"Existe-t-il des médias catholiques?", par le P. Rosica

La méthode médiatique de Jésus

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DUBLIN, lundi 18 juin 2012 (ZENIT.org) – « Existe-t-il des médias catholiques? Est-ce que les médias sont pour les catholiques? »: c’était le thème de cetet conférence donnée lors du Congrès eucharistique international de Dublin, jeudi 14 juin, par le P. Thomas Rosica, C.S.B., directeur général de la Fondation catholique Sel et Lumière média, au Canada et président de l’Université Assumption, de Windsor. Il évoque « la méthode médiatique de Jésus ».

Conférence du P. Rosica:

Sur la rive nord-ouest de la Mer Morte dans le sud d’Israël se trouve le site où habitaient les Esséniens. C’est également l’endroit où un pasteur bédouin a trouvé les manuscrits de la Mer morte en 1947. Cette journée-là, un premier manuscrit a été déplacé et les autres ont suivi les jours suivants. Cette découverte s’est avéré être la plus importante jamais faite. Elle dévoilait les sept premiers manuscrits de la Mer Morte. Les Esséniens, une secte Juive du Second Temple pourrait être catégorisés comme un groupe religieux fanatique qui a existé entre 200 avant J.C. et 75 ans après J.C. Ils avaient délibérément installé leur communauté sur un site inaccessible. Leur groupe était constitué de prêtres et de laïcs et ils vivaient en communauté une vie totalement consacrée à Dieu. Leur chef avait pour nom « l’enseignant vertueux ». Ils se percevaient eux-mêmes comme les vrais élus d’Israël et comme les seuls à respecter la Loi. Les Esséniens étaient convaincus que les Chefs et le Peuple de Jérusalem s’étaient égarés du droit chemin et étaient devenus infidèles à Dieu. C’est la raison pour laquelle ces Juifs se sont réfugiés à Qumran pour se préparer à la venue du Messie.

Les écrits esséniens révèlent l’humeur de ces Juifs messianiques fanatiques et c’est pourquoi nous pouvons aujourd’hui dresser un portrait de cette communauté. Nous connaissons leur manière de vivre, leurs croyances ainsi que des détails à propos du Second Temple comme leurs rituels. Les textes de Qumran nous apprennent beaucoup sur l’environnement religieux dans lequel ils ont vécu.

J’ai commencé ma présentation en proposant l’histoire de Qumran puisqu’elle offre à l’Église un paradigme pour ses relations avec le monde, avec les médias et la communication en général. Il y a certaines personnes, et même quelques autorités dans l’Église aujourd’hui, qui me semble s’approcher de cette communauté essénienne. En effet, certaines personnes croient former la seule vraie Église, les seuls vrais fidèles qui n’ont pas perdu leur chemin. Dans leur esprit, la seule façon d’entretenir des relations avec le monde est de le fuir et d’installer leurs communautés dans des lieux inaccessibles comme ceux de la Mer morte; construire dans des lieux hermétiques pour se protéger du monde extérieur. Dans cette perspective, les communications deviennent une affaire interne, nous prêchons pour ceux qui se trouvent déjà dans l’Église, pour ceux qui sont déjà sauvés, les pures, les personnes non problématiques.

Je ne crois pas personnellement que la méthode de Qumran soit la bonne façon d’entretenir des relations avec le monde d’aujourd’hui. Plutôt que de fuir la confusion et l’ambiguïté de notre époque en nous réfugiant dans la nostalgie du passé qui est aujourd’hui enterré dans le cœur de Dieu. Certains d’entre nous doivent rester dans les villes et présenter la cohérence et la beauté de l’Évangile et de l’enseignement de l’Église qui est fondamentalement comme un rayon d’espoir et une dose de joie. Tout cela nous devons le faire sur différents supports médiatiques et, cela, simultanément!

