Le Pacte des Catacombes ©Walter Prysthon/CCFD-Terre Solidaire

Le Pacte des Catacombes ©Walter Prysthon/CCFD-Terre Solidaire

Amazonie : un «Pacte des catacombes pour la maison commune» (texte complet)

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«Rester fidèles à l’Esprit de Jésus»

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Suivant les traces des pères du Concile Vatican II qui ont signé, en 1965, le « Pacte pour une Église servante et pauvre », un groupe de participants au synode sur l’Amazonie s’est rendu aux catacombes de Domitille, à Rome, pour réaffirmer l’option préférentielle de l’Église pour les pauvres, le dimanche 20 octobre 2019, indique Vatican News en italien du même jour (Amedeo Lomonaco et Silvonei Protz). Un document intitulé « Pacte des catacombes pour la maison commune. Pour une Église à visage amazonien, pauvre et servante, prophétique et samaritaine » a été signé par le groupe de pères synodaux et de divers laïcs qui ont participé à la célébration, dont le CCFD-Terre Solidaire.
C’est le cardinal Claudio Hummes, rapporteur général du synode pour l’Amazonie, qui a présidé la messe au plus grand et plus ancien cimetière souterrain de Rome. Dans son homélie, le cardinal brésilien a rappelé que les catacombes étaient d’anciens cimetières où les chrétiens ont enterré leurs martyrs : « Ceci, a-t-il dit, est vraiment une terre sainte. » Cet endroit, a-t-il poursuivi, nous rappelle les débuts de l’Église, et l’Église « doit toujours revenir à ses racines qui sont ici et à Jérusalem ». Le synode, a déclaré le cardinal plus tard, est un fruit du Concile Vatican II. De nouvelles manières sont recherchées pour mener à bien la mission de proclamer la Parole. Il a ensuite souligné que les grands maux du monde sont dus à l’argent qui alimente la corruption, les conflits et les mensonges. Le cardinal Hummes a conclu que l’Église doit toujours être « priante ».
« Pacte des catacombes pour la maison commune »
Dans le « Pacte des catacombes pour la maison commune », les participants au Synode sur l’Amazonie rappellent qu’ils partagent la joie de vivre parmi de nombreux peuples autochtones, habitants des rives du fleuve, migrants et communautés de banlieue. Avec eux, ils ont expérimenté « la force de l’Évangile qui agit chez les plus petits ». « La rencontre avec ces peuples, lit-on le document, nous appelle et nous invite à une vie plus simple de partage et de gratuité. » Les signataires du document s’engagent à « renouveler l’option préférentielle pour les pauvres », à abandonner « toute mentalité et attitude coloniale », à annoncer « la nouveauté libératrice de l’Évangile de Jésus-Christ ».
Les autres engagements mentionnés dans le document sont ceux de « la marche œcuménique avec d’autres communautés chrétiennes » et de « l’adoption d’une vie joyeusement sobre devant la vague de consommation ». Les pères signataires s’engagent également à reconnaître « les ministères ecclésiaux déjà existants dans les communautés » et à rechercher de « nouvelles voies d’action pastorale ». « Conscients de notre fragilité, de notre pauvreté et de notre petitesse devant des défis aussi grands et sérieux, conclut le document, nous nous confions à la prière de l’Église ».
« Pacte des catacombes » de 1965
Le 16 novembre 1965, quelques jours avant la clôture du Concile Vatican II, quarante-deux pères conciliaires ont célébré l’eucharistie dans les catacombes de Domitille pour demander à Dieu la grâce de « rester fidèles à l’Esprit de Jésus » au service des pauvres. Le même jour, le document intitulé « Pacte pour une Église servante et pauvre » a été signé : il s’agissait de l’engagement de placer les pauvres au centre du ministère pastoral. Le texte, également appelé « Pacte des Catacombes », a été rejoint par plus de 500 pères du Concile.
Le document du 16 novembre 1965 contenait une exhortation adressée aux « frères de l’épiscopat » à mener une « vie de pauvreté », à être « serviteurs de l’Église et des pauvres », conformément à l’esprit proposé par le pape Jean XXIII.
Les signataires se sont engagés également à placer les pauvres au centre de leur ministère pastoral. L’engagement était aussi de partager, « dans la charité pastorale », la vie avec les frères en Christ afin que le « ministère constitue un véritable service ».
Une Église pauvre pour les pauvres, le vœu du pape François
L’engagement pris par les pères conciliaires en 1965 a également été l’un des premiers vœux exprimés par le pape François immédiatement après son élection au trône de Pierre. Le 16 mars 2013, en recevant les représentants des médias, dans la salle Paul VI, le pape affirmait : « Comme j’aimerais une Église pauvre et pour les pauvres ! »
