu n’a pas réussi à être fidèle à l’alliance, la « paix » a aussi pris la fuite. L’intervention de Dieu a à nouveau été demandée en plus de sa grâce aimante afin d’apporter la « paix » à son peuple ; et c’est dans ce sens que les écrits successifs à l’exil d’Israël ont commencé à voir la « paix » apportée par le châtiment du serviteur de Dieu: « Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui » (Is 53,5).
Jésus Christ, dans sa mission et son ministère, a accompli la vision des derniers prophètes d’Israël. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3,16) ; et, ayant été « livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification » (Rm 4,25), le Fils de Dieu est devenu notre « paix ». Ainsi, si la « paix » provient de Dieu (Ga 1,3; Ep 1,2; Ap 1,4) et est faite de Dieu (Ph 4,7; Col 3,15; Rm 15,33), c’est le Christ qui représente cette « paix » (Ep 2,14). C’est lui qui la proclame et l’établit (Ep 2,17); et il est la présence de Dieu qui apporte la paix que le monde ne peut pas donner.

Le sens de la Paix dans le Christ

La « paix » n’a pas simplement un sens séculier, en tant qu’absence de conflit (Gn 34,21; Jos 9,15; 10, 1; Lc 14,32), présence d’harmonie à la maison et au sein de la famille (Is 38,17; Ps 37,11; 1 Co 7,15; Mt 10,34; Lc 12,51), sécurité individuelle et commune (nationale) et prospérité (Jg 18,6; 2 R 20,19; Is 32,18). La « paix » n’existe pas simplement lorsque les êtres humains et leurs sociétés accomplissent leurs devoirs respectifs et reconnaissent les droits des autres personnes et des autres sociétés [43]; et elle ne représente pas simplement l’un des résultats du combat pour la justice [44]. Essentiellement, la « paix » transcende le monde et les efforts de l’homme [45]. Elle représente le don de Dieu (Is 45,7; Ne 6,26) accordé au « droit/juste ».
Généralement exprimée comme « shalom » (Ancien Testament) et « eirene » (LXX et Nouveau Testament), toute forme de « paix » est un tout déterminé par Dieu et accordé « aux hommes objets de sa complaisance », à savoir les justes et les droits.
Ainsi, lorsque Jésus a pardonné le pécheur (Lc 7,50) et guéri le malade (Lc 5,34), il les envoient « en paix »: « va en paix ». « Va en paix » n’était pas simplement une bénédiction d’adieu. C’était un don de shalom. Le pardonné et le soigné n’ont pas simplement été restitués à la plénitude de leur corps; ils ont également été mis en paix avec Dieu par les moyens de leur foi et rendus totalement sains devant Dieu et la communauté [46].
Ce dernier est aussi le sens du voeu de « paix » que Jésus fait à ses disciples le matin de la résurrection (Jn 20, 19-21). C’est le pardon de leur trahison envers Jésus aussi bien que la restitution de son amitié. Jésus n’a pas demandé aux disciples d’admettre leur faute. Il n’y a pas eu de demande de pardon; et aucune excuse n’a été professée. Il y a simplement eu une dissimulation bienveillante de toutes les défaillances. À sa place, il a donné un pardon gratuit et un voeu de « paix » conciliant.
La « paix » de Jésus est notre paix pour laquelle il a porté nos châtiments (Is 53,5). Il s’agit donc d’une restitution gratuite et non méritée de la plénitude et de la communion avec Dieu et avec les hommes; et elle est reçue par tous ceux qui l’accueillent comme grâce de Dieu et répondent avec foi, c’est-à-dire « aux hommes objets de sa complaisance » (les justes).
C’est à de tels droits porteurs de la paix du Christ sur la terre que saint Paul encourage ses communautés chrétiennes à poursuive la paix (Rm 14, 19; Ep 4,3; He 12,14) et à être en paix les uns avec les autres (Rm 12,18; 2 Co 13,11), comme le veut à présent l’Instrumentum laboris pour l’Église en Afrique. Mais c’est aussi à de tels droits porteurs de la paix du Christ sur la terre que nous devons nous remémorer, comme nous l’avons fait avec « justice », que la « paix » est une activité qui va au-delà de la justice au sens strict et qui requiert de l’amour [47]. Elle provient de la communion avec Dieu et a pour but le bien-être de l’homme (humanité). Ainsi, en invitant l’Église en Afrique et ses îles à être les « ministres (serviteurs) de la réconciliation, de la justice et de la paix », en suivant l’invitation du premier synode à ce que l’Église vive dans la communion de l’Église-Famille de Dieu, le second synode invite l’Église à faire une expérience de ces rectitudes qui établissent notre communion avec Dieu, et à témoigner/vivre justement la même réconciliation, la même justice et la même paix dans l’amour et la miséricorde, sur le continent. Les implications de ce ministère sont ce que le (thème du) synode expose à présent dans les symbolismes du sel et de la lumière: sel de la terre et lumière du monde.