La méthode médiatique de Jésus

Jésus n’a pas construit sa maison sur la rive de la Mer morte mais bien dans la ville cosmopolite de Capharnaüm sur le bord de la Mer de Galilée. C’est dans ce village de pêcheurs, stratégiquement situé sur une extension de la Via Maris, qu’il a pu côtoyer les collecteurs d’impôts et le Centurion romain. Jésus se sentait beaucoup plus à la maison à Capharnaüm qu’à la Mer morte et à Jérusalem. Quoiqu’Il ne fût certainement pas un politicien, Jésus avait un vif sens de la politique et ne refusait jamais une invitation à souper. Jésus fréquentait les « impurs », les malades et les mourants, les pécheurs et ceux qui vivaient en marge de la société. Jésus était l’ami des pécheurs et des misérables. Sa méthode ne consistait pas à les condamner, mais plutôt en les inviter à embrasser un meilleur style de vie. Il nous enseigne à tous que c’est en étant avec les gens que nous pourrons aider, guérir, renouveler et réconcilier cette humanité blessée.

Jésus a demandé à ceux qui venaient à sa suite d’aller jusqu’aux extrémités de la terre, non pas de se limiter aux endroits confortables. Il a toujours parlé un langage que les gens pouvaient comprendre. Il a toujours utilisé les médias qui étaient accessibles à son auditoire. Jésus fut le plus grand des communicateurs. Son Incarnation était la plus grande œuvre de communication qui soit. Le défi auquel Il a dû faire face est en fait le même pour nous aujourd’hui. Pour relever ce défi avec succès, nous devons nous engager autant dans les médias traditionnels que dans les nouveaux médias. La façon la plus efficace est d’utiliser les médias pour transmettre des témoignages de ce que nous désirons présenter. La force de notre message et de notre histoire réside dans l’authenticité et la transparence avec lesquelles ils sont présentés.

Dans l’utilisation des médias pour évangéliser la multitude, nous ne devons jamais perdre de vue le besoin de rejoindre et d’enseigner aux personnes. Nous devons nous y adresser à l’auditoire comme s’il s’agissait d’une seule personne. Nous devons concentrer notre attention sur l’objectif de rejoindre le monde avec un message d’espérance, un thème cher à notre pape Benoît XVI, spécialement dans son encyclique « Spe Salvi ». Nous devons avoir une passion pour la vérité. Toujours nous appuyer sur ce terrain solide qu’est la relation personnelle avec Dieu et notre prochain. En fait, les médias peuvent être un lieu pour construire une culture de respect, de dialogue, d’amitié et un chemin où l’on respecte la dignité de tous les hommes et de toutes les femmes.

Nous avons toujours des améliorations à apporter dans les relations entre l’Église et les médias que ce soit d’un côté ou de l’autre. Les barrières, les hostilités qui existent entre les médias et l’Église doivent disparaître. Diffamer ceux qui sont impliqués dans les médias ne sert ni les autorités de l’Église, ni les personnes en général. Il est inutile de ne pas répondre à ces appels téléphoniques constants de journaliste, de ce producteur, d’éditeurs. C’est la manière de faire du démon! Ils ne les appellent pas « breaking news » pour rien!

D’un autre côté, la marginalisation de l’Église par rapport à certains médias ne sert pas davantage. En effet, ignorer ou marginaliser l’Église et les questions religieuses comme étant des sujets insignifiants, triviaux ou ne méritant pas une sérieuse réflexion ne profite à personne. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, et nous avons beaucoup de travail à faire ensemble pour servir la vérité et la décence dans un monde qui devient de plus en plus dépourvu de valeurs, de vertus et de sens. Cependant, ces réalités profondes ne peuvent pas être réduites à des extraits de 30 secondes. C’est pourquoi nous devons collaborer.

Ce qui est requis des catholiques qui souhaitent entrer dans l’arène des médias est d’abord et avant tout de la prudence, de la sagesse, de l’intelligence, du bon sens, de l’humour, et surtout, de l’humanité. La communication avec les médias, aujourd’hui, ne se r
éduit pas au travail de quelques professionnels « désignés » par les autorités de l’Église, c’est-à-dire à des personnes qui connaissent le métier et qui savent comment s’y prendre. Il y a aussi d’autres personnes qui (en pensant qu’ils sont des experts), connaissent mal le métier et finissent par rester toujours sur un mode de réaction et presque de croisade! Nous allons tous faire de grosses erreurs et des maladresses en nous aventurant sur la scène médiatique. Toutefois nous pouvons apprendre de ces erreurs, laisser aller les rancunes et les vieilles inimitées pour construire un avenir de collaboration.

