ROME, Mardi 20 février 2007 (ZENIT.org) – L’ONG catholique (Entraide et Fraternité), qui soutient annuellement près de 150 actions de développement dans une trentaine de pays du tiers monde, organise une « campagne de partage » au nom des évêques belges. Le thème de cette année est : « Devenez scandaleusement solidaires ! »
La campagne du carême de partage 2007 sera l’occasion de faire le lien avec le 40° anniversaire de l’encyclique Populorum Progressio, publiée lors de la fête de Pâques 1967 par le pape Paul VI. « Cette encyclique est une véritable charte de la solidarité internationale qui nous interpelle toujours aujourd’hui » souligne l’évêque de Liège, Mgr Aloys Jousten, dans cet entretien accordé à Zenit.
Zenit : Mgr Jousten, après la campagne de l’Avent axée sur la solidarité avec les associations d’action contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans votre pays, s’ouvre mercredi la deuxième grande campagne de sensibilisation de l’année, centrée cette fois-ci sur la solidarité avec les pays en voie de développement. Un temps particulièrement fort de la vie de l’Eglise en Belgique ?
Mgr Jousten : La campagne de carême existe depuis près de 40 ans, et elle a toujours été en faveur du tiers-monde, donc des pays en voie de développement. Chaque année, Entraide et Fraternité, qui organise cette campagne de Carême au nom des évêques belges, fait un dépliant et des publications pour que les chrétiens prennent vraiment conscience de l’exigence de solidarité, de l’exigence d’entraide à partir de leur foi. Mais cette année, on met aussi l’accent sur le 40° anniversaire de Populorum Progressio en soulignant bien sûr que, comme le disait le pape Paul VI, le développement est le nouveau nom de la paix. Dans un monde comme le nôtre qui est tellement ravagé par la violence, cette solidarité est certainement à interpréter et à propager dans le contexte de la paix, au sens plus large du terme.
Durant cette campagne 2007, Entraide et Fraternité nous invite à être scandaleusement solidaires. Scandaleusement, évidemment, c’est un peu une façon de parler, mais qui revient à dire « soyez solidaires d’une manière vraiment étonnante et qui fasse presque bondir les personnes qui ne seraient pas sensibles à cette solidarité ».
Nous avons aussi chaque année des hôtes qui viennent d’ailleurs, d’autres continents, pour donner des témoignages sur leur pays, sur ce qui se passe chez eux . Ainsi, je crois qu’il y a toujours eu une prise de conscience assez claire et assez étonnante chez les chrétiens. D’ailleurs, chaque année cette campagne est effectivement un des temps forts de la vie de l’Eglise, notamment dans cette relation avec les autres continents, avec les autres pays.
Zenit : Est-ce que depuis la publication de Populorum Progressio, notre conscience de la coopération s’est modifiée ? Est-ce que notre conception même de qui est acteur du développement s’est élargie ?
Mgr Jousten : Evidemment, dire que cet objectif serait déjà atteint, serait vraiment exagéré. Cela dit, il me semble quand même que depuis 40 ans (depuis qu’Entraide et Fraternité existe et aussi depuis la publication de l’encyclique de Paul VI) une prise de conscience et une mise en pratique de cette prise de conscience et de cette exigence de solidarité s’est développée. Et il faut vraiment s’en féliciter ! Il me semble vraiment aussi que par les informations que nous recevons tous les jours, par la télévision et par la radio, les chrétiens et même les non-chrétiens sont plus sensibles à tout ce que le développement exige, tout ce que la paix, au sens large du terme, demande et requiert. Bien sûr, il y a aussi une réaction en sens inverse qui peut s’établir, dans ce sens que les gens pourraient dire « à quoi bon faire tout ça », je pense notamment à l’Afrique. Certains pourraient être découragés. Alors il est bon aussi que des chrétiens de chez nous aillent sur place, comme certains laïcs qui y vont déjà chaque année. Moi-même j’ai été récemment au Rwanda. Il y a deux ans j’ai été au Guatemala. Et il me semble que ces voyages ne sont certainement pas du temps perdus. Quand on est sur place, on voit d’abord quels sont les besoins, et puis toute la bonne volonté de la population. On voit aussi les limites de cette population, la véritable pauvreté, la pauvreté dans les moyens, parfois aussi dans la motivation. Quoiqu’il en soit on voit aussi que des choses sont possibles. Et en ce sens-là, il me semble que depuis 40 ans, nous avons vraiment fait du chemin.
Zenit : Peut-on parler d’une mondialisation de la solidarité ?
Mgr Jousten : Oui, je crois qu’on peut vraiment le dire. Et les évêques belges, la commission épiscopale, a publié en 2005 une déclaration sur la mondialisation qui a eu un effet très bénéfique. Cette déclaration a eu une belle répercussion dans les media et dans l’opinion publique. Je crois vraiment que nous avons pu sensibiliser les gens, enfin une partie en tous cas de la population. Chaque fois, nous devons aussi faire découvrir les possibilités d’action. Ça, je pense que c’est très important, car devant la dimension vraiment mondiale des problèmes, on pourrait toujours être découragé et se dire « il n’y a rien à faire ». Il faut alors montrer à chaque fois ce qui peut se faire, au niveau individuel, au niveau de l’associatif et au niveau politique. Il faut structurer des actions possibles. Cela me paraît indispensable.
Zenit : Qu’est-ce qui fait l’efficacité d’un geste de solidarité par rapport à un autre ?
Mgr Jousten : A mon avis, un geste de solidarité est un geste qui implique les deux partenaires. Ce n’est pas simplement de l’aide. C’est se dire : nous sommes solidaires et nous pouvons recevoir quelque chose l’un de l’autre. C’est se dire : nous pouvons nous enrichir mutuellement, même si l’objet de l’enrichissement n’est pas le même. Je crois que c’est ça qui est beau dans la solidarité vécue. On se sait touché des deux côtés et on sait qu’on se donne et qu’on reçoit en même temps.