Leonardo Cachuela, rencontre avec les jeunes à Tokyo, cathédrale Sainte-Marie, capture @ Vatican Media

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Japon: devant le pape, Leonardo Cachuela ose parler du harcèlement

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Et la réponse du pape François

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« Comment faire face aux problèmes de discrimination et de harcèlement qui se diffusent dans le monde ? », c’était la question de Leonardo Cachuela, jeune migrant philippin, qui a donné un témoignage au cours de la rencontre du pape François avec les jeunes, ce lundi 25 novembre 2019, dans la cathédrale Sainte Marie de Tokyo.
Leonardo Cachuela, jeune Philippin arrivé au Japon vers l’âge de dix ans, a souffert de harcèlement à l’école pendant des années. Il a osé avec courage en témoigner devant le pape, devant des milliers de jeunes et les télévisions du monde: « Je voulais disparaître… J’étais de plus en plus souvent seul… Cela a été dur tous les jours et j’ai plusieurs fois envisagé de me suicider », se souvient-il. Mais il dit aussi avoir été « souvent sauvé par les personnes à l’église et en entendant les paroles de Jésus ».
Le courage de parler
Le pape lui a parlé longuement après son témoignage, réussissant à le faire sourire.
Il lui a aussi longuement répondu dans un passage largement improvisé: le père Renzo De Luca S.J. est intervenu à chaque fois pour traduire en japonais les compléments ajoutés par le pape.
« Merci, Leonardo, de partager l’expérience du harcèlement et de la discrimination dont tu as souffert. De plus en plus les jeunes ont le courage de parler d’expériences comme la tienne. En mon temps, quand j’étais jeune, on ne parlait jamais des choses comme celles relatées par Leonardo. Le plus cruel du harcèlement en milieu scolaire, c’est qu’il blesse notre esprit et notre auto-estime au moment où nous avons le plus besoin de force intérieure pour nous accepter nous-même et pouvoir faire face à de nouveaux défis dans la vie », a expliqué le pape.
Il a évoqué les sentiments de celui ou celle qui est harcelé/e: « Il arrive que des victimes du harcèlement se culpabilisent même d’avoir été une cible ‘‘facile’’. Ils peuvent se sentir ratés, faibles et sans valeur, et aboutir à des situations hautement dramatiques : ‘‘Si seulement j’étais différent…’’. »
Celui qui harcèle, un faible et un peureux
Le pape a aussi évoqué ce que vit celui qui harcèle, ce son les « vrais faibles », des « peureux »: « Cependant, paradoxalement, ce sont ceux qui harcèlent qui sont les vrais faibles, parce qu’ils pensent qu’ils peuvent affirmer leur identité propre en faisant du mal aux autres. Ils s’en prennent parfois à toute personne qu’ils estiment différente, qui représente quelque chose qui les menace. Au fond, ceux qui harcèlent ont peur, ce sont des peureux qui se cachent derrière une force apparente. Et en cela – écoutez bien – quand vous sentez, quand vous voyez que quelqu’un éprouve le besoin de faire du mal à un autre, de harceler un autre, de le brimer, c’est celui-là qui est faible. Celui qui est brimé, ce n’est pas lui qui est faible, c’est celui qui brime, parce qu’il a besoin de faire le grand, le fort pour se sentir une personne. »
Le pape a confié ce qu’il avait dit à Leonardo après son témoignage et il a invité les jeunes à réagir ensemble pour dire « non »: « Je viens de dire à Leonardo: ‘‘Quand ils te disent que tu es gros, réponds-leur : c’est pire d’être maigre comme vous !’’.  Nous devons tous nous unir contre cette culture de harcèlement, tous ensemble contre cette culture de harcèlement, et apprendre à dire : ça suffit !  À cette épidémie, c’est vous-mêmes qui pouvez porter le meilleur remède. Il ne suffit pas que les institutions éducatives et les adultes utilisent toutes les ressources qui sont à leur portée pour prévenir cette tragédie, mais il faut qu’entre vous, entre amis, entre compagnons, vous puissiez vous unir pour dire : non ! Non au harcèlement, non à l’agression de l’autre ! Ça, c’est mauvais. Il n’est pas de plus grande arme pour se défendre contre ces actions que celle de pouvoir ‘‘se lever’’ entre compagnons et amis pour dire : ce que tu es en train de faire, le harcèlement, est grave. »
La consolation de Jésus
Il a aussi relevé que Leonardo a puisé sa force en Jésus: « Celui qui harcèle est un peureux, et la peur est toujours l’ennemi du bien, c’est pourquoi il est l’ennemi de l’amour et de la paix. Les grandes religions, toutes les religions que chacun d’entre nous pratique enseignent la tolérance, elles enseignent l’harmonie, elles enseignent la miséricorde ; les religions n’enseignent pas la peur, la division ou le conflit. En ce qui nous concerne nous chrétiens, écoutons Jésus qui disait constamment à ses disciples de ne pas avoir peur. Pourquoi ? Parce que si nous sommes avec Dieu et que nous aimons avec Dieu et aimons nos frères, cet amour chasse la crainte (cf. Jn 4, 18). Pour beaucoup d’entre nous, comme nous l’a si bien rappelé Leonardo, regarder la vie de Jésus nous permet de trouver la consolation, car Jésus savait lui-même ce que signifie être méprisé et rejeté, jusqu’au point d’être crucifié. »
Le pape a souligné comment Jésus a été rejeté, mais rempli d’une vie donnée: « Il savait également ce que c’est que d’être un étranger, un migrant, quelqu’un de ‘‘différent’’. Dans un certain sens – et ici, je parle aux chrétiens ainsi qu’à ceux qui ne sont pas chrétiens, considérez-le comme un modèle religieux -, Jésus a été le plus ‘‘marginalisé’’, un marginalisé rempli de Vie à donner ».
Un secret, pour être heureux
Il a invité le jeune à faire de même en soulignant que le monde avait besoin de lui: « Leonardo, nous pouvons toujours regarder ce qui nous manque, mais nous pouvons aussi découvrir la vie que nous sommes capable de donner et d’offrir. Le monde a besoin de toi, ne l’oublie jamais ! Le Seigneur a besoin de toi, il a besoin de toi pour que tu puisses donner du courage à tant d’autres qui demandent aujourd’hui une main qui les aide à se relever ».
A propos du mépris, le pape a insisté de façon imagée sur la seule attitude possible pour être « heureux »: « À vous tous, je voudrais dire une chose qui va vous servir dans la vie : regarder avec mépris, avec dédain une personne, c’est la regarder de haut, c’est lui dire : je suis supérieur et toi tu es inférieur ; mais il y a une seule façon licite et juste de regarder une personne de haut, c’est en l’aidant à se relever. Si l’un d’entre vous, moi compris, regarde une personne de haut, avec mépris, il est peu de chose. Mais si l’un d’entre nous regarde une personne de haut pour lui tendre la main et pour l’aider à se relever, cet homme ou cette femme est grand. Donc, quand vous regardez quelqu’un de haut, demandez-vous : où se trouve ma main, est-elle cachée ou est-elle en train de l’aider à se relever ? Et vous serez heureux. D’accord ? D’accord, oui ou non ? » Applaudissements.
Voici notre traduction du témoignage de Leonardo.
HG/AB

