Appel de l’aumônerie catholique des Gens du Voyage
De tristes événements mettant en cause des personnes de la communauté des Gens du Voyage sont survenus récemment dans la vallée du Cher. En plaçant l’ensemble de cette communauté, ainsi que celle des Rom (1) , sous le feu des projecteurs médiatiques et politiques. Ils ont servi de prétextes à des généralisations hâtives et à une recrudescence de la stigmatisation dont sont victimes ces populations. Nous le déplorons vivement.
Des enquêtes sont actuellement en cours sur ces événements. Il ne nous appartient pas de les commenter et nous faisons confiance à ceux qui en ont la responsabilité pour les conduire avec rigueur et équité.
Plusieurs associations se sont exprimées sur le sujet, parmi lesquelles l’Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques (ANGVC) avec laquelle nous sommes spécifiquement liés. Nous saluons la qualité de leurs propos qui se rejoignent pour présenter des analyses lucides, invitant à prendre du recul et à porter sur la situation un regard nuancé. Fait exceptionnel (2), c’est par un communiqué commun que les quatre principales associations de Gens du Voyage appellent à renoncer aux effets d’annonces pour rechercher des « réponses publiques, concertées et volontaristes ». Nous appuyons cette revendication et renvoyons à leurs textes pour ce qui concerne la situation quotidienne de personnes qui ont de grandes difficultés à faire valoir leurs droits au stationnement, au voyage, à la scolarisation, au travail, à la santé, à la citoyenneté (3).
Disciples du Christ qui a affirmé avec force : « Ce que vous aurez fait à l’un de ces petits c’est à moi que vous l’aurez fait » (Evangile de Matthieu/ 25, 40), l »aumônerie catholique des Gitans et Gens du Voyage (4) ne peut se résoudre à voir les Rom et Gens du Voyage victimes de préjugés et d’amalgames, boucs-émissaires désignés des difficultés de notre société, alors qu’ils en sont souvent les premières victimes. Nous sommes convaincus que le remède à la peur et à l’insécurité ne se trouve pas dans une surenchère sécuritaire mais passe par une action de longue haleine nourrie de respect et de connaissance réciproques.
Nous appelons nos frères et sœurs en Christ, mais aussi tous les hommes et femmes de bonne volonté, Gens du Voyage et sédentaires, Rom et gadjé, élus ou simples citoyens, à nous rejoindre sur le chemin d’un « vivre ensemble », gage possible d’un avenir partagé et d’une société pacifiée.
Mgr Raymond Centène Mgr Claude Schockert
Évêque de Vannes, Évêque de Belfort-Montbéliard,
En responsabilité pour la pastorale Évêque en charge du SNPMPI (5)
des Gens du voyage
Notes :
1. Le terme de « Gens du Voyage » correspond à une « invention » administrative propre à la France, une « terminologie pratique pour éviter toute connotation ethnique ». Le terme de «Rom» est celui sous lequel l’ensemble des groupes – Gitans, Manouches, Rom – présents lors du premier congrès mondial tsigane à Londres en 1971 ont choisi de se rassembler dans une perspective politique de lobbying auprès des institutions. Le terme « Tsigane » fait référence à une dimension sociologique qui concerne les descendants d’un « peuple d’origine indienne [mais] qui s’est diversifié au cours de l’histoire » en plusieurs ethnies qui ont néanmoins gardé « une culture commune et la conscience d’appartenir à une seule communauté ».
Les deux groupes « Rom » et « Gens du Voyage » se recoupent donc largement mais ne sont pas confondus : il y a des Rom sédentaires et des « Gens du Voyage qui ne sont pas tsiganes mais qui sont qualifiés simplement de par leur mode de vie » cf. Jean-Pierre Liégeois, sociologue, fondateur du Centre de Recherches Tsiganes de l’Université Paris V. Les passages entre guillemets sont extraits d’un entretien paru dans le journal « Libération » le 23 juillet 2010.
2. L’ANGVC, l’ASNIT et Action Grand Passage, l’UFAT et la FNASAT – Gens du voyage.
3. Aujourd’hui encore la France applique aux « Gens du Voyage » un statut d’exception pour lequel elle a été condamnée par les instances européennes (notamment le Conseil de l’Europe le 30 juin 2010) et à l’encontre duquel la Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) a rendu un avis défavorable.
4. L’aumônerie catholique des Gitans et Gens du Voyage a été fondée au lendemain de la dernière guerre. En lien avec d’autres intervenants elle est présente auprès des différents groupes et cherche à ce que les Tsiganes soient véritablement acteurs de leur vie. C’est dans cet esprit qu’elle a soutenu la création de l’ANGVC et qu’elle reste très impliquée auprès d’elle. Convaincue que la solution des tensions entre les hommes passe davantage par la construction de passerelles que par celle de murs ou de fossés, elle encourage les occasions de rencontres. Celles-ci sont sources d’enrichissement réciproque, par exemple lorsque les Tsiganes ravivent chez les Gadjé les valeurs fortes du sens de la famille et de la solidarité, ou leur communiquent le dynamisme de leur jeunesse et de leurs capacités d’adaptation. (www.gitanseneglise.org)
5. Service National de la Pastorale des Migrants et des Personnes Itinérantes