En réunissant les fruits du premier Synode dans Ecclesia in Africa, le Pape Jean-Paul II a exalté le « témoignage » comme un élément essentiel de la coopération missionnaire, et a rappelé à l’Église africaine que le Christ n’a pas seulement interpellé ses disciples en Afrique à
ce qu’ils soient ses témoins, mais il leur a donné le même mandat qu’il confia à ses apôtres le jour de son Ascension : « Vous serez alors mes témoins » (Ac 1,8) en Afrique [48].
Ainsi, en assimilant les disciples du Christ en Afrique au sel et à la lumière, le Saint-Père a dit: « De nos jours, dans une société pluraliste, c’est surtout grâce aux engagements des laïcs catholiques dans la vie publique que l’Église a le meilleur impact. Qu’ils soient professionnels ou enseignants, hommes d’affaires ou fonctionnaires, agents de sécurité ou hommes politiques, on s’attend à ce que les catholiques témoignent bonté, vérité, justice et amour de Dieu dans leurs activités quotidiennes. La tâche du fidèle laïc […] est d’être le sel de la terre et la lumière du monde dans le quotidien de la vie et en particulier partout où il est seul à pouvoir pénétrer » [49].
« Sel de la terre » et « lumière du monde », telles étaient les images/métaphores au travers desquelles le Pape a capturé sa vision des activités missionnaires de l’Église en Afrique et ses îles. Ce synode invite à présent l’Église en Afrique à comprendre que rendre ces services de réconciliation, de justice et de paix sur le continent c’est être « sel de la terre » et « lumière du monde ».

Serviteurs (diakonoi) de Réconciliation, Justice et Paix en tant que « Sel de la Terre »

