Mgr Ivan Jurkovic © RV

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OIM : Tenir compte de la dimension familiale des migrations

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Intervention de Mgr Jurkovic (Traduction intégrale)

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Dans l’élaboration du Pacte mondial sur les migrations, « la dimension familiale doit être prise en compte », déclare Mgr Ivan Jurkovic. En effet, la famille est « le fondement sur lequel des situations culturelles et économiques stables peuvent prospérer » et elle est « essentielle » pour « établir des sociétés pacifiques et inclusives en vue d’un développement durable ».
L’observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et d’autres organisations à Genève est intervenu le 18 juillet 2017 lors d’un Dialogue international de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans le panel 1 intitulé « Comprendre la vulnérabilité des migrants : concepts, facteurs, cadres de protection et lacunes ».
Mgr Jurkovic estime qu’il faut « une approche globale et intégrée fermement centrée sur la personne humaine et sa dignité » qui tienne compte de « toutes les composantes du voyage migratoire », y compris les « étapes de ce voyage ».
Une solution globale aux vulnérabilités des migrants devrait, selon le représentant du Saint-Siège, « cibler simultanément les racines structurelles des migrations telles que les injustices, y compris la pauvreté et les inégalités, l’exploitation par le travail et le chômage, le racisme, les persécutions, la guerre et le changement climatique ».
Voici notre traduction de la déclaration de Mgr Jurkovic.
CR
Déclaration de Mgr Ivan Jurkovic,
Monsieur le Président,
La migration est devenue l’une des forces les plus puissantes qui façonnent notre vie sociale, politique, économique et culturelle, avec des implications presque partout dans le monde.
Pour répondre aux vulnérabilités des migrants, le Saint-Siège souhaite réaffirmer l’importance de développer et de mettre en œuvre une approche globale et intégrée fermement centrée sur la personne humaine et sa dignité. Une telle approche reste, en effet, le meilleur moyen de détecter et de surmonter les stéréotypes nuisibles, afin d’éviter de stigmatiser quiconque en raison de certaines caractéristiques personnelles ou sociales. En effet, lors de l’évaluation des besoins des migrants, il est important de prendre en compte tous les aspects de la personne et pas simplement une caractéristique.
Ma délégation estime que la vulnérabilité résulte d’un large éventail d’attitudes et de pratiques discriminatoires, comme cela est bien exprimé dans le document d’information. La vulnérabilité, comme « la capacité diminuée d’un individu ou d’un groupe à résister, à se prémunir ou à se remettre de » situations d’abus de leurs droits, signifierait qu’une telle définition implique que la condition de vulnérabilité est nécessairement provoquée par certaines circonstances, conditions ou facteurs extérieurs indépendants des attitudes personnelles ou du comportement des personnes et des groupes. En ce sens, le Saint-Siège se déclare préoccupé par les références, dans le document d’information, aux situations de vulnérabilité considérées comme telles sur la base du comportement sexuel plutôt que d’attitudes discriminatoires.
Cette approche plus étroite peut entraîner la négation ou l’ignorance de la centralité de l’ensemble de la personne en tant que telle, tout en recréant des « catégories » qui engendreraient des lacunes de protection à éviter, comme l’a préconisé le document d’information.
Cette approche devrait également tenir compte de toutes les composantes du voyage migratoire, y compris les causes distinctes qui incitent nos frères et sœurs à fuir leurs terres et le besoin qui s’ensuit de répondre en conséquence, et de toutes les étapes de ce voyage, y compris les pays d’origine, de transit, de destination et, lorsque c’est possible et faisable, du retour volontaire.
À cet égard, le pape François a souligné à plusieurs reprises l’impératif moral de protéger les travailleurs migrants, en particulier les « hommes et les femmes en situation irrégulière », ainsi que ceux « exilés et demandeurs d’asile » ou « victimes de la traite » (1); « … défendre leurs droits inaliénables, assurer leurs libertés fondamentales et respecter leur dignité sont des devoirs dont personne ne peut être exempté » (2).
Tout en rappelant qu’une solution globale aux vulnérabilités des migrants devrait cibler simultanément les racines structurelles des migrations telles que les injustices, y compris la pauvreté et les inégalités, l’exploitation par le travail et le chômage, le racisme, les persécutions, la guerre et le changement climatique, il faut reconnaître que ces vulnérabilités mêmes sont souvent une conséquence directe du manque de mise en œuvre des instruments de protection et du manque de respect de la dignité inhérente de la personne humaine et de ses droits inaliénables.
Monsieur le Président
Alors que nous abordons les situations vulnérables dans lesquelles se trouvent les migrants, la délégation du Saint-Siège souhaite attirer notre attention sur une réalité qui est souvent négligée dans les discussions sur les migrations, à savoir la relation intime entre un migrant et sa famille. Malheureusement, trop souvent, la migration entraîne une double vulnérabilité: d’abord, pour le migrant, mais en même temps pour sa famille.
Alors que les migrants apportent leur contribution positive à leurs sociétés d’accueil, ils sont souvent obligés de laisser derrière eux des membres de leur famille.
Comme nous le savons tous, la décision de migrer, d’abandonner son pays natal, est de loin l’un des choix les plus difficiles de la vie. Si, d’une part, les envois de fonds sont importants pour améliorer la situation « à la maison », ils ne compensent pas tout à fait les autres besoins humains tels que l’affection, l’éducation et les soins. À cet égard, le Saint-Siège souhaite réaffirmer que, dans l’élaboration du Pacte mondial sur les migrations, la dimension familiale doit être prise en compte, ce qui fait de la migration une expérience plus positive pour tous : en fait, la famille est vraiment le fondement sur lequel des situations culturelles et économiques stables peuvent prospérer (3) et est essentielle pour atteindre l’ODD 16 pour établir des sociétés pacifiques et inclusives en vue d’un développement durable.
Au fur et à mesure que nous progressons dans le cadre d’un Pacte mondial solide sur les migrations, le Saint-Siège considère qu’il est de la plus haute importance de trouver la volonté politique de combler « l’écart de mise en œuvre » des instruments de protection déjà développés et d’en faire la base de politiques véritablement humaines et globales. Plutôt que de simplement énumérer les droits ou engagements existants, nous devons faire des efforts supplémentaires pour renforcer leur mise en œuvre grâce à des mécanismes de coopération concrète qui mettent en pratique ces droits et principes pertinents.
À cet égard, une sorte de « mécanisme d’examen » volontaire pour la mise en œuvre du Pacte mondial sur  les migrations pourrait servir d’instrument pour voir où se situe la communauté internationale vis-à-vis de ses engagements envers les migrants. Ces mesures ne sont pas des concessions particulières aux migrants, mais sont en fait dans l’intérêt de la communauté internationale en général.
Merci, Monsieur le Président.
1 Pape François, Discours aux participants au Forum International Forum pour la Migration et la Paix, Cité du Vatican, 21 février 2017.
2 Ibid.
3 Cf. « Charte des droits de la famille », présentée par le Saint-Siège à toutes les personnes, institutions et autorités concernées par la mission de la famille dans le onde d’aujourd’hui, 22 octobre 1983.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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