Mère Teresa, la religieuse qui défia le système des castes

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Entretien avec le Fr. Joseph Babu, porte-parole de l’Église indienne

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ROME, Vendredi 30 juillet 2010 (ZENIT.org) – Il y a cent ans, le 26 août 1910, naissait à Skopje (aujourd’hui Ex-République yougoslave de Macédoine), Mère Teresa de Calcutta, dans le siècle Anjeza Gonxhe Bojaxhiu. Fondatrice en Inde de la congrégation des Missionnaires de la charité, la petite religieuse passa toute son existence aux côtés des déshérités de la terre.

Elle eut des amis influents parmi les leaders politiques et les artistes mais, surtout, elle noua des liens spéciaux avec Jean-Paul II. A lui, comme aux autres, elle demandait prières et soutien financier pour ses pauvres : En 1979, gratifiée du Prix Nobel de la paix, elle refusa le traditionnel banquet qui accompagnait la cérémonie et obtint que le montant de celui-ci soit destiné aux pauvres de Calcutta. Ce jour-là on lui avait demandé : « Que pouvons-nous faire pour promouvoir la paix dans le monde ?». Teresa, précise et combative, avait répondu : « Rentrez chez vous et aimez vos familles ».
 
Dans cet entretien avec le fr. Joseph Babu, porte-parole de la Conférence épiscopale indienne (CEI), ce dernier présente l’héritage légué par la religieuse.

ZENIT : Quel impact a eu sur la société indienne la présence de Mère Teresa? Et quels sont les principaux changements enregistrés après sa disparition?

Fr. Babu : Mère Teresa exerce une fascination universelle ici en Inde. Les personnes de religions et de cultures différentes ont pour elle une très grande estime, la considèrent une sainte. Ils vont sur sa tombe prier pour elle et ces jours-ci participent aux événements prévus dans les diverses régions de l’Inde pour commémorer le centenaire de sa naissance. Ici à New Delhi, la CEI organise des fonctions publiques pour lui rendre hommage et le président de l’Inde sera l’hôte principal de la cérémonie du 28 août.

Beaucoup de changements ont eu lieu dans sa congrégation, qui continue à grandir et à attirer de nombreuses jeunes femmes. Sr. Nirmala Joshi, qui remplace Mère Teresa, est une convertie de l’hindouisme au catholicisme. Elle a l’avantage de sensibiliser tous les secteurs de la société indienne et son admirable travail à la tête des Missionnaires de la charité a conduit la congrégation vers de nouveaux objectifs, au point que le gouvernement, pour cet engagement exemplaire, l’a honorée du Padma Vibhushan, la seconde plus haute distinction civile en Inde.

ZENIT : Mère Teresa a reçu le Prix Nobel de la paix à la fin des années 70. Que reste-t-il de son enseignement?

Fr. Babu : Le Prix Nobel a été attribué pour son travail de bienfaisance en faveur des plus pauvres parmi les pauvres. Grâce à elle de nombreuses personnes se sont senties inspirées et ont souhaité se consacrer aux exclus de la société.

Mère Teresa était une femme simple, mais très stimulante et l’Église indienne était fière de sa présence et de ce qu’elle apportait à la société. Beaucoup de personnes, même non chrétiennes, s’inspirent aujourd’hui de son travail, s’engageant dans des œuvres de charité.

ZENIT : Quelles demandes Mère Teresa faisait-elle à l’Église indienne?

Fr. Babu : Son message était très simple : Jésus aime tout le monde. Et elle a appelé l’Église à mener à bien cette mission qui consiste à donner de l’amour à tous, et à accorder à tous la possibilité d’être sauvés. Partout où elle allait, elle demandait aux gens d’œuvrer pour Jésus.

Elle était également très active sur le front des problèmes sociaux qui affligent l’Inde, comme le système des castes qui opprime beaucoup de couches de la société. Elle ne se préoccupait pas des critiques de ceux qui l’accusaient de glorifier la pauvreté ou qui, par exemple lui reprochaient de ne pas être capable d’apporter un réel changement social. Elle aurait pu répondre simplement qu’elle avait été appelée à faire ce peu qu’elle pouvait faire et que les autres, de la même manière, pouvaient faire ce dont ils étaient à leur tour capables de faire.

ZENIT : A quels problèmes majeurs les catholiques de l’ Inde sont-ils aujourd’hui confrontés?

Fr. Babu : Le problème principal est la menace que représente l’aile des groupes fondamentalistes qui ont pris pour cible notre personnel et nos institutions. Notre statut de minorité est menacé, et il devient difficile pour nous d’administrer de manière stable l’Église locale. Aucun missionnaire étranger ne peut venir en Inde pour travailler ou pour un séjour un peu long, et au petit nombre de ceux qui arrivent à entrer on les somme de quitter le pays, peu importe le temps de leur mission ici. Quant aux aides extérieures à certaines Églises, celles-ci sont constamment sous contrôle et passées au crible, rendant tout beaucoup plus difficile.

ZENIT : Pouvez-vous nous raconter quelque anecdote sur cette dévotion que les gens ont pour Mère Teresa?

Fr. Babu : C’est au nombre et à l’hétérogénéité de tous ceux qui viennent prier sur sa tombe que l’on voit que cette grande dévotion. Des personnes d’autres religions sont allées jusqu’à donner son nom à des écoles, des collèges, des universités. Beaucoup de pays ont baptisé des rues à son nom, ont émis des timbres postes et des monnaies commémoratives en son honneur.

Quand Mère Teresa est morte, le gouvernement indien lui a offert des funérailles d’État. Un hindou, un certain Navin Chawla, actuellement chef de la commission électorale indienne, a publié sa biographie et, toujours un autre hindou, Raghu Rai, lui a consacré un livre avec des photos d’elle.

ZENIT : Il y a eu beaucoup de discussions sur la « nuit noire » de Mère Teresa, décrite dans le livre « Come Be My Light » comme un « martyre du désir ». Quelle est votre opinion sur ce point ?

Fr. Babu : Je ne peux commenter cet aspect car cela a trait à sa vie intérieure. Toutefois, on pourrait présumer qu’elle aussi, comme tout être humain, a traversé des moments de doutes, de peurs et d’incertitudes. Il s’agirait donc d’une admission honnête de son humanité, qui est une partie intégrante de sa vie spirituelle.

ZENIT : En recevant le Prix Nobel, Mère Teresa a choqué le monde en exprimant son horreur pour l’avortement, « le plus grand destructeur de la paix, tous les jours », car « si une mère peut tuer son propre enfant, qu’est-ce qui nous empêche, à vous et à moi, de nous entretuer les uns les autres ». Pourriez-vous décrire son travail auprès des mères qui refusaient leur grossesse?

Fr. Babu : Ce que Mère Teresa voulait mettre en évidence, c’était la valeur de la vie humaine dans un contexte d’abus croissant de la science à vouloir interrompre la vie plutôt que la cultiver. L’avortement reste de toute façon un crime odieux contre l’humanité et Mère Teresa ne se lassait jamais de le répéter suivant en cela l’enseignement de l’Église.

Quand, sous prétexte de vouloir contrôler les naissances ont prenait la liberté de mettre fin à une vie, Mère Teresa s’opposait en disant : « Donnez-le moi, j’en prendrai soin ». De cette manière, elle s’est occupée de milliers d’enfants abandonnés dans le monde entier. Et ceci était son message à tous : les êtres humains doivent être aimés et soignés car il sont des dons de Dieu.

Mariaelena Finessi

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ZENIT Staff

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