Dans une lettre adressée en 2016 au père Julián Carrón, président de la Fraternité de Communion et Libération, le pape a également appelé à un retour aux « racines » : « Dans un monde déchiré par la logique du profit, qui crée de nouvelles formes de pauvreté et engendre la culture du rebut, je ne me lasse pas d’invoquer la grâce d’une Église qui soit pauvre et pour les pauvres. Il ne s’agit pas d’un programme libéral, mais d’un programme radical, car il consiste en un retour aux racines. »
Texte du « Pacte » renouvelé
Nous, les participants du Synode Panamazonien, partageons la joie d’habiter parmi de nombreux peuples indigènes, quilombolas, habitants des berges des rivières, migrants, communautés aux périphéries des villes de cet immense territoire de la Planète.
Avec eux, nous avons expérimenté la force de l’Évangile qui agit et prend si bien chez les plus petits. La rencontre avec ces peuples nous interpelle et nous invite à une vie plus simple de partage et de gratuité.
À l’écoute de leurs clameurs et marqués par leurs larmes, nous accueillons de tout cœur les paroles du pape François :  » De nombreux frères et soeurs en Amazonie portent de lourdes croix et attendent la consolation libératrice de l’Évangile, espèrent la tendresse aimante de l’Église. Pour eux et avec, marchons ensemble ».
C’est avec gratitude, que nous évoquons les évêques qui, au terme du Concile Vatican II, signèrent dans les Catacombes de Sainte Domitille le Pacte pour une Église servante et pauvre.
Nous nous souvenons avec vénération de tous les membres des Communautés Ecclésiales de Base, des Pastorales et des mouvements populaires ; des responsables indigènes, missionnaires et laïcs hommes et femmes, prêtres et évêques qui versèrent leur sang pour cette option pour les pauvres, pour défendre la vie et lutter pour la sauvegarde de notre Maison commune.
À la gratitude que nous éprouvons envers leur héroïsme, nous unissons notre décision de continuer leur lutte avec fermeté et courage. En effet, c’est un sentiment d’urgence qui s’impose devant les agressions qui dévastent aujourd’hui le territoire amazonien, menacé par la violence d’un système économique prédateur et consumériste.
Devant la Sainte Trinité, devant nos Églises particulières, les Églises d’Amérique latine et des Caraïbes et celles qui sont solidaires avec nous, en Afrique, Asie, Océanie, Europe et dans le Nord du continent américain, aux pieds des apôtres Pierre et Paul et de la multitude des martyrs de Rome, d’Amérique latine et en particulier de notre Amazonie, en profonde communion avec le successeur de Pierre, nous invoquons l’Esprit Saint et nous prenons, sur les plans personnel et communautaire, les engagements suivants :
1. Assumer, devant l’extrême menace du réchauffement climatique global et de l’épuisement des ressources naturelles, l’engagement de défendre sur nos territoires et par nos attitudes la forêt amazonienne sur pied.
C’est d’elle que proviennent le don des eaux qui irriguent une grande partie du territoire sud-américain, la contribution au cycle du carbone et la régulation du climat global, ainsi qu’une incalculable biodiversité jointe à une riche sociodiversité, au bénéfice de l’humanité et de la Terre tout entière.
2. Reconnaître que nous ne sommes pas les maîtres de la Terre mère, mais ses fils et ses filles, formés de la poussière de la terre (Gn 2, 7-8), ses hôtes et pèlerins (1P 1, 17b et 1P 2, 11), appelés à devenir ses zélés gardiens (d’après Gn 1, 26).
À cet effet, nous nous engageons pour une écologie intégrale, dans laquelle tout est en interdépendance, le genre humain et la création tout entière, car la totalité des êtres sont fils et filles de la terre et sur eux se meut l’Esprit de Dieu (Gn 1, 2).
3. Accueillir et renouveler chaque jour l’alliance de Dieu avec tout le créé : « Voici que j’établis mon alliance avec vous et avec votre descendance et avec tous les êtres animés qui sont avec vous : oiseaux, animaux domestiques et sauvages, bref, tout ce qui est sorti de l’arche, tous les animaux de la terre » (Gn 9, 9-10 ; 12-17).
4. Renouveler dans nos Églises l’option préférentielle pour les pauvres, en particulier les peuples autochtones, et avec eux, garantir leur droit à être des protagonistes dans la société et dans l’Église ; les aider à préserver leurs terres, leurs cultures, leurs langues et leurs histoires, leurs identités et leurs spiritualités. Croître dans la conscience de ce que celles-ci doivent être respectées localement et globalement et, en conséquence, favoriser par tous les moyens à notre portée, que ces peuples autochtones soient accueillis sur un pied d’égalité dans le concert mondial des autres peuples et cultures.
5. Abandonner, il s’ensuit, dans nos paroisses, diocèses et groupes, toute espèce de mentalité et posture colonialiste, en accueillant et valorisant la diversité culturelle, ethnique et linguistique, dans un dialogue respectueux avec toutes les traditions spirituelles.
6. Dénoncer toutes les formes de violence et d’agression à l’encontre de l’autonomie et des droits des peuples autochtones, quant à leur identité, leurs territoires et leurs formes de vie.