Rappelons quelques principes fondamentaux sur les médias. Les médias contemporains ne sont pas intrinsèquement mauvais. Mettre de l’énergie et de la créativité dans l’expression positive de notre foi aidera à bâtir un environnement plus humain dans les médias. Les catholiques engagés dans les médias ont une grande responsabilité pour humaniser notre monde difficile. En effet, les médias remodèlent la société de façon spectaculaire. C’est pourquoi, nous devons être prudents dans notre relation avec ceux-ci en étant attentifs aux aspects négatifs. Il ne faut surtout pas être dupes et penser que les médias d’aujourd’hui sont moralement «neutres». Ils sont souvent dépendants de différents intérêts économiques mais également assujettis à des tentatives d’imposition de modèles culturels qui servent des visées idéologiques et politiques.

Les médias ont un rôle énorme dans la façon de penser des gens en général, rôle qui a été amplifié par le phénomène de la mondialisation. Cela nécessite une réflexion approfondie sur leur influence, en particulier quand il s’agit de questions d’éthique comme la solidarité et le développement. Les médias produisent de bons effets sur la société lorsqu’ils sont orientés vers une vision intégrale de la personne et du bien commun, c’est-à-dire qui reflète les valeurs véritablement universelles. Cela signifie qu’ils doivent se concentrer sur la promotion de la dignité humaine, être inspirés par la charité et se mettre au service de la vérité.

Plutôt que de simplement rejeter ou ignorer les nouveaux médias, nous devrions nous concentrer sur les façons dont nous pouvons les utiliser. Réfléchir à comment exprimer nos valeurs et ainsi fournir des modèles d’empathie, de solidarité et de respect de la personne humaine. Ce faisant, nous participerons à la « rédemption » des nouveaux médias et au renouvellement de nos communautés chrétiennes.

Une des valeurs prisées par l’industrie des médias est l’impartialité dans la présentation des nouvelles et de l’actualité. Cela signifie souvent que, dans le cadre d’une même émission deux visions diamétralement opposées sont traitées également et sans partialité. En ce sens, une technique journalistique très utilisée aujourd’hui consiste à se positionner en tant que critique et ainsi se mettre en position de contestation au regard d’une personne interviewée par exemple. Cela conduit souvent à la perception que les journalistes sont des « antis », qu’ils sont contre l’avis des personnes interviewées. Ainsi, chaque fois qu’un catholique est interviewé, l’entrevue semble être dirigée contre l’Église. De là provient la perception de certaines personnes qui voient dans les médias des « ennemis » de l’Église. Cependant, si nous examinons la réalité, on s’aperçoit que les médias semblent toujours contre l’opinion de ceux qu’ils interrogent. La tentative de traiter une nouvelle avec impartialité est toujours quelque chose de difficile, il est possible de le faire en étant sympathique ou très critique.

Est-ce que certains intervieweurs ou certaines émissions sont anticatholiques? La réponse est oui. Dans le monde des médias, il y a beaucoup d’animosité envers l’Église catholique. Cela est indéniable. Beaucoup ont aussi des préjugés. Les crises dans l’Église, en particulier la crise des abus au cours des dernières années ont fourni de bonnes raisons de se méfier de l’Église. Il est fatigant d’entendre parfois des catholiques et des gens de foi condamner les réseaux de télévision publics ou même les plus petits comme les réseaux religieux simplement parce qu’ils ont tenté de présenter une vision d’ensemble.

Par exemple, il y a quelques semaines, lorsque nous avons présenté sur nos ondes un portrait le plus objectif possible de la crise des « fuites » au Vatican, j’ai reçu de nombreux appels téléphoniques désagréables de nos téléspectateurs me disant que je montrais un manque de respect en révélant qu’il pouvait y avoir des problèmes au Vatican ! J’ai dit à une dame que le monde entier a parlé du « Vatileaks » et sa réponse a été : «Les médias catholiques ne doivent jamais présenter quelque chose de mauvais au sujet de l’Église ». Nombreux sont ceux qui expriment la même idée. D’autres se plaignent lorsque nous présentons de manière positive une vision joyeuse de la vie catholique. En effet, j’entend souvent des gens me dire que nous devrions parler beaucoup plus de l’enfer et de la damnation puisque, selon eux, c’est ce que le monde a besoin d’entendre !

