Fonds international de développement agricole © Vatican Media

Fonds international de développement agricole © Vatican Media

Fonds international pour le Développement agricole: discours du pape François (traduction complète)

Print Friendly, PDF & Email

La lutte contre la faim ne peut pas être qu’un slogan

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

Être déterminé dans la lutte contre la faim « est fondamental afin que nous puissions écouter, non pas comme un slogan, mais vraiment », qu’elle « n’a ni présent ni avenir. Seulement un passé ». C’est ce qu’a souligné le pape dans le discours qu’il a prononcé en espagnol ce jeudi matin 14 février 2019, au siège de la FAO, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la 42ème session du Conseil des Gouverneurs du Fonds international pour le Développement agricole (FIDA).

Voici notre traduction, à partir de la traduction italienne publiée dans L’Osservatore Romano en italien du 15 février.

HG

Discours du pape François

Monsieur le Président du FIDA, Messieurs les Chefs d’État, Monsieur le Président du Conseil des Ministres d’Italie, Messieurs les Ministres, Messieurs les Délégués et Représentants permanents des États membres, Mesdames et Messieurs,

C’est avec plaisir que j’ai accepté l’invitation que vous m’avez adressée, Monsieur le Président, au nom du Fonds international pour le Développement agricole (FIDA), pour la cérémonie d’ouverture de la quarante-deuxième session du Conseil des Gouverneurs de cette Organisation intergouvernementale.

Par ma présence, je désire apporter en ce siège les désirs et les besoins de la multitude de nos frères qui souffrent dans le monde. Je voudrais que nous puissions regarder leurs visages sans rougir, parce qu’enfin leur cri a été écouté et leurs préoccupations considérées. Ils vivent des situations précaires : l’air est vicié, les ressources naturelles épuisées, les fleuves pollués, les sols acidifiés, ils n’ont pas suffisamment d’eau pour eux-mêmes ni pour leurs cultures ; leurs infrastructures sanitaires sont très insuffisantes, leurs habitations pauvres et misérables.

Et ces réalités durent depuis temps tandis que, de l’autre côté, notre société a obtenu de grands résultats dans d’autres domaines du savoir. Cela veut dire que nous sommes face à une société qui est capable de progresser dans ses déterminations en vue du bien ; et elle gagnera aussi la bataille contre la faim et la misère si elle l’envisage sérieusement. Être déterminé dans cette lutte est fondamental afin que nous puissions écouter – non pas comme un slogan, mais vraiment – « La faim n’a ni présent ni avenir. Seulement un passé ». À cette fin, l’aide de la communauté internationale, de la société civile et de ceux qui possèdent des ressources est nécessaire. Les responsabilités n’échappent pas si on se les passe de main en main, mais elles doivent être assumées pour offrir des solutions concrètes et réelles. Ce sont les solutions concrètes et réelles que nous devons nous passer les uns aux autres.

Le Saint-Siège a toujours encouragé les efforts consentis par les agences internationales pour affronter la pauvreté. Déjà en décembre 1964, saint Paul VI avait demandé à Bombay (Inde), puis reproposé en d’autres circonstances, la création d’un Fonds mondial pour combattre la misère et donner un élan déterminant à la promotion intégrale des zones les plus appauvries de l’humanité (cf. Discours aux participants à la Conférence mondiale sur l’Alimentation, 9 novembre 1974). Et depuis, nous, ses successeurs, nous n’avons pas cessé d’animer et de promouvoir des initiatives analogues et l’un des exemples les plus évidents est précisément le FIDA.