7. Annoncer la nouveauté libératrice de l’évangile de Jésus-Christ, dans l’accueil de l’autre et du différent, comme il en fut pour Pierre dans la maison de Corneille : “Vous le savez bien, il est interdit à un juif de frayer avec un étranger ou d’entrer chez lui ; mais Dieu vient de me montrer qu’il ne faut appeler aucun homme profane ou impur » (At 10, 28).
8. Cheminer de façon œcuménique avec d’autres communautés chrétiennes dans l’annonce inculturée et libératrice de l’Évangile, et avec d’autres religions et personnes de bonne volonté, dans la solidarité avec les peuples autochtones, les pauvres et les petits, afin de défendre leurs droits et préserver la Maison commune.
9. Instaurer dans nos Églises particulières un style de vie synodal, où les représentants des peuples autochtones, les missionnaires et les laïcs, hommes et femmes, en raison de leur baptême et en communion avec leurs pasteurs, aient voix et vote dans les assemblées diocésaines, les conseils pastoraux et paroissiaux, bref, dans tout ce qui relève de leur compétence dans le gouvernement des communautés.
10. Nous employer à la reconnaissance urgente des ministères ecclésiaux qui existent déjà dans les communautés et qui sont exercés par des agents de la pastoralecatéchistes indigènes, ministres de la Parolehommes et femmes, en mettant particulièrement en valeur leur service au regard des plus vulnérables et des exclus.
11. Rendre effectif dans les communautés qui nous sont confiées le passage d’une pastorale de visite à une pastorale de présence, en s’assurant que le droit à la Table de la Parole et à la Table de l’Eucharistie soit effectif dans toutes les communautés.
12. Reconnaître les services et la réelle diaconie exercée par un nombre élevé de femmes qui dirigent aujourd’hui des communautés en Amazonie, et faire en sorte de les consolider grâce à un ministère conforme à leur fonction de femmes dirigeantes de communautés.
13. Chercher de nouveaux chemins d’action pastorale dans les villes où nous oeuvrons, en faisant une place particulière aux laïcs et aux jeunes, en prêtant attention aux périphéries et aux migrants, aux ouvriers et aux chômeurs, aux étudiants, éducateurs et chercheurs, ainsi qu’au monde de la culture et de la communication.
14. Assumer, devant l’avalanche d’offres de la société de consommation un style de vie joyeusement sobre, simple et solidaire de ceux qui n’ont que peu ou rien ; chercher à réduire la production de déchets et l’utilisation des plastiques, favoriser la production et la commercialisation de produits agroécologiques, utiliser autant que possible les transports publics.
15. Nous placer aux côtés de ceux qui sont persécutés à cause de leur service prophétique de dénonciation et réparation des injustices, de défense de la terre et des droits des petits, d’accueil et assistance aux migrants et aux réfugiés. Cultiver des amitiés véritables avec les pauvres, visiter les personnes les plus simples et les malades, en exerçant le ministère de l’écoute, de la consolation et du soutien qui donne du courage et renouvelle l’espérance.
Conscients de nos fragilités, de notre pauvreté et petitesse devant de si grands et graves défis, nous nous confions à la prière de l’Église. Et surtout, puissent nos Communautés ecclésiales venir à notre secours par leur intercession, leur affection dans le Seigneur et, chaque fois que nécessaire, par la charité de la correction fraternelle.
C’est d’un cœur ouvert que nous accueillons l’invitation du cardinal Hummes à nous laisser guider par l’Esprit Saint en ces jours du Synode et au retour dans nos Églises :
“Laissez-vous envelopper dans le manteau de la Mère de Dieu et Reine de l’Amazonie. Ne nous laissons pas vaincre par l’autoréférentialité, mais bien par la miséricorde devant la clameur des pauvres et le cri de la terre. Beaucoup de prière, de méditation et de discernement seront nécessaires, en plus d’une pratique concrète de la communion ecclésiale et de l’esprit synodal. Ce Synode est comme une table que Dieu a préparé pour ses pauvres et il nous demande, à nous, d’être ceux qui servent à table ».
Célébrons cette Eucharistie du Pacte comme « un acte d’amour cosmique« . « Oui, cosmique ! Car, même lorsqu’elle a lieu sur le petit autel d’une église de village, l’Eucharistie est toujours célébrée, en quelque sorte, sur l’autel du monde ». L’Eucharistie unit le ciel et la terre, embrasse et pénètre toute la création. Le monde sorti des mains de Dieu retourne à Lui en pleine et heureuse adoration : dans le Pain eucharistique, « la création tend à la divinisation, aux noces saintes, pour s’unir à son Créateur ».
« C’est la raison pour laquelle l’Eucharistie est aussi source de lumière et motivation pour nos préoccupations à l’égard de l’environnement, et qu’elle nous conduit à être les gardiens de la création tout entière ».

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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