Journée mondiale des droits de l'enfant : "L'enfance de Jésus"

Le « porche » de la trilogie de Joseph Ratzinger-Benoît XVI

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Anita Bourdin                                                                              

ROME, mardi 20 novembre 2012 (Zenit.org) – Coïncidence ? Le livre de Benoît XVI sur l’enfance du Christ est présenté à la presse le jour où l’on célèbre la Journée mondiale des droits de l’enfant. Et alors que l’Eglise va entrer dans l’Avent, temps de préparation à Noël. Il s’intitule : « L’enfance de Jésus ». Il constitue comme le « porche» des deux volumes précédents. Et le pape y livre sa propre « méthode » de lecture de la bible. Elle ne manque pas d’actualité.

C’est, certes, le troisième volume de la trilogie de Joseph Ratzinger-Benoît XVI « Jésus de Nazareth », mais le pape avertit dès l’avant-propos : c’est ce volume qui constitue le « porche » des deux autres tomes consacrés à la vie publique du Christ – « Du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration » –, puis à la passion et à la résurrection du Christ – « De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection»-.

« Il ne s’agit pas d’un troisième volume, écrit le pape, mais d’une porte d’entrée qui introduit les deux volumes précédents consacrés à la figure et au message de Jésus de Nazareth ».

Ce livre de quelque 180 pages – Avant-Propos, 4 chapitres et un Epilogue – sort  en librairie demain, mercredi 21 novembre, en 9 langues et dans une cinquantaine de pays* : le premier tirage est d’un million d’exemplaires. D’autres traductions vont suivre, avec une distribution dans 72 pays.

Il a été présenté ce matin au Vatican par le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture, par Mme Maria Clara Bingemer, professeur à l’Université catholique de Rio de Janeiro, le P. Giuseppe Costa, SDB, directeur de la Librairie Editrice vaticane, et le P. Federico Lombardi, SJ, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège.

Bref discours de la méthode

Mais avant même de lire ces pages, le pape offre un petit discours de la méthode. En quatre points. Tout d’abord, il a « cherché à interpréter » ce que les évangélistes de l’enfance, Matthieu et Luc, ont raconté, « en dialoguant avec des exégètes d’hier et d’aujourd’hui ».

Ensuite, il souligne les « deux étapes » de son interprétation. Il s’est demandé « ce qu’ont voulu dire, à leur époque, les auteurs de ces textes » : « c’est la composante historique de l’exégèse ». Le pape assume ainsi les conquêtes de l’exégèse moderne.

Il affirme en même temps la nécessité de la prise de risque de l’exégète dans une seconde étape : « Il ne faut pas laisser le texte dans le passé, en l’archivant parmi les événements arrivés il y a longtemps. La seconde question doit être: Ce qui est dit est-il vrai? Cela me regarde-t-il? Et si cela me regarde, de quelle façon? »

Et de préciser : « Devant un texte tel qu’un texte biblique, dont l’ultime et plus profond auteur, selon notre foi, est Dieu lui-même, la question du rapport entre le passé et le présent fait immanquablement partie de l’interprétation elle-même ».

Le pape va devance les objections en affirmant : « Cela ne diminue pas, mais accroît le sérieux de la recherche historique ». Voilà un choix exégétique qui a son poids.

L’auteur n’en reconnaît pas moins  les limites de l’investigation lorsqu’il s’agit de la bible : « Toute interprétation reste en deçà de la grandeur du texte biblique ».

Il affirme également son objectif : « J’espère que ce petit livre, en dépit de ses limites, pourra aider de nombreuses personnes dans leur chemin vers et avec Jésus ».

L’origine de Jésus et du baptisé

Le premier chapitre pose la question de l’origine de Jésus – et ce faisant de tout homme -: « D’où es-tu ? » (Jn 19, 9). Il examine les généalogies de Jésus chez Matthieu et Luc, dont saint Jean donne la clef.

