Fonds international de développement agricole © Vatican Media

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Fonds de développement agricole : chercher les visages derrière les papiers

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Discours du pape aux employés (Traduction intégrale)

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« Derrière chaque papier il y a un visage », a affirmé le pape François aux employés du Fonds international de développement agricole (FIDA), ce 14 février 2019. Il a encouragé à « aimer » car « celui qui aime a la créativité pour découvrir des solutions où d’autres voient seulement des problèmes ».
En visite au siège de la FAO à Rome, dans la matinée, le pape a rencontré le Conseil des gouverneurs du FIDA, réunis en 42e session, puis il s’est adressé aux employés de l’agence des Nations unies, qu’il a remerciés d’aller « à contre-courant » : à une époque où « beaucoup n’ont pas de nourriture et vont à la dérive, tandis que quelques-uns se noient dans le superflu… merci parce que vous pensez et vous agissez à contre-courant. »
« Vous ne recevez peut-être pas beaucoup de remerciements ni de décorations, a-t-il fait observer, mais Dieu voit tout, il connaît votre abnégation et votre professionnalisme… il apprécie les heures que vous passez sans délai au bureau et les sacrifices que cela comporte. Dieu n’oublie jamais le bien et sait récompenser celui qui est bon et généreux. »
Dans son discours, le pape les a encouragés à vaincre « les dangers du pessimisme, de la médiocrité et de la routine » et à « mettre de l’enthousiasme dans ce (qu’ils font) jour après jour, même dans les petites choses ».
Le Fonds international de développement agricole (International Fund for Agricultural Development, IFAD) est une institution spécialisée du système des Nations unies. Il a été fondé en décembre 1977 dans le sillage de la Conférence mondiale de l’alimentation réunie à Rome en 1974. Il est aujourd’hui présent dans 181 pays du monde et engagé auprès des populations rurales les plus pauvres.
Discours du pape François
Mesdames et Messieurs,
Je pourrais parler en espagnol, qui est une des langues officielles, mais je préfère utiliser l’italien, parce que c’est sûrement mieux pour vous tous.
Je remercie Monsieur le président du FIDA pour son attention, pour sa courtoisie, et je suis heureux de pouvoir vous rencontrer, vous qui travaillez tous les jours pour cette importante institution des Nations unies. Vous êtes au service des plus pauvres de la terre : des personnes qui, en majorité, vivent en zones rurales, dans des régions éloignées des grandes villes, souvent dans des conditions difficiles et pénibles. A vous tous ici présents, ainsi qu’à vos collègues qui n’ont pas pu être parmi nous – vous êtes si nombreux à travailler ici ! – j’adresse un salut cordial.
En pensant à vous, me viennent à l’esprit deux simples mots. Le premier, qui jaillit de mon cœur, est “merci”. Je remercie Dieu pour votre service d’une cause aussi noble qu’est la lutte contre la faim et la misère dans le monde. Merci parce que vous allez à contre-courant : la tendance d’aujourd’hui est au ralentissement de la réduction de la pauvreté extrême et à l’augmentation de la concentration de la richesse dans les mains de quelques-uns. Peu ont trop et trop ont peu. Peu ont trop et trop ont peu, c’est la logique d’aujourd’hui. Beaucoup n’ont pas de nourriture et vont à la dérive, tandis que quelques-uns se noient dans le superflu. Ce courant pervers d’inégalité est désastreux pour l’avenir de l’humanité. Donc merci parce que vous pensez et vous agissez à contre-courant. Et merci aussi pour votre travail silencieux, souvent caché – je dirais aussi parfois ennuyeux : caché comme les racines d’un arbre, qui ne se voient pas, mais c’est de là que provient la sève qui nourrit toute la plante. Vous ne recevez peut-être pas beaucoup de remerciements ni de décorations, mais Dieu voit tout, il connaît votre abnégation et votre professionnalisme –je souligne le mot professionnalisme –, il apprécie les heures que vous passez sans délai au bureau et les sacrifices que cela comporte. Dieu n’oublie jamais le bien et sait récompenser celui qui est bon et généreux.
