Le Premier ministre Shintzo Abe, rencontre avec les autorités, Tokyo, Japon © Vatican Media

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Japon: le Premier ministre Abe évoque la stupeur du p. Petitjean en 1865

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Un hommage aux catholiques du Japon

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M. Shinzō ABE, Premier ministre du Japon, a salué l’histoire des catholiques du Japon en citant le prénom catholique d’un de ses ministres, « François », et la « stupéfaction » du missionnaire français des MEP, le p. Petitjean le 17 mars 1865, en découvrant des communautés catholiques au Japon.

Il les a évoqués dans son discours de bienvenue à la rencontre avec les Autorités et le Corps diplomatique en l’honneur du pape François, le 25 novembre 2019, au Sakura-no-ma Hall, de la résidence du Premier ministre, à Kantei, à Tokyo.

Il a exprimé son admiration et son émotion à l’évocation des fameux « chrétiens cachés » du Japon, qui ont maintenu leur foi en l’absence de tout prêtre pendant plus de 220 ans, une histoire, a-t-il souligné, qui « ne peut que bouleverser nos âmes aujourd’hui encore, transcendant le temps, l’espace et les différences entre les religions ». De fait, ils ont vécu une persécution de 260 ans.

Le Premier ministre japonais a aussi souligné le témoignage du pape en faveur des pauvres : « Ayant eu la chance d’observer de si près le pape François, qui chemine avec les pauvres et les personnes démunies et qui ne cesse d’encourager dans ce sens, j’ai moi aussi renouvelé ma détermination, une détermination à faire pression sans relâche, afin de faire du monde un endroit meilleur. »

Shinzō ABE a aussi rappelé ce qui est un « principe fermement établi du gouvernement japonais », contre le nucléaire militaire : « Nous continuerons de travailler afin de construire un pont entre les États dotés d’armes nucléaires et les États sans armes nucléaires. Je déclare ici que nous ne faiblirons pas dans nos efforts pour promouvoir le dialogue et obtenir la coopération des deux côtés ».
Mais il n’a pas évoqué la révision, demandée par certaines personnalités politiques, de l’article 9 de la Constitution, adoptée sous occupation des Etats Unis en 1946. Cela permettrait au Japon de se remilitariser: les évêques ont dit qu’ils y étaient opposés avec une bonne partie de l’opinion, et l’empereur lui-même. Selon des observateurs à Tokyo, le Premier ministre y serait plutôt favorable.
Il avait auparavant rencontré le pape François pour un entretien en tête à tête.

Voici notre traduction du discours du Premier ministre du Japon.

HG/AB

Rencontre avec le Premier ministre Shintzo Abe, Tokyo, Japon © Vatican Media

Rencontre avec le Premier ministre Shintzo Abe, Tokyo, Japon © Vatican Media

Discours de bienvenue de M. Shinzō ABE, Premier ministre du Japon

Sainteté Pape François,

Honorables participants,

Permettez-moi quelques brèves remarques, au nom du gouvernement japonais. Sainteté, bienvenue au Japon et dans les bureaux du Premier ministre. Je vous accueille très cordialement à l’occasion de cette visite.

Le pape François et moi-même venons d’avoir une conversation dans l’intimité. Le pape François a envoyé ses félicitations pour l’accession de Sa Majesté l’Empereur au trône impérial. Il a également eu l’amabilité de rencontrer ce matin des personnes qui ont souffert du tremblement de terre dans le Grand Est du Japon

J’ai exprimé ma profonde gratitude au pape François pour sa très grande prévenance. J’ai appris que le pape François avait un grand désir de visiter le Japon depuis son plus jeune âge. Aujourd’hui, un grand nombre de personnes sont venues ici dans l’espoir de vous rencontrer, Sainteté, y compris le vice-premier ministre Tarō ASŌ qui est juste là. Son prénom catholique est François, comme vous.

Maintenant, en accueillant le pape François et à travers ces quelques remarques, j’aimerais évoquer l’une de ses nombreuses Audiences générales. Il s’agit d’un discours donné au Vatican le 15 janvier 2014. Le pape François y fait indirectement référence à un événement historique qui a eu lieu au Japon. Cela s’est passé il y a environ cent-cinquante ans, le 17 mars 1865.

De manière inattendue, quelques personnes se rendirent dans une église qui venait à peine d’être construite, dans un lieu qui s’appelle Ōura, à Nagasaki. Il y avait des hommes et des femmes, avec des enfants en remorque, ils étaient environ une douzaine en tout. Ils venaient d’un lieu appelé Urakami. Le prêtre, le p. Bernard Petitjean, priait intensément tandis qu’ils observaient. Assez rapidement, une femme se détacha du groupe pour s’approcher de lui. Elle lui posa une question : « Où est la statue de la Vierge Marie ? » Ces mots ont dû susciter la stupéfaction du p. Petitjean, qui écrivit une lettre qu’il envoya à Paris dès le lendemain, avec la transcription en lettres latines des paroles japonaises qu’il avait entendues : Sancta Maria no gozowa doko.

