Mais au lieu de s’y rendre à pied, il doit désormais faire le trajet en voiture. Au lieu de marcher seul, il est entouré d’Anges gardiens du Vatican et d’Italie. Au lieu de passer inaperçu dans sa soutane et son manteau noirs, sous son béret noir, il est attendu pendant des heures et acclamé dans sa soutane blanche, ses cheveux blancs faisant presque disparaître la calotte blanche pontificale.
Arrivé après 15 heures, il est reparti peu après 19 h: les cloches avaient sonné l’angélus du soir.
Son arrivée a attiré comme un aimant des centaines de personnes, les caméras et les appareils photos, mais aussi les jeunes, les pèlerins, les touristes, en particulier allemands, comme ce couple de Rhénanie ou cet autre de Westphalie, tous à Rome « par hasard » et heureux de vivre cette circonstance « historique ». Ils attendront plus de deux heures.
Perchés sur un rebord en ciment, certains se sont fatigués au bout d’une heure et demi, les autres ont tenu bon et ils ont été récompensés. Parce que l’attente a été l’occasion de rencontres. Parce que l’image de la foule patiente était en soi un événement. Parce qu’entendre les jeunes scander « Beeee-ne-det-to » régulièrement les réjouissait.
Un groupe de Saint-Cyriens est passé. Des familles françaises étaient là aussi. Un jeune de Haute-Savoie, 14 ans, avec ses parents, a voulu filmer, mais n’était pas assez haut perché. Ils étaient mardi soir place Saint-Pierre pour voir la fumée blanche et la première apparition de Benoît XVI.
Une famille de Douai, venue en voiture, Sylvie, Louis et leurs enfants, Alexandre et Loïse, de 9 ans, attendaient également. Ils font partie du Renouveau charismatique et l’an dernier étaient partis en pèlerinage à Jérusalem, un pèlerinage préparé pendant trois ans avec un père Franciscain. Lorsque Louis a suggéré Rome, après la mort de Jean-Paul II, c’était imprévu: ils avaient pensé passer leurs vacances en Normandie. Le choix de Rome s’est révélé être un choix « inspiré » pensent-ils maintenant: ils ont pu vivre le conclave et l’élection de Benoît XVI. Ils se réjouissent de ce choix surtout du fait de la « proximité » de Benoît XVI et de Jean-Paul II: « C’est un ami du pape », commente Loïse.
Les équipes de télévision et les photographes s’étaient munis d’escabeaux d’aluminium, légers, et indispensables pour filmer ou faire des clichés par-dessus la foule et les services de sécurité.
L’accès à un magasin de souvenirs a ainsi été bloqué tout l’après-midi. A deux pas, le bar continuait son activité, dans une indifférence toute romaine: le pape? On le voit tous les jours. La foule? On a vu le Jubilé et le dernier adieu à Jean-Paul II!
Des religieuses apparaissaient à leur fenêtre régulièrement pour guetter le passage du pape.
Un peu avant dix-neuf heures sont arrivées des religieuses allemandes, bien renseignées, qui ne voulaient pas manquer de se joindre aux acclamations générales au moment de l’apparition de « leur » pape: le cardinal Joseph Ratzinger venait chaque semaine célébrer la messe chez elles.
Puis la voiture pontificale est arrivée. Et le pape est enfin apparu, souriant, saluant la foule, les deux bras levés, détendu, dans toutes les directions, suivi par le préfet de la Maison pontificale, Mgr James Harvey, visiblement heureux lui aussi de l’accueil réservé au pape bavarois par le peuple de Rome. Mais Romain, il l’est depuis vingt-quatre ans, c’est un habitant du « Borgo »!
Il est reparti par la porte Sainte-Anne, comme mercredi soir. Un journaliste allemand confiait: « C’est normal qu’il vienne ici. Pour un professeur allemand, rien de plus important que ses livres. Et ses livres sont ici pour le moment ».
En effet, le pape loge à la maison Sainte-Marthe depuis le début du conclave: il a décidé d’y rester pour le moment. Il ne logera dans les appartements pontificaux qu’après quelques travaux.
