ROME, Lundi 25 avril 2005 (ZENIT.org) – « J’ai dû faire ce que j’avais prêché », a confié le pape Ratzinger à ses compatriotes qu’il a rencontrés en fin de matinée dans la salle Paul VI au Vatican.

Le pape est arrivé par l’allée centrale, qui a fait éclater les ovations : il a serré quelques mains, embrassé un enfant qui lui était présenté. Son discours a été commenté par les applaudissements et les rires de la foule. Son frère, Georg a également été applaudi par les fidèles venus d’Allemagne et spécialement de Bavière pour l’inauguration du pontificat.

Benoît XVI venait de rencontrer les représentants des différentes confessions en la salle Clémentine, et il a ainsi expliqué son léger retard « œcuménique » : un thème certainement cher aux Allemands.

« Tout d’abord, je dois vous présenter mes excuses pour ce retard. Les Allemands sont connus pour leur ponctualité. On dirait que je suis déjà très italianisé ! Mais nous avions une grande rencontre œcuménique avec les responsables œcuméniques du monde, de toutes les Eglises et des communautés ecclésiales, et avec les responsables des autres religions. Elle a été très cordiale si bien que cela a duré plus longtemps. Mais finalement : soyez de tout cœur les bienvenus ! » Acclamations chaleureuses aussi. Le pape a souligné combien les manifestations de soutien venues d’Allemagne lui apportent « force » et « aide » en ce début de pontificat.

Sans enfreindre le « secret du conclave », le pape a fait quelques confidences sur la façon dont il avait vécu le moment de son élection.

Il avait pensé, disait-il, qu’après avoir fait son travail, dans ses vieux jours, il aurait pu jouir d’une « tranquille » retraite. Au fur et à mesure du conclave cependant, les voix se portaient sur son nom, et il dit au Seigneur : « Tu ne vas pas me faire cela ! - rires -. Tu en as de plus jeunes et de meilleurs qui pourront remplir cette grande charge avec un tout autre élan, et une tout autre force ».

C’est alors, confiait-il qu’il a été très « ému » par la lettre d’un cardinal qui lui a rappelé ce qu’il avait prêché pour la messe pour Jean-Paul II en commentant la rencontre de Jésus et de Pierre au lac de Génésareth et la parole du Christ « Suis-moi ! », en allemand : « Folge mich ».

Le 8 avril en effet, le cardinal Ratzinger a commenté la rencontre de Pierre et du Christ ressuscité dans l’Evangile de saint Jean et les trois appels de Karol Wojtyla, au sacerdoce, à l’épiscopat, au siège de Pierre (cf. ZF050418). « Suis-moi » était le leitmotiv choisi pour toute l’homélie de la messe de funérailles.

« J’avais montré, expliquait Benoît XVI que Karol Wojtyla avait eu de nouveau cet appel du Seigneur, et qu’il (…) avait dut dire à nouveau: Oui, je te suis, quand tu veux, où tu veux ». Mon confrère m’écrivait: « Si le Seigneur te disait maintenant: « Suis-moi », souviens-toi alors de ce que tu as prêché - applaudissements et sourires. Ne refuse pas! Sois obéissant comme tu l’as dit du grand Pape défunt ». Cela m’est allé droit au cœur. Ils ne sont pas commodes les chemins du Seigneur, mais nous, nous ne sommes pas créés pour la commodité, mais pour ce qui est Grand et ce qui est Bon ». Applaudissements.

« Ainsi, à la fin je n’avais plus qu’à dire Oui. J’ai confiance dans le Seigneur et j’ai confiance en vous, chers amis. Un chrétien n’est jamais seul ai-je dit hier dans l’homélie. C’est pourquoi j’ai fait la merveilleuse expérience que nous tous avons dû faire, au cours de ces quatre semaines hors du commun que nous venons de vivre. A la mort du pape, l’Eglise vivante a été dans un deuil total. Et il est apparu avec certitude que l’Eglise est devenue une force d’unité, un signe pour l’humanité ».

Benoît XVI évoquait la façon dont 24 heures sur 24 l’actualité de la mort du pape a été couverte, comment cette figure du Père avait parlé à tous, et il affirmait: « Il devenait certain que l’Eglise n’est pas refermée sur elle-même et qu’elle ne vit pas pour elle-même, mais qu’elle est un phare pour les gens. Il devenait certain que l’Eglise n’est pas vieille et paralysée. Non, elle est jeune ». Applaudissements et mouvement des calicots des jeunes et de la JMJ, le « Weltjugengtag » de Cologne.

