ROME, vendredi 16 novembre 2012 (Zenit.org) – A l’occasion de la visite ad limina des évêques des provinces du Nord et de l’Est de la France, ce 17 novembre, le président de la conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a prononcé l’adresse suivante :
Très Saint Père,
Les évêques qui ont la joie de vous rencontrer aujourd’hui représentent les cinq provinces ecclésiastiques de Paris, Besançon, Dijon, Lille et Reims auxquels se joignent les diocèses d’Alsace-Moselle, les évêques de l’éparchie des Arméniens et l’évêque aux Armées. Ce groupe important couvre largement le quart Nord-Est de la France. Comme chacune des provinces aura l’occasion de vous exprimer ses particularités, vous me permettrez d’évoquer simplement quelques grandes caractéristiques dont nous partageons les effets.
Nos diocèses sont marqués par les évolutions de la sociologie de nos régions. Au cours des dernières décennies, des secteurs entiers de cette partie de la France ont vu régresser ou disparaître ce qui était un beau potentiel industriel : les bassins miniers, la sidérurgie, l’industrie lourde, industrie textile, les régions agricoles s’interrogent sur leur avenir dans le cadre des négociations européennes, etc. Cet écroulement économique a pesé lourdement sur nos populations et entraîné un appauvrissement humain considérable. Les diocèses les plus ruraux ont subi une perte de population importante et un vieillissement préoccupant, même si nous discernons des signes d’une évolution positive. Enfin, la Région de l’Ile-de-France, avec près d’un cinquième de la population française connaît, avec d’autres métropoles du nord et de l’est, une concentration de populations très diverses et très inégalement intégrées à la vie sociale. Beaucoup de nos concitoyens sont saisis par le désarroi et l’inquiétude.
C’est dans cette situation que les fidèles laïcs de nos diocèses s’efforcent de rendre témoignage au Christ et de participer à la mission de l’Église. Immergés dans une culture dont les références chrétiennes sont très souvent oubliées ou inconnues, ils ont moins de prêtres pour les encadrer et les soutenir. L’avenir de leur vie ecclésiale repose davantage sur leur implication personnelle et sur la grâce de leur baptême et de leur confirmation. Dans ces conditions difficiles, nous sommes témoins de la fidélité de beaucoup de nos fidèles, de leur générosité et de leur détermination à vivre de la foi. Confrontés à des idéologies diverses, ils ressentent le besoin d’une formation chrétienne renouvelée pour rendre compte de leur espérance. Dans chacun de nos diocèses nous nous efforçons de répondre à cette attente et de nous entraider pour le faire. Nous devons aussi rendre grâce à Dieu pour les nombreuses propositions de sessions et de retraites que des communautés ou des mouvements proposent pendant les périodes de repos. Dans beaucoup de nos diocèses, nous engageons le meilleur de nos forces dans la pastorale auprès des jeunes et dans la recherche et l’accompagnement des vocations sacerdotales.
Le ministère des prêtres et des diacres est souvent éprouvant et nous travaillons avec foi et persévérance à renouveler l’appel aux ministères ordonnés tout en développant les moyens de formation permanente et de soutien spirituel pour les prêtres. Leur réduction numérique et leur vieillissement encouragent à mieux cerner la spécificité de leur ministère d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Malgré ces efforts et notre confiance en Dieu, nous ne pouvons pas toujours surmonter une certaine inquiétude sur l’avenir de nos communautés chrétiennes. Dans beaucoup de diocèses, les célébrations dominicales sont vécues sur des villes que les habitants des villages doivent rejoindre. La qualité et la densité spirituelle de la liturgie méritent cet effort. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir dans ce sens.
Le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II est dans nos diocèses une occasion providentielle de revenir au dynamisme spirituel du Concile. Encouragés par votre appel à vivre une Année de la Foi, nous souhaitons en même temps faire connaître le Concile et en développer une interprétation autorisée dans la continuité de la Tradition ecclésiale. Pour nous, le Concile est historiquement achevé, mais il est encore devant nous : il doit encore fructifier et nourrir la mission de l’Église dans le monde de ce temps. Avec vous, nous souffrons de voir certains de nos frères s’adonner au « libre examen » et défin
ir par eux-mêmes la vérité dogmatique. Nous savons avec quelle patience vous essayez de ramener ces fils à la raison et nous vous y aidons autant que nous le pouvons.
La récente session du synode des évêques sur la Nouvelle Evangélisation et la transmission de la foi chrétienne renouvelle l’aspiration de nos communautés chrétiennes à aller au-devant de ceux qui ont laissé se distendre leurs liens avec l’Église. Nous sommes encouragés à mettre en œuvre des initiatives pour relancer une première annonce de la Bonne Nouvelle dans notre société sécularisée.
Dans les débats de société auxquels nous sommes confrontés, nous essayons de susciter et de rejoindre les questionnements et les interrogations des hommes de bonne volonté. Enracinés dans la tradition judéo-chrétienne, nous nous efforçons de formuler, à la lumière de la foi, les impératifs de la morale universelle de telle sorte que ceux qui cherchent le bien puissent y souscrire quand bien même ils ne sont pas chrétiens. Vos interventions, tant à Paris qu’à Londres ou à Berlin nous éclairent et nous encouragent dans la recherche d’une formulation toujours plus accessible à la raison humaine.
Notre rencontre aujourd’hui est pour nous un temps de communion intense avec le Successeur de Pierre et nous vous prions de nous conforter dans notre mission en nous accordant votre bénédiction apostolique.