ROME, Jeudi 24 avril 2005 (ZENIT.org) – Le Christ ressuscité demande à Pierre : « M’aimes-tu »? Cette scène de l’Evangile de saint Jean (ch. 21) a dominé la célébration de l’inauguration du pontificat de Benoît XVI, place Saint-Pierre, ce dimanche matin.

C’est en effet ce que représentait la tapisserie tendue à la loggia des bénédictions, au-dessus du trône pontifical. Au-dessus la tapisserie, le bas relief ornant la loggia représente le Christ remettant à Pierre le pouvoir des clefs : un pouvoir jaugé à la mesure de l’amour. Il était voilé par la tapisserie où apparaît habituellement le blason pontifical. Cette page de l’Evangile avait été cantilée en latin et proclamée en grec.

« Une des caractéristiques fondamentales du pasteur doit être d’aimer les hommes qui lui ont été confiés, comme les aime le Christ, au service duquel il se trouve, commentait le pape. « Sois le pasteur de mes brebis », dit le Christ à Pierre, et à moi, en ce moment. Être le pasteur veut dire aimer, et aimer veut dire aussi être prêt à souffrir » .

L’allégeance sans acception de personne
Priorité à l’amour et non au pouvoir. C’est ce que signifiait cet autre choix d’un geste liturgique: le pape Benoît XVI n’a pas voulu la cérémonie d’allégeance de chaque cardinal au nouveau successeur de Pierre. Symboliquement, ce sont des représentants de tous les états de vie du Peuple de Dieu du monde entier qui ont fait ce geste symbolique, après l’imposition du pallium et la remise de l’anneau.

Trois cardinaux ont fait le geste pendant que la schola chantait « Tu es Petrus » : le cardinal doyen Angelo Sodano, le cardinal archevêque émérite de Séoul, Stephen Kim Sou-hwan, et le cardinal Jorge Medina Estevez, préfet émérite de la congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements.

Puis vinrent un évêque, Mgr Andrea Maria Erba, évêque de Velletri Segni, un prêtre, Mons. Enrico Pomili, curé de la paroisse dont le cardinal Ratzinger était « titulaire », Santa Maria Consolatrice, à Rome, un diacre, Emile Martin Dibongue.

Venaient ensuite un religieux carme, le P. Jesus Castellano Cervera, et une moniale bénédictine, Madre maria Sofia, un couple de Corée, Clara Pak, François Min et leur fils Sébastien, et deux jeunes ayant reçu la confirmation, Veronica Arrikkanathan, du Sri Lanka et Charles Boliko, de la République démocratique du Congo.

Ce choix marquait une volonté de communion encore plus large, plus universelle, des baptisés avec le successeur de Pierre. Mais aussi le lien du pape avec l’Italie et Rome, tandis que d’Allemagne, il a fait venir son frère prêtre, Georg, qui est arrivé hier.

Universalité marquée aussi dans les intentions de prière proclamées non seulement en allemand et en français, mais en arabe, en chinois puis en portugais, langue du plus grand pays catholique du monde, le Brésil.

La procession des offrandes était confiée à des personnes de Hongrie, de Croatie, du Kenya, du Burkina-Faso – on reconnaissait le bou-bou des Travailleuses missionnaires et leur scapulaire de Notre Dame du Carmel -, mais aussi d’Italie, et de Chine. Elias Nolasco fermait la marche, en poncho blanc, avec Maria Ospino, dans sa belle robe blanche à volants : ils venaient du Pérou et se sont agenouillés à leur tour devant le trône papal pour échanger quelques mots avec le pape.

Partir de là où Pierre est arrivé
En début de matinée, la foule avait envahi la rue de la Conciliation. Dans la basilique Saint-Pierre vide, le pape s’était rendu au tombeau de Pierre : son ministère pétrinien part de « là où Pierre est arrivé ». Il était entouré des cardinaux rassemblés autour de l’autel de la « confession », situé sur la tombe et abrité par le baldaquin du Bernin et de la coupole de Michel Ange. Le pape les a salués avant de descendre jusqu’à la niche où une mosaïque représente le Christ : là, au plus près de ce que l’on appelle non le tombeau mais le « trophée » de Pierre, étaient disposés l’anneau du pêcheur et le pallium, insignes du ministère pétrinien.
Le pape est remonté du tombeau au rythme des louanges royales, datant du IXe siècle, et où ont été intercalées trois intercessions pour l’Eglise et pour le pape. On invoquait saint Joseph au moment où il revenait dans la nef de la basilique.

