Nous avons de bons rapports. Nous nous trouvons à une époque où l’humanité regarde à nouveau avec confiance la religion comme la voie à même de résoudre ses problèmes matériels et spirituels ; c’est pourquoi l’Iran et le Vatican, qui sont deux pays religieux poursuivant des objectifs communs, peuvent établir des collaborations particulièrement utiles et efficaces en vue, notamment, du maintien de la paix dans le monde.
Z – Que pouvez-vous dire de votre rencontre avec Benoît XVI ?
Au cours de notre rencontre nous avons évoqué la possibilité de développer chaque jour davantage nos relations. En ce qui concerne la personne du pape, je puis dire que c’est quelqu’un de spirituel, intellectuel, humble et cordial sur lequel je compte pour un développement ultérieur des relations aussi bien entre l’islam et le christianisme qu’entre l’Iran et le Vatican.
Z – « Le Saint-Siège désire consolider ses relations avec la République islamique d’Iran, et favoriser la compréhension mutuelle et la collaboration en vue du bien commun ». Ce sont les paroles que Benoît XVI vous a adressées dans son discours. Sur quelles bases peut-on fonder ces propositions ?
La vision du monde monothéiste, la foi dans la dignité de la personne humaine, l’engagement en faveur de la promotion de la justice et l’opposition à toutes formes de terreur, de violence et d’oppression.
Z – Le pape s’est également félicité du travail réalisé conjointement par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et l’Organisation pour la culture et les relations islamiques. Comment voyez-vous cette initiative qui est en cours depuis plusieurs années ? Avez-vous connaissance d’éventuels nouveaux plans et projets pour le futur ?
La République islamique accueille et soutient cette initiative qui est une nécessité dictée par l’époque dans laquelle nous vivons, et qui vise à la compréhension mutuelle et à la collaboration en vue de la réalisation d’objectifs communs. Des actions concrètes et des prises de position fermes dans le contexte de la politique internationale peuvent produire des résultats bénéfiques pour l’humanité toute entière.
Z – Que pouvez-vous dire des relations entre musulmans et chrétiens en Iran ? Quel est l’engagement des chrétiens dans la société iranienne ?
Les chrétiens représentent l’une des communautés originaires de l’Iran et, depuis des siècles jusqu’à nos jours, ils ont toujours été des citoyens de plein droit. Il a toujours existé un respect mutuel entre les chrétiens et leurs concitoyens musulmans.
Z – Dans sa récente intervention à l’ONU sur le thème « Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les régions de Palestine dans le Proche Orient (UNRWA) », l’archevêque Celestino Migliore a déclaré : « la solution du conflit israélo-palestinien demeure la clé pour résoudre les multiples situations qui conduisent au chaos dans la région du Moyen-Orient et ont de graves implications dans le monde ». Le Saint-Siège continue à encourager le dialogue comme étant la voie pour la résolution de ce conflit. Quelle est votre opinion à cet égard ?
La sensibilité du Vatican et la récente intervention de l’archevêque Migliore, à propos des réfugiés palestiniens qui, voici soixante ans, ont été chassés de leurs maisons et de leur terre, sont appréciables. La solution juste consiste dans le retour des réfugiés palestiniens dans leur patrie et sur leur lieu de naissance, ainsi que dans la libre participation de tous, palestiniens, musulmans, chrétiens et juifs, au choix de leur propre gouvernement. Nous appuyons et soutenons les élections libres.
Z – Quel est le statut politique et social des chrétiens en Iran, en particulier sur le plan juridique ?
Dans la Constitution de la République islamique de l’Iran (Art 13, 14,64), le droit des minorités religieuses, comme le christianisme, a été reconnu. Les chrétiens jouissent de plein droit de la citoyenneté. Ils possèdent des églises, des centres culturels, des centres sportifs. Il suffit de songer que la seule ville de Téhéran compte 15 églises et 30 centres culturels et sportifs importants, avec des écoles et des journaux. Au parlement siègent trois représentants des communautés chrétiennes, dotés des pleins pouvoirs, en vertu d’une loi qui établit des quotas spécifiques afin de garantir le droit des minorités ethniques et religieuses à une représentation au parlement
Z – Pouvez-vous nous dire un mot du discours que vous avez adressé au pape ?
Dans la lettre j’ai évoqué certains points :
– la nécessité que les religions et les chefs religieux se sentent investis de la responsabilité de s’opposer aux injustices et oppressions et de défendre de toute façon les droits des minorités ethniques et religieuses dans toutes les sociétés.
– la suppression souhaitable du droit de veto au sein de l’ONU et la nécessité de dépasser les politiques du « deux poids et deux mesures », sources de discrimination et d’injustices au niveau mondial.
