Le pape François encourage les catholiques à s’engager en politique et à se battre pour une société plus juste et plus solidaire, à la suite des pères de l’Europe comme Alcide De Gasperi et Robert Schuman, dont la cause de béatification est en route, rappelle-t-il.
Le pape a reçu le 30 avril 2015 la Communauté de vie chrétienne (CVX) et la Ligue missionnaire des étudiants, à l’occasion de l’ouverture du Congrès national italien des deux groupes de spiritualité ignacienne, qui s’est tenu à Frascati du 30 avril au 3 mai, sur le thème « Au-delà des murs ».

Au cours de la rencontre, le pape a répondu d’abondance de cœur à quatre questions des participants (cf. Zenit du 5 mai 2015 pour la première question). Dans la deuxième réponse (Zenit du 7 mai 2015), il a médité sur l'espérance. En répondant à un prêtre formateur de séminariste le pape a exhorté les prêtres : « Nous avons besoin de prêtres qui prient ! » (Zenit du 8 mai 2015).

A.B.

Dialogue avec le pape François (4e et dernier volet)

Gianni - Saint-Père, je suis Gianni, je viens de la Communauté de vie chrétienne de L’Aquila. Nous sommes engagés depuis plus de trente ans dans le volontariat, la vie associative et la politique. Alors dans notre engagement dans la vie sociale, nous voudrions que tout le monde – en particulier les plus jeunes d’entre nous – comprenne qu’au-delà du bien privé, qui prévaut trop souvent, il existe un intérêt général qui appartient à toute la communauté. Saint-Père, quel discernement peut nous venir de la spiritualité ignatienne pour nous aider à garder vivant le rapport entre la foi en Jésus-Christ et la responsabilité d’agir toujours pour la construction d’une société plus juste et plus solidaire ? Merci.

Pape François - Je crois que le père Bartolomeo Sorge répondrait bien mieux que moi à ta question – je ne sais pas s’il est ici, non, je ne l’ai pas vu… - Lui, il était très fort ! C’est un jésuite qui a ouvert la voie dans ce domaine de la politique.

Mais on entend dire : « Nous devons fonder un parti catholique ! ». Ce n’est pas la voie. L’Église est la communauté des chrétiens qui adore le Père, qui va sur la route du Fils et reçoit le don de l’Esprit-Saint. Ce n’est pas un parti politique. « Non, nous ne disons pas un parti, mais… un parti uniquement pour les catholiques ». Cela n’est pas utile et n’aura pas la capacité d’impliquer, parce qu’il fera ce pour quoi il n’a pas été appelé. « Mais un catholique peut-il faire de la politique ? – Il doit ! – Mais un catholique peut-il s’immiscer dans la politique ? – Il doit ! ».

Le bienheureux Paul VI, si je ne me trompe pas, a dit que la politique était une des formes les plus élevées de la charité, parce qu’elle recherche le bien commun. « Mais Père, ce n’est pas facile de faire de la politique, parce que dans ce monde corrompu… à la fin tu ne peux pas avancer… ». Que veux-tu me dire, que faire de la politique est un peu une forme de martyre ? Oui. Oui, c’est une forme de martyre. Mais c’est un martyre quotidien : chercher le bien commun sans te laisser corrompre. Chercher le bien commun en réfléchissant aux voies les plus utiles pour cela, les moyens les plus utiles. Chercher le bien commun en travaillant dans les petites choses, toute petites, de peu… mais c’est possible. C’est important de faire de la politique : la petite politique et la grande politique.

Dans l’Église, il y a beaucoup de catholiques qui ont fait de la politique propre, bonne ; et même qui ont favorisé la paix entre les nations. Pensez aux catholiques, ici, en Italie, de l’après-guerre : pensez à De Gasperi. Pensez à la France, Schuman, dont la cause de béatification est en cours. On peut devenir saint en faisant de la politique. Et je ne veux pas en nommer plus : deux exemples suffisent, de ceux qui veulent avancer dans le bien commun. Faire de la politique est une forme de martyre : vraiment un travail de martyre, parce qu’il faut toute la journée avancer avec cet idéal, tous les jours avec cet idéal de construire le bien commun. Et aussi porter la croix de bien des échecs, et aussi porter la croix de nombreux péchés. Parce que c’est difficile, dans le monde, de faire le bien au milieu de la société sans se salir un peu les mains ou le cœur ; mais pour cela, tu vas demander pardon, tu demandes pardon et tu continues.

Mais que cela ne te décourage pas. « Non, Père, je ne fais pas de politique parce que je ne veux pas pécher. – Mais tu ne fais pas le bien ! Va de l’avant, demande au Seigneur de t’aider à ne pas pécher, mais si tu te salis les mains, demande pardon et avance ! ». Mais faire, faire… Et se battre pour une société plus juste et plus solidaire. Quelle est la solution que ce monde globalisé nous offre aujourd’hui, pour la politique ? Simple : au centre, l’argent. Non pas l’homme et la femme, non. L’argent. Le dieu argent. Au centre. Tout le monde au service du dieu argent. Mais pour cela, ce qui ne sert pas au dieu argent est jeté.

Et ce que nous offre, aujourd’hui, le monde globalisé, c’est la culture du rebut : ce qui ne sert pas, on le jette. On rejette les enfants, parce qu’on ne fait pas d’enfants ou parce qu’on tue les enfants avant leur naissance. On rejette les personnes âgées, parce que… les personnes âgées ne servent pas… Mais maintenant qu’on n’a pas de travail, on va trouver les grands-parents pour que leur retraite nous aide ! Mais ils servent momentanément. On rejette, on abandonne les personnes âgées. Et maintenant, il faut diminuer le travail parce que le dieu argent ne peut pas tout faire, et on rejette les jeunes : ici, en Italie, les jeunes de moins de 25 ans – je ne veux pas me tromper, corrige-moi – 40 à 41 pour cent sont sans travail. On rejette… Mais c’est le chemin de la destruction. Et moi, catholique, je regarde du balcon ?

On ne peut pas regarder du balcon ! Immisce-toi là ! Donne le meilleur de toi ! Si le Seigneur t’appelle à cette vocation, vas-y, fais de la politique ! Cela te fera souffrir, cela te fera peut-être pécher, mais le Seigneur est avec toi. Demande pardon et va de l’avant ! Mais ne permettons pas que cette culture du rebut nous rejette tous ! Elle rejette aussi la création, parce que tous les jours la création est un peu plus détruite. N’oubliez pas cette parole du bienheureux Paul VI : la politique est une des formes les plus élevées de la charité. Je ne sais pas si j’ai répondu… J’avais écrit un discours… peut-être ennuyeux, comme tous les discours ; mais je le remettrai, parce que j’ai préféré ce dialogue…

[Le pape a ensuite récité avec toute l’assemblée une prière à la Vierge de la Route.]

Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi ! Merci.

© Traduction de Zenit