La 42ème session du Conseil des Gouverneurs du FIDA continue dans cette logique et a devant elle un travail fascinant et crucial : créer des possibilités inédites, dissiper toute hésitation et mettre chaque peuple en condition d’affronter les besoins qui l’affligent. La communauté internationale, qui a élaboré l’Agenda 2030 pour le Développement durable, doit effectuer des pas supplémentaires pour accomplir réellement les 17 objectifs qui le composent. À ce propos, l’apport du FIDA est incontournable pour pouvoir réaliser les deux premiers objectifs de l’agenda, ceux qui se réfèrent à l’éradication de la pauvreté, à la lutte contre la faim et à la promotion de la souveraineté alimentaire. Et rien de tout cela ne sera possible si l’on n’obtient pas le développement rural, un développement dont on parle depuis longtemps mais qui ne s’est pas encore concrétisé. Il est paradoxal qu’une bonne partie des plus de 820 millions de personnes qui souffrent de la faim et de la malnutrition dans le monde vivent dans des zones rurales, et ceci est paradoxal, et qu’elles se consacrent à la production d’aliments et soient composées de paysans. En outre, l’exode de la campagne vers la ville est une tendance mondiale que nous ne pouvons ignorer dans nos considérations.

Le développement local a cependant une valeur en soi et non en fonction d’autres objectifs. Il s’agit de faire en sorte que toutes les personnes et toutes les communautés puissent pleinement déployer leurs capacités en menant ainsi une vie digne de ce nom. Aider à déployer tout cela, non pas de haut en bas, mais avec eux et pour eux, « pour et avec » a dit le Président.

J’exhorte ceux qui ont des responsabilités dans les nations et dans les organismes intergouvernementaux, ainsi que ceux du secteur public ou privé qui peuvent contribuer, à développer les canaux nécessaires afin que l’on puisse mettre en œuvre les mesures adéquates dans les régions rurales de la terre, pour qu’ils puissent être les artisans responsables de leur production et de leur progrès.

Les problèmes qui, en ce moment, marquent négativement le destin de beaucoup de nos frères, ne pourront être résolus de manière isolée, occasionnelle ou éphémère. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons unir nos efforts, obtenir des consensus, nouer des liens. Les défis actuels sont tellement mêlés et complexes que nous ne pouvons pas continuer à les affronter de manière occasionnelle, avec des résolutions d’urgence. Les personnes touchées par l’indigence devraient être directement mises en avant, sans être considérées comme de simples bénéficiaires d’une aide qui peut finir par engendrer une dépendance. Et quand un peuple s’habitue à dépendre, il ne se développe pas. Il s’agit de toujours affirmer le caractère central de la personne humaine, en rappelant que « les nouveaux processus en cours ne peuvent pas toujours être incorporés dans des schémas établis de l’extérieur, mais ils doivent partir de la culture locale elle-même » (Lettre encyclique Laudato si’, n.144), qui est toujours originale. En ce sens, et comme cela se produit ces dernières années, le FIDA a obtenu de meilleurs résultats à travers une plus grande décentralisation, en encourageant la coopération sud-sud, en diversifiant les sources de financement et les modalités d’action, en promouvant une action basée sur les évidences et qui, en même temps, génère la connaissance. Je vous encourage fraternellement à poursuivre ce chemin, qui est humble, mais c’est le bon. Un chemin qui doit toujours se traduire dans l’amélioration des conditions de vie des personnes les plus démunies.

Je partage enfin avec vous quelques réflexions plus spécifiques concernant le thème « Innovations et initiatives entrepreneuriales dans le monde rural », qui guide cette session du Conseil des Gouverneurs du FIDA. Il faut miser sur l’innovation, sur la capacité entrepreneuriale, sur le rôle principal des acteurs locaux et sur l’efficacité des processus de production, pour obtenir la transformation rurale afin d’éradiquer la dénutrition et de développer de manière durable le domaine agricole. Et dans ce contexte, il est nécessaire de promouvoir une « science avec conscience » en mettant réellement la technologie au service des pauvres. D’ailleurs, les nouvelles technologies ne doivent pas s’opposer aux cultures locales et aux connaissances traditionnelles, mais les intégrer et agir en synergie avec elles.

Je vous encourage tous, ici présents, et ceux qui travaillent habituellement au Fonds international pour le Développement agricole, afin que vos travaux, préoccupations et délibérations servent à ceux qui sont écartés – dans cette culture du rebut – et aux victimes de l’indifférence et de l’égoïsme ; et puissions-nous ainsi voir la défaite totale de la faim et une abondante récolte de justice et de prospérité. Merci.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Share this Entry

Hélène Ginabat

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel