Hommage du pape à Junipero Serra et aux missionnaires des Amériques

Messe au cours d’une journée de réflexion sur la figure du futur saint, samedi 2 mai 2015, au Collège pontifical Nord-américain à Rome. Voici notre traduction intégrale de l’homélie.

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Le pape François rend hommage au « témoignage de sainteté » du bienheureux Junipero Serra (1713-1784), « un des fondateurs des États-Unis », lors d’une journée de réflexion sur la figure du missionnaire, samedi dernier, 2 mai 2015, au Collège pontifical Nord-américain à Rome (NAC).

L’événement était organisé par la Commission pontificale pour l’Amérique Latine et le NAC, sous le patronage de l’archidiocèse de Los Angeles, sur le thème : « Frère Junípero Serra, apôtre de la Californie, témoin de sainteté. »

Durant la célébration de la messe, le pape a fait taire la polémique entourant le rôle des missionnaires, accusés d’utiliser des châtiments corporels et de ne pas avoir respecté la culture des autochtones en Amérique : « ils défendirent les indigènes contre les abus des colonisateurs », a-t-il affirmé.

« Parfois nous prenons le temps d’examiner scrupuleusement leurs qualités et, surtout, leurs limites et leurs misères. Mais je me demande si, aujourd’hui, nous sommes capables de répondre avec la même générosité et avec le même courage à l’appel de Dieu, qui nous invite à tout laisser pour l’adorer, pour le suivre, pour le retrouver dans le visage des pauvres, pour l’annoncer à ceux qui n’ont pas connu le Christ », a ajouté le pape.

« Ces missionnaires qui se sont rendus vers toutes les périphéries géographiques, sociales et existentielles, pour rendre témoignage à la charité, nous mettent au défi ! », a-t-il estimé. La canonisation du franciscain aura lieu mercredi 23 septembre 2015, à Washington, dans le cadre du voyage apostolique du pape François aux États-Unis.

A.K.

Homélie du pape François

« J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 13,47 ; cf. Is 49,6). Ces paroles du Seigneur, dans le passage des Actes des Apôtres qui vient d’être lu, nous font voir la mission de l’Église qui est envoyée par Jésus pour annoncer l’Évangile. Ceci est advenu aux disciples depuis les premiers temps, quand, la persécution déclarée, ils sortirent de Jérusalem (cf. Ac 8, 1-3). C’est également vrai pour la multitude des missionnaires qui portèrent l’Évangile au Nouveau Monde et pendant cette même période défendirent les indigènes contre les abus des colonisateurs. Parmi eux il y avait aussi le Frère Junipero ; son œuvre d’évangélisation nous reporte à la mémoire des premiers « 12 apôtres franciscains » qui furent pionniers de la foi chrétienne aux Mexique. Il fut le protagoniste d’un nouveau printemps évangélisateur dans ces terres éloignées qui, depuis déjà deux cent ans, avaient été abordées par les missionnaires en provenance d’Espagne, de la Floride jusqu’à la Californie. Longtemps avant que n’arrivent les pèlerins du Mayflower dans le littoral de l’atlantique nord.

La vie et l’exemple de Frère Junipero mettent en évidence trois aspects : son élan missionnaire, sa dévotion mariale et son témoignage de sainteté.

Tout d’abord, il fut un infatigable missionnaire. Qu’est-ce qui amena le Frère Junipero à abandonner sa patrie, sa terre, sa famille, sa chaire universitaire, sa communauté franciscaine de Majorque, pour aller vers les extrêmes confins de la terre ? Sans aucun doute, la passion d’annoncer l’Évangile ad gentes, c’est à dire l’élan du cœur qui veut partager avec les plus lointains le don de la rencontre avec le Christ : ce don que lui-même avait déjà reçu et expérimenté dans sa plénitude de vérité et de beauté. Comme Paul et Barnabé, comme les disciples à Antioche et dans toute la Judée, il fut plein de joie et de l’Esprit Saint dans la défense de la parole du Seigneur. Un tel zèle nous provoque : c’est pour nous un grand défi ! Ces disciples-missionnaires qui ont rencontré Jésus, Fils de Dieu, qui, à travers Lui, ont connu le Père miséricordieux et, mus par la grâce de l’Esprit saint, se sont rendus vers toutes les périphéries géographiques, sociales et existentielles, pour rendre témoignage à la charité, nous défient ! Parfois nous prenons le temps d’examiner scrupuleusement leurs qualités et, surtout, leurs limites et leurs misères. Mais je me demande si, aujourd’hui, nous sommes capables de répondre avec la même générosité et avec le même courage à l’appel de Dieu, qui nous invite à tout laisser – tout laisser ! – pour l’adorer, pour le suivre, pour le retrouver dans le visage des pauvres, pour l’annoncer à ceux qui n’ont pas connu le Christ et, qui à cause de cela ne se sentent pas enveloppés de sa miséricorde. Le témoignage du Frère Junipero nous rappelle à nous impliquer, personnellement, dans la mission continentale, qui trouve ses propres racines dans « Evangelii gaudium » ; la joie de l’Evangile.