L’avenir des médias à caractère religieux ne réside pas nécessairement dans une programmation à caractère religieux, mais en créant des programmes qui informent, éduquent et divertissent. Ceci donnerait peut-être une meilleure façon de présenter la foi à une société laïque qui ne tolère pas la religion lorsqu’elle parle d’éducation ou d’instruction. Aucun média important et sérieux n’ignorera jamais complètement la religion, mais nous ne devons pas nous attendre à ce qu’ils prêchent toujours en notre faveur. L’Église et les communautés religieuses ont besoin de comprendre les paramètres de l’environnement médiatique moderne, de travailler en leur sein, d’aider les décideurs d’émissions à trouver de nouvelles approches dans le traitement de nouvelles à caractère religieux ; des approches qui informeraient et divertiraient davantage, suivant en cela les critères de la communication moderne.

Avec l’arrivée de l’ère numérique, nous assistons à une diminution considérable de la presse catholique et chrétienne. Si elle souhaite garder un contact entre les vérités de la foi et la culture actuelle, plus particulièrement celle des jeunes générations, l’Église ne peut pas ignorer l’immense potentiel des médias en ligne. En même temps, nous ne pouvons pas ignorer les « vieux médias », parce que de nombreux pays moins développés comptent encore sur ces technologies traditionnelles. Aujourd’hui, la tâche des communicateurs, journalistes et animateurs travaillant pour l’Église, est de continuer à travailler sur le développement et l’utilisation des nouveaux médias pour communiquer l’Évangile et promouvoir une culture du dialogue. Un seul média ne suffit plus pour capter la complète attention des auditeurs.

Les médias visuels et électroniques, les plus populaires aujourd’hui, ont besoin d’un certain type de contenu. C’est autour de la brièveté, de la vitesse, du changement, de l’urgence, de la variété et des émotions qu’ils construisent leur popularité. Cependant, la pensée exige le contraire. Penser prend du temps, nécessite du silence et de la logique. Néanmoins, ces nouvelles formes de médias ont maintenant pris la place des livres et des publications imprimées dans le monde intellectuel. Le progrès matériel a toujours de bons et de moins bons côtés. Les nouveaux médias permettent de rejoindre un grand auditoire dans un laps de temps très court. Parfois même plus que ne peut le faire une émission de télévision. Les églises doivent être conscientes de ces développements puisqu’ils sont peu coûteux et très efficaces pour atteindre un public segmenté.

Nous ne devons toutefois pas penser que nos stratégies de communication pourront présenter parfai
tement le Message de l’Église. Non plus que la meilleure présentation de notre foi n’attirera jamais les critiques et les conflits. En toute honnêteté, le succès dans ce domaine serait un mauvais signe, indiquant l’ambiguïté ou le compromis, plutôt qu’une communication authentique.

La quête de sens est la force la plus puissante dans le monde. Ce que nous devons faire est de montrer à la culture que nous ne sommes pas contre elle, que nous avons une histoire fascinante, et que cette histoire peut avoir un effet positif sur le monde. Lorsque nous atteindrons ce but, les gens écouteront. Pour ce faire, nous devons éviter de fournir ce qui semble des réponses faciles et simplistes aux questions qui nous sont adressées. Souvent, les bonnes réponses sont celles qui sont difficiles.

Exemple d’experts médiatiques à travers les âges

Durant toute son histoire l’Église a utilisé des supports médiatiques pour répandre la Bonne Nouvelle. Saint Augustin a pratiquement inventé la forme de l’autobiographie; les constructeurs des grandes cathédrales médiévales ont utilisé la pierre et des vitraux; les papes de la Renaissance ont utilisé non seulement les bulles pontificales mais également des fresques colorées; Hildegarde de Bingen, aurait, dit-on, écrit les premiers opéras; les tout premiers Jésuites ont utilisé le théâtre et la scénographie pour rétablir la moralité dans des villes entières; Dorothy Day a fondé le journal de l’ouvrier catholique; le père jésuite Daniel Lord, SJ, a utilisé la radio; Mgr Fulton Sheen de son côté a utilisé la télévision avec un immense succès, et maintenant nous avons des cardinaux, des évêques, des prêtres, des frères, des sœurs et des laïcs catholiques qui écrivent des blogues et tweet ! Et n’oubliez pas Rita Antoinette Rizzo (Mère Mary Angelilca de l’Annonciation) qui a fondé l’Eternal Word Television Network dans une grange sur sa propriété dans le sud des États-Unis.