« Jean, affirme le pape, a résumé la signification la plus profonde des généalogies et nous a enseigné à les comprendre également comme explication de notre origine même, de notre vraie « généalogie ». Comme les généalogies s’interrompent à la fin, parce que Jésus n’a pas été engendré par Joseph mais très réellement est né de la Vierge Marie, par l’opération du Saint-Esprit, de la même façon cela vaut à présent aussi pour nous : notre vraie « généalogie » est la foi en Jésus, qui nous donne une nouvelle origine, nous fait naître « de  Dieu ». » (p. 25).

Les trois « annonces » à Zacharie, Marie et Joseph

Après les deux généalogies, de la mère et du père adoptif, le deuxième chapitre rassemble les trois « annonces » à Zacharie, pour la naissance de Jean-Baptiste, puis, pour la naissance de Jésus, à Marie, et à Joseph, choisi pour accueillir Marie et l’Enfant dans sa maison.

Dans le récit de l’Annonciation à Marie par Luc, le pape insiste sur la liberté humaine face à Dieu qui cherche comment sauver l’humanité. « Qu’il m’advienne selon ta parole » : « C’est le moment de l’obéissance libre, humble et en même temps magnanime, où se réalise la décision la plus haute de la liberté humaine » (p. 58).

Le pape évoque de façon originale la solitude de Marie, comme pour renvoyer, mutatis mutandis, à l’expérience de tout baptisé, en filigrane, à la sienne : « Et l’ange la quitta » (Luc 1, 38) : « La grande heure de la rencontre avec le messager de Dieu, dans laquelle toute la vie change, passe, et Marie reste seule avec la tâche qui, en vérité, dépasse toute capacité humaine (…). Elle doit continuer le chemin qui passera à travers de nombreuses obscurités – à commencer par le désarroi de Joseph face à sa grossesse, jusqu’au moment où Jésus sera déclaré « hors de sens » (Mc 3, 21 ; cf. Jn 10, 20), et même, jusqu’à la nuit de la croix. (…) L’ange s’en va, la mission demeure et avec elle mûrit la proximité intérieure avec Dieu, la vision intime et la perception de sa proximité » (p. 59).

Ce deuxième chapitre s’achève sur un développement intitulé : « L’enfantement virginal : mythe ou vérité historique ? », particulièrement significatif en cette Année de la foi. Après un tour d’horizon de différentes exégèses, le pape souligne la rationalité de l’action de Dieu dans la naissance du Christ ou dans la résurrection : « Naturellement, on ne peut attribuer à Dieu des choses insensées, déraisonnables ou en opposition avec sa création. Cependant, il ne s’agit pas ici de quelque chose de déraisonnable ni de contradictoire, mais de quelque chose de positif – du pouvoir créateur de Dieu qui embrasse tout l’être. (…) L’enfantement virginal et la résurrection réelle du tombeau sont des pierres de touche pour la foi. Si Dieu n’a pas aussi pouvoir sur la matière il n’est pas Dieu. Mais il possède ce pouvoir et par la conception et la résurrection de Jésus-Christ, il a inauguré une nouvelle création. Ainsi, en tant que Créateur il est aussi notre Rédempteur. Pour cette raison, la conception et la naissance de Jésus de la Vierge Marie sont un élément fondamental de notre foi et un signal lumineux d’espérance ». A méditer aussi à l’approche de la fête de l’Immaculée, le 8 décembre.

Le cadre historique et la géographie

Le troisième chapitre évoque la naissance de Jésus à Bethléem. C’est Noël. Il faudra le découvrir pendant l’Avent. Le pape y déploie une exégèse savoureuse dans l’alliance de l’Ancien et du Nouveau Testament, comme le recommande Vatican II dans « Dei Verbum ». Il fait par exemple observer que « Luc conclut son récit de la  naissance de Jé
sus, dont faisait partie aussi l’accomplissement de la Loi (cf. Lc 2, 39), par l’annonce de la Sainte Famille à Nazareth : « L’enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui (2, 40) » (p. 124). Le salut de toute l’humanité est en marche, dans la pauvreté et la simplicité d’une famille.