Benoît XVI affirmait: « Ce n’est pas vrai que les jeunes pensent avant tout à la consommation et au plaisir. Applaudissements. Ce n’est pas vrai qu’ils sont matérialistes et égoïstes. C’est le contraire qui est vrai: les jeunes veulent ce qui est grand ». Ils refusent, continuait en substance la pape, « l’injustice », les « inégalités », et ils veulent travailler au « bien » dans le monde. « Ils veulent ce qui est grand. Ils veulent ce qui est bon. C’est pourquoi les jeunes – vous! – sont tout ouverts au Christ! Le Christ ne nous a pas promis une vie commode. Celui qui veut le confort s’est trompé d’adresse. Mais Il nous montre le chemin de ce qui est grand, bon, pour une vie humaine droite. Lorsqu’il parle de la croix que nous devons prendre sur nous, ce n’est pas par plaisir de torture ou moralisme étroit. C’est l’impulsion de l’Amour, qui sort de lui-même, qui ne se soucie pas de lui-même, mais qui s’ouvre aux autres pour le service de la vérité, de la justice, du bien. Le Christ nous montre Dieu et ainsi la vraie grandeur de l’homme ».

Le pape a ensuite salué tout spécialement une délégation de sa Bavière natale, les remerciant vivement de leur proximité depuis le temps où il quitté l’archevêché de Munich et Freising pour venir au Vatican, à l’appel du pape Jean-Paul II, et pendant ces 23 ans passés comme préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi. Il est resté un « Bavarois » affirmait-il.

Il soulignait le lien existant entre la Bavière et Rome: deux « pôles » féconds. Il rappelait que l’Evangile est parvenu en Bavière depuis Rome, grâce aux marchands, aux fonctionnaires et aux soldats qui furent envoyés dans la région du Danube et de la Lech.

Au 16e et au 17e siècle, ajoutait le pape, (c’était à la suite de la Réforme) la Bavière a donné un « beau témoignage de sa fidélité à l’Eglise catholique », et ce fut source d’un échange culturel fécond entre la Bavière et le Siège de Pierre. Il citait également les « saints » modernes donnés à l’Eglise par la Bavière, le saint frère capucin Konrad von Parzam (1818-1894) et le bienheureux P. Rupert Mayer (1876-1945), jésuite vénéré à Munich. Des noms salués par des acclamations.

Enfin, le pape disait combien il se réjouissait de la prochaine rencontre de Cologne « où les jeunes du monde vont se rencontrer, ou plutôt où les jeunes du monde vont rencontrer le Christ ».

« J’ai confiance dans votre aide, concluait le pape, ému. Je vous demande votre proximité, et si je me trompe, comme il arrive à tout homme, ou lorsque quelque chose n’est pas compris (…) de ce que le pape dit ou fait. Je vous demande votre confiance. Ensemble, nous trouverons le droit chemin ».

Le pape terminait par sa bénédiction en se confiant à Marie, « Mère du Seigneur », en tant que « femme » et en tant que « mère ».

Il a ensuite invité les pèlerins à prier avec lui un Notre Père et un Je vous salue Marie, en allemand, avant de donner sa bénédiction, toujours en allemand. « Il ne me reste qu’à vous dire: Allez en paix », a-t-il conclu sous les ovations.

Il a ensuite reçu les évêques un à un, chaleureusement: on a assisté à de longues poignées de mains, aux accolades, ou bien le pape serrait tel prêtre ou tel évêque par les épaules, affectueusement, les relevant lorsqu’ils mettaient un genou en terre pour baiser l’anneau du pêcheur. Et tandis que le p ape ne se soustrayait pas à ces effusions, les jeunes scandaient son nom, longuement, … en italien: « Beee-ne-det-to ».

Un orgue avait été placé salle Paul VI pour accompagner ces salutations. Un cardinal – Friedrich Wetter, de Münich – a offert au pape une croix pectorale magnifique. Une statue polychrome de la Vierge à l’enfant lui a aussi été offerte, et le pape l’a aussitôt présentée aux acclamations de ses visiteurs en signe de remerciement.