La métaphore, « sel », que Jésus emploie dans les Évangiles synoptiques (Mt 5,13; Mc 9,50; Lc 14,34) afin de décrire la particularité de la vie de ses disciples, est polyvalente. Elle a différents sens. Ainsi, vue que la « Mer Morte » est aussi évoquée comme « mer du sel » (Gn 14,3), pour ceux qui vivaient près de la « Mer Morte », le « sel » pouvait aussi signifier la « mort » (cf. Gn 19,26). Dieu, le Seigneur de la vie, guérira cependant les eaux de la « mer de sel » avec l’eau du temple et lui donnera la vie (Ez 47). Dans un autre sens, le sel a un pouvoir de conservation. Il assaisonne et conserve les aliments (Jb 6,6; Mt 5,13; Lc 14,34); et dans un sens étroitement lié, comme dans le cas de la purification d’Élisée dans les eaux de Jéricho (2 R 2, 19-22), le sel a aussi un pouvoir de purification.
L’emploi du sel pour sceller l’amitié et les pactes dans le monde de l’Ancien Testament (Esd 4,14) semble sous-entendre l’emploi de la part de Dieu d’images visant à exprimer l’inamovibilité et la stabilité de la composition concernant la subsistance des prêtres dans l’Ancien Testament: « C’est là une alliance éternelle par le sel devant Yahvé » (Nb 18,19). L’emploi du sel dans des situations d’alliance peut aussi sous-entendre l’invitation de Jésus à ses disciples « Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres » (Mc 9,50), à savoir à observer une loyauté mutuelle de relation d’alliance et à vivre en paix.
Mais, le sel symbolise aussi la « sagesse » et la « force morale », et c’est ce qui donne de la valeur aux choses. C’est ce qui arrive, par exemple, lorsque le sel est employé pour fertiliser le sol.
En conséquence, lorsque Jésus évoque ses disciples comme « sel de la terre » et lorsque le synode demande à l’Église en Afrique d’être « serviteurs de la réconciliation, de la justice et de la paix » comme « sel de la terre », aussi bien Jésus que le Synode emploient un symbole polyvalent afin d’exprimer les multiples défis et exigences d’être un disciple et d’être Église (famille de Dieu) en Afrique. Et donc, comme dans le cas des prophètes, le refus de l’Église et de son Évangile est aussi l’adoption du jugement et la transformation de la terre en « terre salée » (Dt 29,23; Jr 17,6; Ps 107,34). Sur ce continent, dont certaines parties vivent sous l’ombre des conflits et de la mort, l’Église doit semer des graines de vie: des initiatives qui donnent la vie. Elle doit préserver le continent et ses habitants des effets pourrissants de la haine, de la violence, de l’injustice et de l’ethnocentrisme. L’Église doit purifier et guérir les esprits et les coeurs de la corruption et des chemins diaboliques, et doit administrer son message de l’Évangile qui donne la vie afin de garder vivants le continent et son peuple, en les préservant dans le chemin de la rectitude et dans les valeurs évangéliques, comme la réconciliation, la justice et la paix [50]. Mais, ce qui est le plus important, c’est que le symbole du « sel » invite l’Église-Famille de Dieu en Afrique à accepter de se consommer (dissoudre) pour la vie du continent et de son peuple.

Serviteurs (diakonoi) de Réconciliation, Justice et Paix en tant que « Lumière du Monde »

L’allusion aux disciples comme « lumière du monde » reprend des images dont les origines résident dans l’Ancien Testament comme une caractéristique et une mission de Sion, la ville sur la colline. Par conséquent, le Messie-Serviteur sera appelé à assumer ceci comme sa vocation; et en Jésus, ceci sera accompli. Jésus, donc, en tant que « lumière du monde » et en tant que « véritable lumière qui éclaire tout homme » (Jn 1,9) constituera aussi pour ses disciples la « lumière du monde ».

Sion, la ville sur la colline et la Lumière pour les Nations

Sion était la montagne de la maison de Yahvé (Is 2,2); et elle était la maison vivante de l’Arche de l’Alliance (2 S 6; 1 R 8, 20-21) et du Nom de Yahvé (Dt 12,5). L’Arche de l’Alliance contient la Loi de Dieu et la Loi était « une lampe et son enseignement une lumière » (Pr 6,23; Ps 19,8; Ps 119-105; Ba 4,2).
Le Nom de Dieu, cependant, a représenté la « présence de Dieu », et la lumière de la présence de Dieu désigne le pouvoir et l’action salvifique de Dieu (Is 10,17; Ps 27; 36,9) pour sauver Jérusalem et son peuple [51]. Ainsi, à cause du fait qu’elle possède la lumière de la connaissance de la Loi et la lumière du salut de Dieu, Jérusalem est devenue une lumière pour les nations et les rois [52].

L’expérience de Sion est devenue la Vocation du Messie Serviteur

Dans les mains d’Isaïe, l’expérience de Jérusalem, lumière pour les nations et les rois, est présentée comme la vocation du personnage-serviteur. Le serviteur de Yahvé, qui est pourvu de l’Esprit de Yahvé afin d’apporter la justice aux nations (Is 42, 1; 51,4), est également donné comme une alliance au peuple et une « lumière des nations » (Is 42, 6; 49,8 ss.). Son appel à être la « lumière des nations » a impliqué sa propre expérience de salut de la part de Yahvé (Is 49,7) et a permis au salut de Yahvé d’atteindre les frontières de la terre. Dans ces cas, la « lumière » est une connaissance de la Loi et du salut de Dieu, et un don destiné à atteindre tous les peuples.