– le droit de l’Iran (comme des autres pays) à poursuivre des activités nucléaires pacifiques.
-l’amertume de constater le déchaînement en Occident d’une politique agressive islamophobe.
– la valeur d’une collaboration entre l’islam et le christianisme, et entre l’Iran et le Vatican, pour la défense de la dignité de la personne humaine et de la paix dans le monde.
Z – Quelle est la situation actuelle du dialogue interreligieux, à la lumière de la Lettre des 138 leaders musulmans (Une Parole commune entre Nous et Vous) et de toutes les initiatives qui en ont découlé, en particulier le Forum catholico-musulman ? Et quel terrain commun pour le dialogue en Iran ?
Dialoguer constitue une particularité fondamentale de l’être humain, et le Coran encourage le dialogue. La République islamique, pour sa part, soutient tout dialogue susceptible de favoriser la compréhension mutuelle et la collaboration effective dans la poursuite des objectifs communs, religieux et humains.
Z – Quelles relations y a-t-il entre l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamisme et l’ambassade d’Iran à Rome ? Existe-t-il une quelconque collaboration ou projet commun ?
Par le passé nous avons maintenu de bonnes relations, que j’ai l’intention de développer ultérieurement. Je voudrais demander à l’Institut pontifical d’instaurer un cours de persan et l’enseignement du droit chiite afin de favoriser une vision de l’islam et de la religion correcte et débarrassée de préjugés. Entre-temps, je me rends disponible tant pour l’enseignement que pour des rencontres de concertation avec cet Institut et avec d’autres instituts ou centres universitaires.
Z – Que peut-on dire à propos des manifestations de rues en Iran et de l’attitude des médias partagés entre opposition et pro-gouvernement ? Pouvez-vous nous parler des raisons et des solutions ?
La République islamique est légitimée aussi bien par la religion que par le peuple. Ils sont 85% à avoir participé aux récentes élections présidentielles qui ont été gagnées par le président Ahmadinejad avec 65% des suffrages, soit 24 millions cinq cent mille voix. Ceux qui en Iran parlent de fraude électorale non seulement n’ont fourni aucune preuve mais ont plutôt cherché, par des manifestations illégales, à s’opposer au gouvernement légitimement élu.
Et à présent, un groupe minoritaire, poursuivant des objectifs politiquement illicites, soutenu par les puissances étrangères, cherche à causer des problèmes internes, au mépris des millions d’Iraniens qui soutiennent le gouvernement et la République islamique.
Z – Dans votre discours adressé au Saint-Père, lors de l’audience, vous avez parlé de l’islamophobie répandue en Occident. Pouvez-vous nous dire un mot sur ce p
oint ?
La Révolution islamique a libéré le pays du joug des puissances, en particulier des Etats-unis, et a défendu les aspirations légitimes des populations. L’impérialisme et le sionisme internationaux voient l’islam pur agir contre leurs intérêts (illégitimes). C’est la raison pour laquelle ils répandent l’islamophobie dans le monde et en Occident sous des prétextes politiques, alors que la religion islamique, dans ses valeurs d’origine, non seulement ne produit et ne répand ni peurs ni inquiétudes, mais défend la dignité de la personne humaine et la paix dans le monde. Les actes terroristes ne sont pas l’expression de l’islam véritable, mais de groupes minoritaires (Talibans et Wahhabites, par exemple) qui n’ont rien à voir avec la religion. L’existence de ces groupes est le fruit des politiques occidentales de marque impérialiste. De toute façon, les groupes extrémistes ne constituent pas une caractéristique de l’islam, voire même se retrouvent largement en dehors. L’islam et la République islamique condamnent fermement toutes les formes de violence et de terrorisme.
Z – Que pouvez-vous nous dire du programme nucléaire iranien ?</b>
– Mon pays en tant que partie au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) n’est pas seulement contre l’usage de l’énergie nucléaire, mais réclame également le désarmement nucléaire dans le monde, notamment au Moyen-Orient
– L’Iran, en dépit de sa capacité technique et de son droit à produire l’uranium enrichi pour usage médical, s’est dit disposé, dans le cadre des rencontres récentes à Genève, à acquérir de l’uranium provenant de l’étranger ou à échanger son propre uranium.
– Je voudrais attirer l’attention sur le fait que, dans les années 50, les Etats-Unis ont vendu à l’Iran un réacteur de recherche nucléaire de cinq méga-watt et de l’uranium enrichi à 93%. Ce réacteur produit du radium à usage exclusivement pharmaceutique pour plus de cent hôpitaux.
Propos recueillis par Tony Assaf