Leonardo Cachuela, rencontre avec les jeunes à Tokyo, cathédrale Sainte-Marie, capture @ Vatican Media

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Témoignage de Leonardo Cachuela
Mes parents sont Philippins et je suis né aux Philippines. Nous avons déménagé au Japon quand j’étais en primaire au cours moyen 1. C’était très difficile pour nous de vivre dans un autre pays. Je ne connaissais pas la langue et il y avait des différences de cultures et d’usages. Le problème dont j’ai le plus souffert était le harcèlement.
Lorsque j’étais à l’école primaire et au collège, j’ai été harcelé par un garçon de ma classe. Tout bas, mais juste assez fort pour que j’entende, il disait : « étranger pas-bon », « gros tas », « dégoûtant ». Il suffisait d’un coup d’oeil pour que je me sente ridicule et petit à petit, je n’arrivais plus à sourire ; tous les jours, je voulais disparaître.
Quand je me disais que les autres parlaient dans mon dos, cela me troublait encore plus. J’avais l’impression que mon existence même était niée. Je n’ai jamais subi de violences physiques, mais les mots, les regards, les expressions, et le fait de sentir une pression que je ne voyais pas m’oppressaient. À l’école, j’étais de plus en plus souvent seul, j’évitais les autres. Je n’avais pas beaucoup d’amis pendant les temps libres et quand j’essayais de me joindre à un groupe, tout le monde me laissait, me donnant l’impression qu’on m’évitait. Cela se reproduisait tous les jours, et je n’aimais pas aller à l’école. Parfois, je n’ai pas pu y aller pendant une semaine. Cela a été dur tous les jours et j’ai plusieurs fois envisagé de me suicider.
Toutefois, j’ai été souvent sauvé par les personnes à l’église et en entendant les paroles de Jésus. Parfois, j’allais à l’église le dimanche et je me sentais vraiment à l’aise. Des paroles gentilles de la part des prêtres, des animateurs et de mes amis, et aussi ce que Jésus a enseigné et les paroles de la Bible : « Ne crains pas, je suis avec toi. Ne sois pas surpris, je suis ton Dieu. Je t’affermirai, je t’aiderai et je te soutiendrai de ma droite victorieuse », tout cela m’encourageait.
Le harcèlement est un gros problème, pas seulement au Japon mais aussi un peu partout dans le monde. En plus, les lieux où le harcèlement est pratiqué s’étendent, de l’école à l’Internet. Il y a tant de personnes qui veulent simplement vivre heureuses mais qui n’arrivent pas à survivre.
S’il vous plaît, Saint-Père, comment faire face aux problèmes de discrimination et de harcèlement qui se diffusent dans le monde ?
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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