Jésus accomplit la vocation du Messie Serviteur

La figure du Messie Serviteur s’accomplit en Jésus. Mt 4,16 cite Is 9,2 et fait allusion à l’étoile lors de la naissance de Jésus afin de souligner l’accomplissement et la continuation, en Jésus, du symbolisme révélateur et salvifique de la lumière dans l’Ancien Testament. Jésus est la « lumière du salut de Dieu » (Jn 1,5; 3,19; 8,12; 12,46) et la « lumière du Verbe/Loi/Sagesse de Dieu » (Jn 1,4; 9,5; 12,36.46). Jésus est la « lumière du monde » (Lc 2,32; Jn 1,9), il meurt et ressuscite pour « annoncer la lumière au peuple et aux nations païennes » (Ac 26,23).

Les Disciples de Jésus et les Chrétiens en tant que Lumière du Monde

Ainsi, la référence aux disciples en tant que « lumière du monde » n’est autre que Jésus qui fait de ses disciples sa prolongation et sa représentation dans le monde. « Vous êtes la lumière du monde » exprime donc la noble vocation des disciples de Jésus: un appel à l’engagement, dans le Christ, la vocation d’Israël dans l’Ancien Testament à être le témoin de la lumière de la connaissance de la Loi de Dieu (Évangile) et du salut dans le monde.
La noble vocation des disciples de Jésus est ce que le Synode propose également pour l’Église en Afrique; elle commence par leur appel (baptême) qui les rend « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pou
r proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière »(1 P 2,9). En répondant à l’appel, ils cèdent à l’éclaircissement par la Parole de la vérité (Ep 1,17 ss), à la lumière de l’Évangile du salut (2 Co 4,4) et à son appel à la repentance. La vie de disciple qui en découle les rend « lumière dans le Seigneur et enfants de lumière » (Ep 5,8), « des fils de la lumière et des fils du jour » (1 Th 5,5; cf. Rm 13,12). « En effet le Dieu qui a dit: Que des ténèbres resplendisse la lumière, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ » (2 Co 4,6). Ceci conduit à croire en Jésus et à un sceau avec l’Esprit Saint de la promesse (Ep 1,13) pour vivre une vie irréprochable; car « le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité » (Ep 5,9).

Conclusion: Quelle terre? Quel Monde?

Aux temps de Jésus, la terre et le monde pour lesquels les disciples devaient être le « sel » et la « lumière » étaient la terre et le monde en-dehors du cercle des douze, « ceux qui sont dehors » à qui « tout arrive en paraboles » (Mc 4,11).
Dans ce synode, la terre et le monde, pour lesquels les Catholiques sur le continent et ses îles doivent être le « sel » et la « lumière », en tant que serviteurs de la réconciliation, de la justice et de la paix, sont l’Afrique d’aujourd’hui, comme cela a été décrit dans l’Instrumentum laboris et esquissé ci-dessus [53]. C’est là que Jésus Christ, après s’être révélé à travers les Écritures en tant que notre réconciliation, notre justice et notre paix, appelle maintenant ses disciples en Afrique et ses îles, et les charge de se déployer comme sel et lumière, afin de bâtir l’Église en Afrique comme une véritable famille de Dieu, à travers les ministères de la réconciliation, de la justice et de la paix, exercés dans l’amour, tout comme leur maître.