En second lieu, Frère Junipero confie son engagement missionnaire à la Très Sainte Vierge Marie. Nous savons qu’avant de partir pour la Californie il voulut confier sa vie à Notre Dame de Guadalupe, et lui demander, pour la mission qu’il allait entreprendre, la grâce d’ouvrir le cœur des colonisateurs et des indigènes. Dans cette imploration, nous pouvons encore voir cet humble frère agenouillé devant la « Mère du mismisimo Dios », la « Morenita », qui apporte son Fils au Nouveau Monde. L’image de Notre Dame de Guadalupe était présente dans les vingt-et-une missions que Frère Junipero fonda le long de la côte californienne. Depuis lors, Notre Dame de Guadalupe devint, de fait, la Patronne de tout le continent américain. Il n’est pas possible de la séparer du cœur du peuple américain. De fait elle constitue la racine commune de ce continent. Encore auourd’hui, la mission continentale se confie à Celle qui est la première et sainte disciple-missionnaire, présence et compagne, source de réconfort et d’espérance. A Celle qui est toujours à l’écoute pour protéger ses enfants américains.

En troisième lieu, frères et sœurs, contemplons le témoignage de sainteté de Frère Junipero – un des fondateurs des États-Unis – saint de la catholicité et protecteur spécial des hispaniques du Pays -, pour que tout le peuple américain redécouvre sa propre dignité, en consolidant toujours plus son appartenance au Christ et à son Église.

Dans la communion universelle des saints et, en particulier, dans la couronne des saints américains, le Frère Junipero Serra nous accompagne et intercède pour nous, conjointement avec tant d’autres saints et saintes qui se sont distingués par divers charismes :

Contemplatives comme Rose de Lima, Mariana de Quito et Thérèse des Andes ;

Pasteurs qui exhalaient le parfum du Christ et l’odeur des brebis, comme Turibe de Mogrovejo, François de Laval, Raphaël Guizar Valencia ;

Humbles travailleurs de la Vigne du Seigneur, comme Jean Diego et Kateri Tekakwitha ;

Serviteurs des souffrants et des marginaux, comme Pierre Claver, Martin de Porres, Damien de Molokaï, Albert Hurtado et Rose Philippine Duchesne ;

Fondatrices de communautés consacrées au service de Dieu et des plus pauvres, comme Francesca Cabrini, Elisabeth Anne Seton et Catherine Drexel ;

Missionnaires infatigables, comme Frère Francisco Solano, José de Anchieta, Alonso de Barzana, Maria Antonia de Paz y Figueroa, José Gabriel del Rosario Brochero ;

Martyrs comme Roque Gonzales, Miguel Pro et Oscar Arnulfo Romero ;

et tant d’autres saints martyrs, que je ne liste pas maintenant, mais qui prient devant le Seigneur pour leurs frères et sœurs qui sont encore pèlerins sur cette terre.

Qu’un vent de sainteté impétueux parcoure le prochain Jubilé extraordinaire de la Miséricorde dans toutes les Amériques ! En se fiant à la promes
se faite par Jésus, que nous avons écoutée aujourd’hui dans l’Évangile, demandons à Dieu cette effusion de l’Esprit Saint particulière.

Demandons à Jésus Ressuscité, Seigneur de l’histoire, que la vie de notre continent américain s’enracine toujours plus dans l’Évangile qu’il a reçu ; que le Christ soit toujours plus présent dans la vie des personnes, des familles, des peuples, des nations, pour la plus grande gloire de Dieu.

Que cette gloire se manifeste dans la culture de la vie, dans la fraternité, dans la solidarité, dans la paix et la justice, avec un réel amour préférentiel pour les plus pauvres, à travers le témoignage des chrétiens des différentes communautés et confessions, des croyants des autres traditions religieuses et des hommes de conscience droite et de bonne volonté. Oh Seigneur Jésus, nous sommes seulement tes disciples-missionnaires, tes humbles coopérateurs pour que vienne ton Règne !

En portant cette invocation dans le cœur, je demande l’intercession de Notre Dame de Guadalupe, et aussi celle de Frère Junipero et des autres saints et saintes américains, pour qu’ils me conduisent et me guident dans mes prochains voyages apostoliques en Amérique du Sud et du Nord. Pour cela je vous demande à tous de prier pour moi. Amen.

Traduction de Zenit, Hugues de Warren

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ZENIT Staff

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