De nombreuses personnes nécessiteuses et défavorisées, qui survivent au milieu de tant de souffrances dans les périphéries du monde, tirent du bénéfice de votre travail. Pour bien réaliser ce type de service, il faut unir à la compétence une sensibilité humaine particulière. C’est pourquoi je voudrais vous conseiller de toujours cultiver votre vie intérieure et les sentiments qui élargissent le cœur et ennoblissent les personnes et les peuples. Ce sont des trésors qui valent plus que tout bien matériel. Élargir le cœur. Grâce à votre apport également, il est possible de réaliser des projets qui aident les enfants indigents – il y en a tellement dans le monde, tellement ! – les femmes, des familles entières. Beaucoup de belles initiatives se poursuivent avec votre soutien. Je vous remercie donc pour ce travail, et je le fais aussi au nom des nombreux pauvres que vous servez.
Le second mot que je voudrais vous dire, après le “merci”, c’est “allez !”. Cela signifie poursuivre votre oeuvre avec un engagement renouvelé, sans vous lasser, sans perdre l’espérance, sans céder à la résignation en pensant que ce n’est qu’une goutte dans la mer. Mère Teresa disait : “Oui, c’est une goutte dans la mer, mais avec cette goutte la mer est différente”. Le secret consiste à protéger et à nourrir de hautes motivations. De cette façon, on vainc les dangers du pessimisme, de la médiocrité et de la routine, et l’on parvient à mettre de l’enthousiasme dans ce que l’on fait jour après jour, même dans les petites choses, les choses dont je ne vois pas comment elles finiront. Le mot “enthousiasme” est très beau : nous pouvons l’entendre aussi comme “mettre Dieu dans ce que l’on fait” – cela vient de là : en-theos, enthousiasme, mettre Dieu dans ce que l’on fait. Parce que Dieu ne se lasse jamais de faire le bien, il ne se lasse jamais de recommencer. Chacun de nous en a l’expérience : combien de fois avons-nous recommencé dans notre vie ! Et c’est beau. Il ne se lasse jamais de donner une espérance. Il est la clé pour ne pas se lasser. Et prier – pour celui qui peut prier – aide à recharger les batteries avec une énergie propre. Cela nous fait du bien de demander au Seigneur qu’il travaille à notre côté. Et la personne qui ne peut pas prier parce qu’elle n’est pas croyante doit élargir son cœur et désirer le bien. Comme le disent les adolescents : “envoyer de bonnes ondes”, désirer le bien des autres. C’est une façon de prier pour ceux qui n’ont pas la foi et qui ne sont pas croyants.
En outre, dans tous les documents que vous traitez, je vous conseille de chercher un visage. C’est important : derrière chaque papier il y a un visage, dix visages, de nombreux visages… Cherchez un visage : les visages des personnes qui sont derrière les papiers. Se mettre à leur place pour mieux comprendre leur situation… Il est important de ne pas rester en superficie, mais de chercher à entrer dans la réalité pour entrevoir les visages et rejoindre le cœur des personnes. Elles sont très loin mais elles sont “transcrites” ici. Alors le travail devient une façon de prendre à cœur les autres, les événements, les histoires de tous.
Et une dernière chose : souvenons-nous de ce que disait saint Jean de la Croix : «L’âme qui chemine dans l’amour n’ennuie pas les autres, ni ne se lasse elle-même » (Paroles d’amour et de lumière, 96). Pour avancer il faut aimer. La question à se poser n’est pas “combien me pèsent ces choses que je dois faire ?”, mais “combien d’amour je mets dans ces choses que je fais”? Celui qui aime a la créativité pour découvrir des solutions où d’autres voient seulement des problèmes. Celui qui aime l’autre selon ses besoins et avec créativité, non pas selon des idées pré-établies ou des lieux communs. C’est un créateur : l’amour te conduit à créer, il va toujours de l’avant.
Enthousiasme, chercher les visages, aimer : c’est ainsi que l’on peut avancer, et je vous encourage aussi à avancer, jour après jour.
Dieu vous bénisse tous, ainsi que vos proches et le travail que vous réalisez au FIDA au bénéfice de beaucoup, pour vaincre le très grave fléau qu’est la faim dans le monde. Et moi aussi je vous demande quelque chose : je vous demande s’il vous plaît de ne pas oublier de prier pour moi, ou au moins de m’envoyer des bonnes pensées. Merci !
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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