[1] JEAN-PAUL II, Discours dans la cathédrale du Christ-Roi (17 septembre 1995), Johannesburg, Afrique du Sud : « Ici à Johannesburg, en Afrique du Sud, nous nous sommes réunis avec toute l’Église du Sud du continent pour promulguer l’Exhortation apostolique « Ecclesia in Africa », qui contient les propositions faites par les Pères synodaux au terme de la session de travail qui s’est déroulée à Rome en avril et en mai 1994. Par l’autorité apostolique du Successeur de Pierre, je présente à toute l’Église de Dieu en Afrique et au Madagascar les idées, les réflexions et les résolutions du synode… »[2] Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale « Ecclesia in Africa », n. 13.[3] Cf. JEAN-PAUL II, Discours aux participants à la réunion du conseil post-synodal du Secrétariat général du Synode des Évêques pour la Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique, 15 juin 2004.[4] PREMIÈRE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Instrumentum laboris, 1993, n. 1.[4] PREMIÈRE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Instrumentum laboris, 1993, n. 1. Le même document indiquait: « Un temps pour l’Afrique semble être venu, un temps favorable qui appelle les messagers du Christ à se lancer vers le large afin de récolter une abondante moisson pour le Christ ». Instrumentum laboris, 1993 n. 24.[5] Ibidem., n. 22-24. « Signes des temps » se réfère au contexte africain, dans lequel l’Évangile doit être proclamé.[6] Cf. Les vies héroïques des martyrs et des saints africains d’un côté, et les luttes pour l’indépendance des africains dans l’Afrique post-coloniale, en Afrique du Sud, au Soudan etc. de l’autre.[7] Cf. JEAN-PAUL II, Discours à la réunion du Conseil post-synodal du Secrétariat général (15 juin 2004).[8] Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n. 13-14, 39-42, 51; SECONDE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Lineamenta, n. 6-8. [9] SECONDE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Lineamenta, « Préface ». [10] C’est ce que l’Instrumentum laboris cite comme « un dynamisme continu » et illustre amplement aux n.14-20.[11] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre à Mgr Nikola Eterović à l’occasion de la réunion du Conseil Spécial pour l’Afrique du Secrétariat général du Synode des Évêques (23 février 2005)[12] Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n. 4. [13] Cf. Ibidem., n. 2-5. En réalité, c’était le SCEAM, qui « chercha donc les voies et les moyens pour conduire à bonne fin le projet d’une telle rencontre continentale. Une consultation des Conférences épiscopales et de tous les évêques d’Afrique et de Madagascar fut organisée, me permettant de décider la convocation d’une Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques » (Ecclesia in Africa n. 5).[14] SECONDE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Instrumentum laboris, n. 21-33.[15] Nana Akuffo-Addo, Ministre des Affaires Étrangères de la République du Ghana (2001-2008) Sommet de l’Union africaine. Pour sa part, le Président Kikwete de Tanzanie déclara: « … il existe déjà en Afrique des dirigeants forts qui sont prêts à aller de l’avant; et nous souhaitons être à leurs côtés » (Fraternité Matin, Vendredi 10/07/09, page 1).[16] NEPAD signifie Nouveau Partenariat économique pour le Développement de l’Afrique. Le NEPAD requiert le respect de la démocratie et l’absence de toute tolérance face à des coups d’État. Un mécanisme d’évaluation par les pairs a été mis en place afin d’examiner les performances des gouvernements. Sans aucun doute, le rythme de travail du Parlement de l’Union africaine et l’application des conditions requises par le NEPAD de la part des États membres ont été critiqués dernièrement pour leur lenteur.[17] La Culture de Lomé est le nom donné à un ensemble d’accords de coopération entre les pays de la Communauté Économique Européenne (CEE) et leurs anciennes colonies. Il débuta en 1957 avec le Traité de Rome qui créait la CEE. Les accords de Lomé I à IV organisèrent l’aide par le commerce entre les pays de la CEE et 46 pays ACP (respect des droits de l’homme, principes démocratiques et régime de la loi). L’accord de Yaoundé a été signé en 1975 entre la CEE et les pays ACP afin d’aider au développement d’infrastructures dans les pays francophones. L’accord de Cotonou a été signé en 2000 entre l’Ue et 77 pays ACP et se prolongera pendant 20 ans. Il visait à la réduction de la pauvreté, au développement soutenable, à l’intégration progressive des économies ACP au sein de l’économie mondiale.