Les diacres les ont ensuite portés en procession jusqu’au parvis de la basilique, précédés de la procession des cardinaux et suivis du pape, calme et souriant. Les applaudissement ont crépité dès qu’il est apparu dans le narthex de la basilique, alors que les litanies invoquaient saint Augustin. Il était environ 10 h 10.

Le successeur de pierre avait choisi pour cette célébration la chasuble en fils d’or faite par les Bénédictines de Rossano, portée par Jean-Paul II à l’occasion d’une canonisation. Le motif de la coquille ornait la bande frontale de cette chasuble : c’est aussi un motif présent dans le blason des évêques de Munich-Preising, et que Joseph Ratzinger expliquait un jour comme « signe de notre pèlerinage, de notre marche: « Nous n’avons pas de cité permanente sur la terre ». »

Il ajoutait qu’elle lui rappelle « une légende selon laquelle saint Augustin, méditant sur le mystère de la Sainte Trinité, vit un enfant sur la plage jouer avec un coquillage, à l’aide duquel il essayait de puiser l’eau de la mer dans un trou. Et cette parole lui aurait été donnée : il est plus difficile à ton intelligence d’appréhender le mystère divin que de transvaser la mer entière dans un petit trou. Ainsi la coquille me rappelle mon grand maître saint Augustin, mes travaux de théologie et la grandeur du mystère qui dépasse toute science ».

La mitre a été réalisée pour les 50 ans de sacerdoce de Jean-Paul II, à la Toussaint 1996, par les stylistes italiens Stefano Zanella et Gianluca Scattolin. La passementerie d’or sur fond noir est rehaussée de trois types de pierres vertes taillées en perles: malachites, agates vertes et agates musquées. Elle s’était révélée de ce fait trop lourde pour le pape Jean-Paul II, déjà fatigué. Elle vient d’être rapportée de Lyon: une exposition organisée à Fourvière rassemblait des habits liturgiques de Jean-Paul II.

Le pape s’appuyait sur la croix pastorale de Jean-Paul II, qu’il tenait de Paul VI et Jean-Paul Ier.

La brebis perdue, au cœur de la célébration
Les insignes pontificaux ont été remis à Benoît XVI après le chant du gloria par le cardinal proto-diacre Jorge Medina Estevez et par le cardinal Angelo Sodano, doyen du collège cardinalice.

L’anneau du pêcheur a été remis par le cardinal Sodano. C’est le symbole du pouvoir de Pierre : il est l’œuvre du vice-président de l’association des orfèvres de Rome. Ce n’est pas un anneau portant une pierre précieuse : c’est un vrai sceau. Un sceau indépendant, mais identique, servira à « signer » les documents au long du pontificat.

Le pallium est porté autour du cou et retombe sur l’épaule gauche, du côté du coeur. Il est fait de la laine des agneaux élevés par les trappistes des Trois-Fontaines et de brebis, car le Christ confie à Pierre, dans la scène de saint Jean qui est la clef de cette célébration, de paître ses « agneaux » puis de paître ses « brebis ». Les agneaux sont traditionnellement bénis par le pape le jour de la sainte Agnès et sont tondus le mardi saint, une seule fois : ce jour là, dans la liturgie, le livre d’Isaïe évoque le Serviteur souffrant, figure du Christ, qui se laisse conduire comme un agneau muet que l’on tond. La laine est ensuite filée et tissée par les moniales bénédictines de Sainte-Cécile.

Benoît XVI a choisi cette forme de pallium long de deux mètres soixante et large de onze centimètre, se mblable à ceux du premier millénaire chrétien que l’on voit sur les antiques mosaïques de Sainte-Cécile par exemple.

Les croix de soie rouge qui l’ornent, représentent les plaies glorieuses du Christ. Trois d’entre elles, dont celles qui apparaissent sur les épaules sont ornées de broches d’or, représentant les trois clous de la crucifixion.

Après la remise des symboles, le pape, joyeux, a répondu aux applaudissements en élevant les mains et en saluant les fidèles.

Dans son homélie, Benoît XVI a souligné surtout la symbolique du Bon pasteur à la recherche de la brebis perdue représentée par le pallium. Il est bordé de soie noire, détail qui symbolise le sabot de la brebis.

Le peuple de Dieu de la « Conciliazione »
Quelque quatre cent mille personnes étaient rassemblées place Saint-Pierre, place Pie XI et rue de la Conciliation. Certains avaient dormi là, dans leurs sacs de couchage, malgré la nuit fraîche, pour être au plus près, dès l’aube. A la vue du pape, ils ont éclaté en cris de joie en scandant longuement, bannières en fête: « Beee-ne-det-to » ! Une longue ovation qui a repris après l’homélie.

