« Nous nous sommes habitués à l’horreur du quotidien », déplore Mgr Boutros Marayati, archevêque d’Alep des arméniens catholiques qui décrit « le bruit continu des bombardements », un « état de tension et de peur jour et nuit », un quotidien « où l’on ne trouve pas même l’eau pour boire et le carburant pour chauffer les maisons ».
Mgr Boutros Marayati, décrit à l’agence vaticane Fides la situation vécue par les habitants de la métropole syrienne où ont été retrouvés hier des dizaines de cadavres de jeunes, victimes d’exécutions sommaires collectives.
Tension et peur jour et nuit
« Il y a toujours des nouvelles relatives à de nouveaux massacres. Il y a le bruit continu des bombardements. On vit dans un état de tension et de peur jour et nuit. Il est difficile de survivre dans un quotidien où l’on ne trouve pas même l’eau pour boire et le carburant pour chauffer les maisons ».
Pour l’archevêque, « la conséquence de la condition dans laquelle nous vivons depuis plus d’un an est que nous nous sommes habitués à l’horreur du quotidien ».
« Bouleversés comme nous le sommes par tout cela nous n’avons presque pas le temps de prendre conscience des choses terribles dans lesquelles nous sommes immergés. Le massacre qui a eu lieu à l’Université voici quelques jours, dans le cadre duquel nous avons également perdu la pauvre Sœur Rima, semble déjà lointain », ajoute-t-il.
Les moyens de communication gouvernementaux ont attribué la responsabilité du massacre aux brigades djihadistes de Jabhat Al-Nusra, alors que les groupes de la coalition d’opposition ont parlé de « nouveau et terrible massacre perpétré par le régime », précise Fides.
Déformation des informations
Selon Mgr Boutros Marayati, l’impossibilité de vérifier les conditions réelles des effusions de sang rend encore plus difficile la condition des populations dans le cadre du conflit : « Nous percevons qu’il existe une déformation de toutes les informations. On ne peut se fier à ce que l’on entend dire et il n’existe aucune possibilité de vérifier, pas même en ce qui concerne des faits qui se déroulent dans nos quartiers, à une distance réduite ».
« Maintenant aussi, on entend des explosions mais nous ne savons pas de qui elles arrivent et contre qui elles sont dirigées. Nous sommes au centre d’une guerre mais nous la vivons comme si nous étions dans le noir, sans comprendre véritablement ce qui se passe. Nous nous demandons seulement quand et comment tout cela finira. Et nous prions le Seigneur, afin qu’Il nous garde et nous protège », conclut-il.
Des niveaux d’horreur sans précédent
Selon l’agence Misna, l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme basé à Londres a signalé dans la ville d’Alep « des dizaines d’exécutions sommaires » dans le quartier du Boustan al-Kasr. Des sources médicales proches de l’opposition indiquent avoir découvert plus de soixante corps, les yeux bandés et les mains attachées derrière le dos.
Suite à ce nouveau massacre, M. Lakhdar Brahimi, médiateur international de l’ONU et de la Ligue arabe, envoyé en Syrie, a tiré le signal d’alarme : « le pays se disloque sous nos yeux » dans une guerre qui a atteint « des niveaux d’horreur sans précédent ».
Il a fortement appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à « faire pression sur les parties en conflit pour parvenir à un compromis ».
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a averti que « la souffrance de la population a atteint des niveaux sans précédent », dénonçant l’accès de plus en plus difficile à certaines zones touchées. Médecins Sans Frontières (MSF) a signalé le « grave déséquilibre » dans la division de l’aide internationale, le « Croissant-Rouge » syrien étant la seule organisation autorisée par les autorités à distribuer l’aide humanitaire, ce qui signifie que « les zones sous contrôle gouvernemental reçoivent la quasi-totalité de l’aide internationale ».
Selon les Nations Unies, quelque 60.000 personnes ont trouvé la mort en 22 mois de conflit, et les nations voisines ont accueilli plus de 700.000 réfugiés syriens.
Les affrontements se poursuivent dans l’Est, à Deir Ezzor, où après avoir pris le contrôle de deux ponts stratégiques sur l’Euphrate, les rebelles gagnent du terrain sur les forces du gouvernement, précise la même source.