[18] Les objectifs primaires du NEPAD sont les suivants: éradiquer la pauvreté, placer les pays d’Afrique sur la voie de la croissance durable et du développement, arrêter la marginalisation de l’Afrique dans le processus de mondialisation et accélérer l’autonomie des femmes.[19] « La coopération signifie réaliser une vision avec le peuple d’Afrique: la vision d’une Afrique moderne et indépendante, où des hommes et des femmes africains sûrs d’eux-mêmes forment leur propre vie, leur propre avenir et suivent leur propre chemin vers un développement soutenable et démocratique. Seuls des incitations et des efforts provenant de l’intérieur de l’Afrique conduiront au succès » (Discours de M. Uschi Eid, Secrétaire d’État au Ministère Fédéral chargé de la Coopération économique et du Développement d’Allemagne à la TICAD III, [Conférence internationale de Tokyo sur le Développement africain], Tokyo 2003).[20] Barack Obama fit le point avec les leaders africains dans son discours au Parlement du Ghana à l’occasion de sa visite dans ce pays en juillet dernier.[21] En 2003, lorsque l’ancien Président Bill Clinton s’est rendu au Ghana, le Herald Tribune a écrit: « Il nous a été dit que Clinton venait pour changer la manière de penser des américains à propos de l’Afrique, la faisant passer d’un continent du désespoir à une zone d’opportunités et d’espoir ».[22] Cf. BENOÎT XVI, Lettre Encyclique Caritas in veritate, Vatican 2009. [23] JEAN-PAUL II, Exhortat
ion Apostolique post-synodale Reconciliatio et Poenitentia, n. 2.[24] Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n. 63[25] Cf. Confession de saint Paul: « Vous avez certes entendu parler de ma conduite jadis dans le judaïsme, de la persécution effrénée que je menais contre l’Église de Dieu et des ravages que je lui causais, et de mes progrès dans le judaïsme, où je surpassais bien des compatriotes de mon âge, en partisan acharné des traditions de mes pères. Mais quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils…. (Ga 1, 13-16).[26] Dans ce sens, Dieu est comme le pasteur qui cherche la brebis perdue. Il est comme la femme qui cherche la monnaie qu’elle a perdu et il est comme le père dont l’amour provoque le retour du fils prodigue (cf. Lc 15). C’est comme Jésus qui trouve Zachée dans son sycomore et lui enjoint d’en descendre (Lc 19, 5). [27] Cf. Pietro Bovati, Ristabilire la Giustizia, Analecta Biblica 110, PIB Roma, 1986.[28] Parfois, la demande d’implantation entraîne et impose un geste concret, tel que la reconnaissance de l’existence de droits dont la négation ou l’abus a fait précipité la situation en conflit ou en hostilité (cf. Abraham et Abimélek in Gn 21, 25-34).[29] En ce sens, il existe des facteurs qui peuvent promouvoir la réconciliation, que les serviteurs de la réconciliation peuvent adopter, ainsi que des facteurs qui peuvent empêcher la réconciliation et dont les serviteurs de la réconciliation doivent s’abstenir.
a. Facteurs entravants: Impiété et mépris d’une relation avec Dieu; négation des droits des autres; déception et préjudices, hypocrisie et fausse paix, attention sélective, silence complice et mauvais fonctionnement des structures étatiques.
b. Facteurs de promotion: Pardon, amour fraternel, communication, dialogue, éducation à la paix et à la réconciliation.[30] Sacramentum Mundi 3, 235.[31] Cf. PAUL VI, Lettre Encyclique Populorum Progressio, n. 26.[32] Sacramentum Mundi 3, 236.[33] Cf. The Interpreter’s Dictionary of the Bible, vol. 4, 88-85, 91-99.[34] La « Justice », sous quelque forme que ce soit, a le sens de base de tout ce qu’une personne a droit en raison de sa dignité et de sa vocation à la communion des personnes (cf. Compendium de la Doctrine sociale de l’Église n.3, 63).