Vers dix heures trente, la Protection civile annonçait que la place était comble et que l’on devait se diriger vers la Piazza del Popolo pour suivre la célébration sur les écrans géants en toute sécurité. Comme l’Italie célèbre demain sa « Libération », le pont a favorisé la venue d’Italiens de toute la péninsule et des îles, en famille, souvent avec des enfants en bas âge, dans leurs poussettes, comme ce jeune couple de Calabre et leur fils de sept mois.

Un calicot polonais annonçait: « Wadowice » ! Un drapeau français était brandi dans la foule par Marie, 13 ans, consciente de l’événement « historique » auquel il lui était donné de participer providentiellement. Son frère, Etienne, 16 ans, et leur maman, Martine, avaient prévu ce séjour à Rome depuis décembre, et ne savaient pas ce que ce 24 avril leur réservait. Venus de Nancy, en avion, ils auraient pourtant aimé plus de « recueillement »: difficile dans cette « foule », place Pie XII, qui débouche sur la place Saint-Pierre. Plus de trois cents cinquante prêtres, en soutane noire et impeccable surplis blanc, ont distribué la communion dans le plus grand calme. Il était 12 h 20.

Invitations en Bavière, en Pologne, et au Portugal
Quelque 141 délégations internationales étaient représentées sur le parvis de la basilique patriarcale : les souverains du monde côtoyaient les présidents, les ministres, les ambassadeurs des cinq continents, de toutes confessions chrétiennes et religieuses : plus de vingt nations de l’ancien bloc soviétique, plus de vingt nations en majorité musulmanes, plus de vingt nations d’Afrique, presque trente nations européennes – Allemagne et Bavière représentées par treize personnalités -, une trentaine d’Asie et d’Océanie, une vingtaine d’Amérique latine et deux d’Amérique du Nord.

On reconnaissait les souveraines catholiques à leur robe blanche, comme la reine Sophie d’Espagne, drapée de dentelle, à la droite de son époux Juan Carlos, alors que la couleur protocolaire des dames reçues au Vatican est traditionnellement le noir.

Le pape a reçu les personnalités une à une, après la messe, dans la basilique Saint-Pierre, revêtu du camail et de l’étole rouge et or, assis sur son trône devant l’autel de la confession et d’une sculpture en bronze doré représentant l’apparition du Christ ressuscité à Pierre et leur dialogue.

Benoît XVI a tout d’abord accueilli le président allemand Horst Köhler et son épouse, puis le chancelier Gerhard Schröder et son épouse, et le président de la région Bavière Edmund Stoiber et son épouse.

Ils étaient suivis de deux amis de Jean-Paul II : le président de la République italienne Carlo Azeglio Ciampi et son épouse.

Le pape a aussi accueilli avec un grand sourire M. Jean-Pierre Raffarin et son épouse avec lesquels il a échangé une poignée de main chaleureuse.

A cette occasion, le pape a été invité à Fatima. Hier, l’agence polonaise KAI avait demandé au pape de venir en Pologne, ce à quoi il s’est déclaré favorable. Il pourrait faire aussi un déplacement en Bavière avant la Journée mondiale des jeunes à Cologne, en août prochain.

La création en fête
La coopérative sociale « Il Cammino », de San Remo avait décoré les escaliers du parvis de Saint-Pierre de milliers de fleurs et de plantes, comme elle l’avait fait au cours de grandes célébrations du Jubilé et pour les XXV ans de pontificat de Jean-Paul II ou la béatification de Mère Teresa de Calcutta.

Ce matin, « Il Cammino » et la région de Ligurie ont offert entre autres sept mille roses, deux mille renoncules, mille lys, mille glaïeuls, et des milliers de genêts et de toutes sortes de rameaux fleuris, des mimosas, des oiseaux de paradis et des simples et généreux géraniums.

Ce jardin de la résurrection faisait participer toute la création à cette fête du ciel et de la terre, romaine et universelle tout ensemble.

Et puis Benoît XVI a fait en jeep blanche, qui rappelait tragiquement l’attentat du 13 mai 1981, le tour de la place Saint-Pierre, debout, en bénissant les fidèles qui se hissaient pour fixer dans l’appareil ou le téléphone portable une dernière image du pape Raztinger au jour de l’inauguration de son pontificat. La jeep est ensuite rentrée sous l’arc des cloches, et le pape est revenu, allégé de sa mitre et de la chasuble liturgique, dans la basilique recevoir les personnalités internationales.

C’est ainsi que le pape Benoît XVI a présidé la messe pour l’inauguration de son pontificat, 22 jours après la « naissance au ciel » du pape Jean-Paul II.