Jusqu’à ce jour, environ 220 années s’étaient écoulées depuis que le Japon avait connu les derniers prêtres japonais. Ce fut le moment miraculeux où l’on découvrit des personnes d’une telle endurance qu’elles avaient continué de suivre leurs croyances au milieu d’une indicible persécution. L’on dit qu’un enseignement s’était transmis dans cette communauté qui avait survécu en s’aidant et s’encourageant mutuellement : « Dans sept générations, un prêtre viendra de l’autre côté de la mer ». La résilience pour maintenir l’unité parmi le cercle des croyants et pour adhérer à leur foi tout au long de ce qui fut, en effet, sept générations jusqu’à ce jour, ne peut que bouleverser nos âmes aujourd’hui encore, transcendant le temps, l’espace et les différences entre les religions.

Et pourtant, l’histoire est dure, bien sûr. Plus tard, une bombe atomique tomberait sur cette même ville de Nagasaki, et en outre directement sur le peuple d’Urakami. Une photo est exposée ici. Elle a été prise quelque part près de Nagasaki. C’était en 1945, après que la bombe atomique avait explosé, probablement à l’époque où l’été cède la place à l’automne. Sur la photo, un jeune garçon, d’environ 10 ans. Il porte un enfant sur son dos, la tête ballottante, les yeux fermés, qui semble être son frère, son petit frère. L’endroit où se tient l’enfant, pieds nus, droit dans une attitude d’attention rigide, tendu comme une flèche, est le crématorium. Le petit enfant sur son dos a déjà rendu son dernier souffle, et le garçon est venu rendre l’enfant à la terre.

Le pape François a fait de cette photo une carte. En ajoutant ce commentaire : « La tristesse de l’enfant est exprimée par ses lèvres pincées jusqu’au sang », le pape François a largement distribué cette carte, y inscrivant ces mots : « Le fruit de la guerre », avant sa signature. Cette même photo était exposée là où le pape François a prié hier à Nagasaki. Je ne trouve pas de mots – pour exprimer le poids de peine et de douleur causées par la bombe atomique, et aussi la profondeur des prières offertes par le pape François, qui montre son respect et sa compassion et dont le coeur exprime toute sa sympathie.

Étant le seul pays qui ait expérimenté l’horreur de la dévastation nucléaire liée à la guerre, le Japon est un pays dont la mission consiste à conduire les efforts de la communauté internationale en vue d’ « un monde sans armes nucléaires ». J’en suis convaincu et c’est un principe fermement établi du gouvernement japonais. Nous continuerons de travailler afin de construire un pont entre les États dotés d’armes nucléaires et les États sans armes nucléaires. Je déclare ici que nous ne faiblirons pas dans nos efforts pour promouvoir le dialogue et obtenir la coopération des deux côtés. Sainteté Pape François, depuis plus de 70 ans après la guerre, au Japon, nous avons résolument et indéfectiblement poursuivi la paix et la liberté

Le regretté Sadako OGATA, haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, avait répandu dans le monde l’idée selon laquelle le plus important est de fortifier chaque être humain et de permettre à tous de rêver en grand pour le Japon. Le Japon a continué d’éduquer des jeunes gens qui y croient et, non seulement qui y croient mais aussi qui le prouvent par leur action. Pour ma part, avec de nombreux Japonais, j’en suis fier.

Actuellement, les Volontaires japonais pour la Coopération Outremer mènent leurs activités dans les régions du monde les plus pauvres. Ce sont des jeunes qui, grâce à leur ténacité innée, ne ménageront pas leur peine, même s’ils doivent être malades de malaria, pour apporter de l’espérance aux pauvres, aux personnes en situation de faiblesse, aux femmes et aux enfants. Toutefois, au même moment, alors même que nous vivons en paix, des personnes sont persécutées. Des personnes sont emprisonnées sans raison, attendant leur libération.

Comme l’a affirmé le pape François : « Proteger toda vida » « protéger toute vie » – nous ne devons abandonner personne dans les profondeurs de telles formes de désespoir. Nous, qui respectons la liberté et chérissons les droits humains, nous devons, sans faute, sauver les personnes qui ne peuvent voir la lumière de l’espoir et ne trouve que le désespoir.

Ayant eu la chance d’observer de si près le pape François, qui chemine avec les pauvres et les personnes démunies et qui ne cesse d’encourager dans ce sens, j’ai moi aussi renouvelé ma détermination, une détermination à faire pression sans relâche, afin de faire du monde un endroit meilleur.

Je conclurai mes remarques en citant le pape François : « Les défis existent pour être relevés ! Soyons réalistes, mais sans perdre notre joie, notre audace et notre engagement plein d’espérance ».

Merci de votre attention.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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