Dites ce que vous voulez à son sujet, elle est l’une des femmes les plus audacieuses que j’ai jamais rencontrée. Tout cela sans oublier le père Robert Barron, prêtre du diocèse de Chicago qui a donné à l’apologétique catholique une nouvelle notoriété, une nouvelle image crédible à travers “Word on Fire” ainsi que le projet magistral « Catholicisme ».

Ce soir, je tiens cependant à rappeler deux personnalités de notre histoire catholique qui incarnent pour nous la puissance de l’évangélisation à travers les médias et les symboles. L’exemple de saint François d’Assise est en ce sens très révélateur. En effet, c’est lui qui, cherchant à transmettre l’histoire de Noël, a pensé à l’exprimer à travers une crèche vivante. C’est dans la ville d’Ombrie près de la colline de Greccio, le 25 décembre 1223, que la première crèche vivante a vu le jour ! Saint François avait eu l’idée de cette crèche, non seulement pour contempler et adorer, mais surtout pour faire connaître le message du Fils de Dieu, de Celui qui, par amour pour nous, s’est dépouillé de tout et est devenu un petit enfant. L’intuition de François était étonnante: la crèche n’est pas seulement une nouvelle Bethléem, car elle évoque à nouveau l’événement historique et attire l’attention sur son message, mais aussi l’occasion d’une consolation immense et d’un bonheur profond.

Cette invention, célèbre la scène de la nativité, de l’Alliance entre Dieu et les hommes, entre la terre et le ciel. Grâce à saint François, les chrétiens sont capables de comprendre qu’à Noël, Dieu est véritablement devenu « l’Emmanuel », « Dieu avec nous », de qui aucune barrière ou distance ne peut nous séparer. Dans cet Enfant, Dieu est devenu si proche de chacun de nous… que nous pouvons avoir l’audace d’établir un rapport intime avec Lui, comme nous le faisons avec un enfant nouveau-né: nous pouvons Lui montrer notre affection.

Le deuxième expert en communication que je souhaite vous présenter aujourd’hui est beaucoup plus proche de nous, de l’époque où nous nous trouvons. Permettez-moi de vous rappeler l’instant où il a été présenté au monde. C’était un soir d’automne, le 16 Octobre 1978 pour être plus précis. Un cardinal polonais du nom de Karol Wojtyla sortait de la loggia de la basilique Saint-Pierre. Suivant la fumée blanche de cette cheminée de la Chapelle Sixtine désormais familière, ce fut sous le nom de Jean-Paul II que l’inconnu fut présenté à la foule qui l’attendait. C’est personnellement qu’il s’est adressé à l’immense foule, allant bien au-delà des mots latins prescrits d’une bénédiction Ubi et Orbi. Il a immédiatement été aimé du public se décrivant lui-même comme « un homme d’un pays lointain » appelé à servir à Rome. Dès le début de son pontificat, le jeune et athlétique pape s’est adressé au monde. Les médias ont su dès le début qu’ils avaient en Jean-Paul II, un ami. Depuis cette soirée inoubliable, les relations entre l’Église et les médias ont été profondément changées et, ce, tout au long de ses 27 années de pontificat.

Un épisode de sa vie mérite notre attention. En effet à la fin de l’hiver 2005, durant trois mois le monde a été inondé de mots, d’histoires et de cérémonies profondément émouvantes. Ces images provenant de Rome nous ont aidés à rappeler et évaluer la vie et la mission de ce charismatique leader mondial. En cette ère de télé-réalité, où l’on nous montre souvent les formes les plus grossières de l’existence humaine, le monde a été invité à prendre part à un autre type de télé-réalité. Celle de l’émotion due à la maladie, le suivant dans ses déplacements d’abord dans les appartements pontificaux au Vatican, puis à l’hôpital Gemelli de Rome et enfin de retour dans le Palais apostolique du Vatican.

Cette télé-réalité de 2005 a invité le monde entier à assister à la passion de Jean-Paul II. À suivre le spectacle du mystère de la souffrance et la mort c’est-à-dire du passage de la mort à la vie nouvelle. Plutôt que de cacher ses infirmités, comme la plupart des personnalités publiques le font, il a laissé le monde entier voir ce qu’il vivait. La télé-réalité du Vatican a atteint son apogée dans l’Octave de Pâques. Ce fut une occasion extraordinaire pour l’Église de témoigner au monde de la vérité de son enseignement. Toute cette aventure nous a été transmise par l’entremise des médias et de la « star » elle-même, Jean-Paul II. Ce n’était cependant pas une surprise puisque comme le défunt pape l’avait fait remarquer à plusieurs reprises: « Si les gens ne le voient pas à la télévision, c’est comme si rien n’avait eu lieu ».

Tout au long de ses 27 ans de pontificat, Jean-Paul II nous a enseigné que la communication est un pouvoir et qu’il doit être utilisé à bon escient. Avec de la prudence, nous pourrons faire passer notre message et ainsi il pourra porter ses fruits et, ce, malgré les obstacles. Si quelqu’un avait déjà fait l’expérience de ces différents obstacles, c’était bien Jean-Paul II. N’avait-il pas lui-même vécu longtemps sous les tyrannies du nazisme et du communisme ? Cacher notre message ne fera de bien à personne, après tout. Comme la graine de moutarde dans cette parabole du Nouveau Testament, nous devons semer pour récolter.

Le Bienheureux Jean-Paul II nous a enseigné que l’Église et la papauté peuvent faire beaucoup plus que prêcher, parler, écrire, saluer des gens et voyager ; bien que Jean-Paul II ait fait tout cela. Il a su communiquer à travers sa spontanéité, ses actions symboliques plus éloquentes parfois que certains de ses discours, ses homélies et ses encycliques en particulier. Et, enfin, durant ces grands moments sur la scène internationale. Jean-Paul II savait comment se servir des symboles. En effet, le mot «Symbole» provient du mot grec «symbolein » qui signifie « rassembler ». C’est le contraire du mot
grec «diabolein» qui signifie « diviser » et qui est à l’origine du mot «diabolique». Toutes ces actions contribuent à rassembler les gens dans la paix et l’amour. Jusqu’au moment de sa mort, et même après, le Pape Jean-Paul II n’a cessé de rassembler les gens dans la paix et dans l’amour. C’était la communication au service de la vérité.

Karol Józef Wojtyla a commencé son service historique au monde avec des mots qui allaient devenir la musique de l’ensemble du pontificat: «N’ayez pas peur! ». Imaginez si le monde des médias et de l’Église pouvaient prendre au sérieux ces paroles ! Imaginez tous les murs qui pourraient s’écrouler! Imaginez les ponts qui pourraient être construits!

Curieusement, le dernier document majeur du pape Jean-Paul II fut une Lettre apostolique intitulée « Le développement rapide ». Il l’a publiée le 24 janvier 2005. Le contenu de ce document remarquable a été quelque peu éclipsé par la souffrance finale du défunt pape, de sa mort, et de l’élection de son successeur. La lettre est adressée « aux responsables de la communication» et contient un message important pour tous les magnats des médias, les éditeurs, les journalistes, les écrivains, les producteurs, les webmestres et les blogueurs qu’ils soient catholiques ou non. Une « spiritualité de la communication » est l’un des messages majeurs de cette lettre qui n’est rien d’autre que le testament de Jean-Paul II sur les communications sociales. Ce n’est pas une coïncidence si ce dernier document de ce grand Pape porte sur ce thème. En effet, de tous les dirigeants de l’Église qui ont vécu, Jean-Paul II fut certainement l’un des plus grands communicateurs.

Dans cette lettre sur le développement rapide, Jean-Paul a écrit:

« Les médias deviennent une occasion providentielle pour rejoindre les hommes de toutes les latitudes, pour passer au-delà des barrières du temps, de l’espace et des langues, en formulant, dans des modalités les plus diverses, les contenus de la foi et offrant à qui cherche des points de repère sûrs qui permettent d’entrer en dialogue avec le mystère de Dieu révélé pleinement en Jésus Christ. »

Les communicateurs doivent être des témoins de valeurs bonnes pour la société. Par contre, ce message contenait également un avertissement et un défi:

« On trouve chez de nombreuses personnes la conviction que le temps des certitudes est irrémédiablement passé: l’homme doit apprendre à vivre dans un horizon de totale absence de sens, avec le sentiment du provisoire et de l’éphémère. Dans ce contexte, les instruments de communication peuvent être utilisés soit “pour proclamer l’Évangile soit pour le réduire au silence dans le cœur des hommes.”

La lettre sur le développement rapide devrait être une lecture obligatoire pour toute personne qui travaille avec les jeunes. Loin d’être seulement un manuel pour ceux qui travaille dans le domaine des communications, elle est surtout une charte pour ceux qui souhaitent évangéliser le monde moderne, en particulier à travers les nombreux types de médias qui s’offrent à nous aujourd’hui. Et s’il y a une génération de jeunes à qui a été confiée la mission et la vocation de l’évangélisation à travers les médias, c’est bien la génération actuelle.

Conclusion

Les gens ne cessent de me demander où j’ai reçu ma formation pour travailler dans les médias. Je souris et je leur dis que je ne regarde pas la télévision et que je vois peu de films. J’ai étudié l’Écriture Sainte à l’Université de Toronto, à l’Institut biblique pontifical de Rome, à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et à l’Université hébraïque de Jérusalem. J’ai passé presque toutes mes études devant des textes antiques grecs, hébreux et araméens. En d’autres termes, j’ai surtout étudié les écrits et les choses du passé. Je n’ai jamais étudié le cinéma, les médias ou les relations publiques.

Mais je leur dis aussi que j’ai eu le privilège d’avoir un maître et un mentor qui connaissait le pouvoir des mots et des images, et qui m’a appris tout ce que je sais de la télévision, des médias et de l’évangélisation. J’ai, en effet, étudié le caractère d’un homme pendant près de 27 ans…. J’ai eu le meilleur professeur et les meilleurs cours, plus que ce dont n’importe quel étudiant pourrait rêver.

Le Bienheureux Jean-Paul II nous a enseigné comment accueillir et dialoguer avec la culture qui nous entoure. Il y a certainement un temps pour faire directement face à la culture avec le message de l’Évangile et de l’Église. Mais une telle « confrontation » doit être faite avec civilité, conviction et charité. Nous avons besoin de montrer que nous ne sommes pas contre la culture ambiante, mais bien que nous avons une histoire fascinante, et que cette histoire peut rendre le monde meilleur. Lorsque cela arrivera, les gens vont nous écouter. Comme ils se sont arrêtés pour écouter l’histoire du pape Jean-Paul II. Et, ce faisant, beaucoup ont rencontré le Christ et son message d’espérance.

Comment cela peut-il continuer à se produire de nos jours? Le pape Benoît XVI utilise l’image du parvis des Gentils et non pas un campement à distance loin de la ville comme sur les rives de la Mer Morte dans un endroit très difficile d’accès. Le parvis des Gentils était la partie du Temple de Jérusalem qui était ouverte à tous les peuples, la partie que Notre Seigneur a débarrassé des marchands de monnaie:

« Aujourd’hui aussi, » dit-il, « l’Église doit ouvrir une sorte de « parvis des Gentils », dans lequel les gens pourraient s’approcher de Dieu, avant de le connaître et avant même d’avoir accès à son Mystère. Il devrait y avoir un dialogue avec les personnes pour qui la religion est quelque chose d’étranger, pour qui Dieu est inconnu et qui pourtant ne veulent pas clore simplement la question.

Les gens sont attirés par l’Église afin de trouver le sens spirituel de leur vie. Ils ne sont pas nécessairement sans Dieu et ils veulent apprendre sur notre sagesse. Cela fait partie de la nouvelle évangélisation qui conduira certains, mais pas tous, à l’adhésion à Église. Beaucoup de gens aujourd’hui, riches et pauvres, cherchent un sens et un but à leur vie. C’est cette recherche contemporaine qui définit notre travail dans les médias. Que ce soit par les catholiques ou les laïcs, s’ils sont utilisés correctement, les médias peuvent, en effet, être le parvis des Gentils du 21ème siècle.

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ZENIT Staff

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