Le quatrième chapitre s’intitule : « Les Mages d’Orient et la fuite en Egypte ». A Cologne, en 2005, pour la Journée mondiale de la jeunesse, le pape avait longuement évoqué les Mages vénérés en la cathédrale de la ville : il les aime tout spécialement.

Le pape commence par planter le cadre historique et la géographie du récit.  Puis il se demande : « Qui étaient les Mages ? », « Quel genre d’hommes ? ». Au terme de son enquête, il conclut, pour ainsi dire dans l’esprit de son « Parvis des gentils » : « Les savants de l’Orient sont un commencement, ils représentent la mise en route de l’humanité vers le Christ, ils inaugurent une procession qui parcourt l’histoire tout entière. Ils ne représentent pas seulement les personnes qui ont trouvé le chemin jusqu’au Christ. Ils représentent l’attente intérieure de l’esprit humain, le mouvement des religions et de la raison humaine à la rencontre du Christ » (p. 137).

L’étoile qui veille sur les crèches ou les sapins à Noël a droit à un développement : « Quel type d’étoile était-ce ? A-t-elle vraiment existé ? » Puis vient le passage des Mages à Jérusalem, l’Adoration à Bethléem, la fuite en Egypte et le retour en Israël.

A chaque pas, Benoît XVI lime son analyse et son interprétation à l’interprétation de la grande tradition de l’Eglise, avec les Pères notamment, et aux recherches des exégètes. Puis il risque sa parole sur le texte. Il prend position, en rétablissant parfois les perspectives, comme lorsqu’il affirme : « Les deux chapitres du récit de l’enfance chez Matthieu ne sont pas une méditation exprimée sous forme d’histoires ; au contraire, Matthieu nous raconte la véritable histoire, qui a été méditée et interprétée  théologiquement, et ainsi il nous aide à comprendre plus profondément le mystère de Jésus » (p. 169).

Vrai Dieu et vrai homme

« L’Epilogue » est constitué d’un commentaire de l’épisode de « Jésus âgé de douze ans dans le Temple » de Jérusalem et du fait que Jésus « grandit » en taille et en sagesse.

D’une part, « comme Fils, il est à tu et à toi avec le Père. Il vit en sa présence. Il le voit (…). Il est auprès du Père, il voit les choses et les hommes dans Sa lumière ».  

D’autre part, « en tant qu’homme, il ne vit pas dans une omniscience abstraite, mais il est enraciné dans une histoire concrète, dans un lieu et dans une époque, dans les différentes phases de la vie humaine, et c’est de tout cela qu’il reçoit la forme concrète de son savoir. Il apparaît donc clairement qu’il a pensé et appris d’une manière humaine ».

« Il devient effectivement évident, qu’il est vrai homme et vrai Dieu, comme l’exprime la foi de l’Eglise, conclut le pape. Nous ne pouvons définir, en dernière analyse, le profond entrelacement entre l’une et l’autre dimension. Celui-ci demeure un mystère et, toutefois, il apparaît de manière vraiment concrète dans le bref récit sur l’enfant de douze ans – récit qui ouvre ainsi, en même temps, la porte vers l’intégralité de sa figure qui nous est racontée ensuite dans les Evangiles » (p. 181).

Dieu s’est fait petit enfant et il a grandi comme un enfant des hommes, a vécu parmi eux. Ces pages déshabituent des lectures rapides voire blasées de textes parfois trop connus. Elles redécouvrent la fraîcheur des récits de l’Enfance du Christ sous des facettes nouvelles, et Benoît XVI, qui ose son interprétation croyante et fondée en raison, s’impliquant en première personne, en disant « je », met en contact direct avec la personne du Christ vivant, grâce à ces récits, si connus, et pourtant ignorés, et toujours inépuisables. Où l’enfant a ses droits.

*En France, chez Flammarion.

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ZENIT Staff

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