L'Amérique latine ou le destin de l'humanité

Analyse de Rafael Navarro-Valls

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Propos recueillis par Nieves San Martin

ROME, mercredi 28 mars 2012 (ZENIT.org) –  La visite du pape au Mexique et à Cuba, son 23ème voyage apostolique, est un message d’espérance pour le continent latino-américain estime l’universitaire espagnol Rafael Navarro-Valls, professeur à la faculté de l’Université Complutense de Madrid. Il confie à Zenit  ses sentiments sur la signification de ce voyage, déjà placé sous le signe de l’espérance, et sur l’impact qu’il pourrait avoir sur tout le continent

Zenit – Professeur, quelle est la signification de ce second voyage du Saint-Père en Amérique latine?

Rafael Navarro-Valls – Avant même toute justification officielle – le bicentenaire de l’indépendance du Mexique et le 400ème centenaire de la Vierge del Cobre, patronne de Cuba – il est clair que l’objectif principal de ce voyage, comme il a été dit, est « une dette à payer » à l’Amérique latine.

Dans cette Amérique, où ils représentent la quasi totalité des catholiques du monde, mais surtout aux Etats-Unis, où leur concentration est forte,  les Hispaniques constituent une valeur immense pour le catholicisme américain.

Et quand on pense à cette double attaque à laquelle est confrontée le catholicisme de ces populations, menacées par le syncrétisme religieux et une influence accrue du relativisme venant d’Europe, en particulier d’Espagne, on comprend que Benoît XVI tient, par sa présence, à redonner de la vigueur aux racines du catholicisme latino-américain.

Sa priorité est donc de faire revivre la tradition catholique des peuples latino-américains, en lançant du Mexique (91,89% des baptisés dans l’Eglise catholique) et de Cuba (60,19%), un message d’espérance pour le continent qui, avec la Chine, marquera le futur de l’humanité. L’évidence de cet objectif  s’est vu dès l’instant où le pape a posé le pied sur le sol mexicain ou dès ses premières paroles à Cuba.

Naturellement  ce voyage ne manque pas d’ « obscures raisons politiques », mais il est tout de même ironique de penser  que Benoît XVI est en train, d’un côté, de tendre une main aux « frères communistes » de Castro (comme dit une branche de dissidents cubains) et de l’autre  de soutenir le PAN conservateur de Felipe Calderon (comme l’affirme la gauche mexicaine)…

Quels sont en ce moment les grands défis auxquels le Mexique est confronté?

Au Mexique il y a beaucoup de familles éclatées ou de migrations forcées, sans compter cette plaie de la pauvreté qui afflige une bonne partie de la société, la corruption politique et économique, la violence extrême du trafic de drogue, la crise des valeurs qui est vecteur de violence domestique et de criminalité.

Le pape lui-même a dressé, très lucidement, la liste de ces défis dans son discours dimanche, après la grande célébration eucharistique  au Parc du Bicentenaire de Leon. A ces défis s’ajoute la nécessité, pour l’Eglise catholique, d’une plus grande liberté religieuse, qu’il y ait une connexion entre  la Constitution mexicaine et les principales déclarations des droits de l’homme.

En ce moment, au sénat mexicain un projet de loi tend vers cette direction, soutenu par toutes les confessions religieuses présentes au Mexique.

Mais il y a aussi un beau défi spirituel qui est commun à beaucoup de pays : « la tentation d’une foi superficielle et de routine, souvent fragmentaire et incohérente » qu’il faut absolument vaincre. C’est-à-dire, vaincre la « lassitude » du religieux et retrouver la joie d’être chrétiens, Si nous analysons les discours du pape au Mexique ces jours-ci, on y trouve chacun de ces défis.

Quels sont les principaux défis de Cuba ?

Cuba est condamnée – que cela plaise ou pas – à  un « printemps cubain », à une situation semblable à celle des pays de l’Europe de l’est à la fin des années 80, et au  « printemps arabe » de ces temps-ci. Il ne faut pas oublier que le régime cubain est en train de mourir. C’est pourquoi, et je pense que la diplomatie vaticane le comprend, il ne convient pas d’accélérer cette agonie par des actions plus ou moins déstabilisantes. On parle d’une « ouverture politique à l’échelle caribéenne », qui permettrait une vraie liberté religieuse. Si celle-ci, qui est la première des libertés, est acceptée, le reste viendra tout seul.

La visite de Benoît XVI réalisera, donc,  ce qui est devenu un peu la synthèse de la prédication de Jean Paul II sur l’île : « Que Cuba s’ouvre au monde et le monde à Cuba »?

Selon moi les deux choses sont inévitables. L’anomalie politique de Cuba a besoin – comme a fait l’autre grande anomalie politique qui est la Chine – de se tourner vers le monde occidental qui tourne autour du dernier mur qui, en occident, sépare un peuple de sa liberté. Ce qui signifie qu’une fois pour toutes, doivent s’ouvrir les chaines idéologiques, qui emprisonnent encore le peuple cubain.

Qu’attendre de cette visite du pape ?

Une visite du pape peut avoir des effets directs ou collatéraux. Le premier résultat est silencieux: c’est ce qui se passe au fond des âmes qui reçoivent le message chrétien.

Qui peut mesurer la croissance d’une foi, celle de l’espérance et de l’amour au fond des personnes ? Parfois les experts se demandent : « S’est-il jamais passé quelque chose après chacun de ces voyages? » Cette question je l’ai moi-même posée un jour à un proche collaborateur de Jean Paul II, lequel m’a répondu par une anecdote.

A Kisangani, sur le fleuve Congo, par une nuit étouffante et après une journée exténuante, une personne demanda à un jeune missionnaire, que le paludisme et les difficultés matérielles avaient miné, faisant de lui un vieil homme avant l’âge: «  cela valait-il vraiment la peine que le pape vienne pour quelques heures seulement ? ». « Je ne peux faire un bilan – a répondu l’interlocuteur – de ce que Dieu veut faire ici. Mais ne serait-ce que tout le bien que cela a fait à mon âme de rester avec le pape dans ce coin reculé du monde, justifie ce voyage ».

Les effets collatéraux sont les pas qui ont été faits au plan des droits de l’homme ; cette apparition d’une nouvelle solidarité qui atténue l’égoïsme humain; l’accélération historique de la liberté – en particulier de la liberté religieuse – et en dernier, une plus conscience des exigences du vrai être humain. Et ces objectifs, on ne peut les atteindre en un instant : il faut du temps… et de la patience.

Traduction d’Isabelle Cousturié

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ZENIT Staff

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