[35] Incidemment, il s’agit aussi de la base d’un impératif fondamental qui appelle au respect positif de la dignité et des droits des autres et à la contribution solidaire aux nécessités communes (cf. Gaudium et Spes, n. 23-32, 63-72; Jean XXIII, Lettre Encyclique Mater et Magistra). La filiation commune de l’humanité requiert des hommes à être droits, agissant en conformité avec la volonté de Dieu et à être solidaires dans l’amour de Dieu, comme dans l’amour d’un Père.[36] Ainsi, Tamar était plus droit que son beau-père parce qu’il ne respecta pas les coutumes de la famille (Gn 38:26), David ne tua pas Saul, « il est l’oint de Yahvé » (1 S 24, 7) et un « père » pour lui (1 S 24, 12). Lorsqu’une relation change, les questions changent également. Quelqu’un qui se préoccupe de l’orphelin, de la veuve et qui les défend est droit (Jb 29, 12.16; Os 2, 19). Quelqu’un qui traite ses serviteurs humainement, vit en paix avec ses voisins, parle bien est droit/juste (Jb 31,1-13; Pr 29, 2; Is 35, 15; Ps 52, 3 etc.).
La rectitude/justice en tant que conduite qui échoit aux membres d’une communauté est souvent sauvegardée et mise en oeuvre par des juges lorsqu’ils fixent les cas aux tribunaux. Il existe un sens judiciaire de la justice dans lequel tant Dieu que le roi jouent le rôle de juges (Dt 25, 1; 1R 8, 32; Ex 23, 6 et sq.; Ps 9, 4; 50, 6; 96, 13). Les jugements droits reportent la communauté à la santé et c’est dans ce sens que le jugement droit et la loi sont conçus comme attributs du Messie-Roi.[37] Le « mauvais »
רשע est quelqu’un qui exerce la force et la fausseté, ignore les devoirs de parenté et les conventions existantes, foulant aux pieds les droits des autres (The Interpreter’s Dictionary of the Bible, vol.4, 81).[38] Le Pape Jean-Paul II définit la « miséricorde » comme « la miséricorde signifie une puissance particulière de l’amour, qui est plus fort que le péché et l’infidélité du peuple élu »(Dives in Misericordia , n. 4.3).[39] Ainsi le Pape Jean-Paul II enseigne que dans le cadre de relations entre les personnes et les groupes sociaux etc. « la justice ne suffit pas ». Il est besoin de « cette force plus profonde qu’est l’amour » (cf. Dives in Misericordia n. 12).[40] CATÉCHISME DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE, n. 2304. Cf. également Gaudium et Spes, n. 78.[41] Ibidem.[42] « Dans l’Évangile selon saint Luc, la « paix sur terre » parvient aux proscrits, aux disciples, aux étrangers dont certains recevront la grâce de Dieu et répondront avec foi » (cf. Dictionary of Jesus and the Gospels, ed. Joel B. Green et alii, InterVarsity Press 1992 pg. 605).[43] JEAN XXIII, Lettre Encyclique Pacem in Terris, n.172.[44] Gaudium et Spes n. 84.[45] Bien qu’il s’agisse d’une mission en vue de laquelle travailler, la « paix » est un don de Dieu, quelque chose que notre paix terrestre anticipe seulement vaguement.[46] Dans le cas de la femme hémorroïsse (Mc 5, 24-34), par exemple, Jésus ne guérit pas seulement son impureté sociale et religieuse (hémorragie), mais il expose la vie privée de la femme et rend publique la révélation de sa foi (Mc 5, 34; 2, 5; 10, 52) et sa guérison. Cette dernière devient un retour à la santé, à sa communauté et au Dieu de sa foi.[47] Gaudium et Spes, n. 78.[48] JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n. 86[49] Ibidem., n. 108.[50] Cf. SCEAM, Séminaire sur le Synode, Abidjan Côte d’Ivoire, 2009: Carrefour Groupe III.[51] Ainsi, la grande restauration et justification de Jérusalem de la part de Yahvé était décrite par Isaïe en termes de retour à la lumière de Yahvé: « Yahvé sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera ta splendeur. Ton soleil ne se couchera plus, et ta lune ne disparaîtra plus, car Yahvé sera pour toi une lumière éternelle »(Is 60, 19-20).[52] Le testament de Lévi étendrait la lumière de Jérusalem à ses enfants, les Israélites, et les exhorte en disant: « Soyez la lumière d’Israël, plus pure que toutes les nations… Ce que les nations feraient si vous étiez obscurcis par vos transgressions » (14, 3).[53] Cf. pages 21-27 ci-dessus

[Texte original: italien]

Traduction française distribuée par la secrétairerie générale du synode (traduction de travail, non officielle)

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel