Notre-Dame de l'Atlas © moines-tibhirine.org/notre-dame-de-l-atlas

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Algérie : vers la béatification de 19 martyrs catholiques, par le p. Georgeon

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Dont les moines français de Tibhirine

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« Rendre hommage aux 19 martyrs chrétiens signifie honorer la mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie en Algérie dans les années 90 », a déclaré le père Thomas Georgeon, moine trappiste français et postulateur de la cause de béatification de « Mgr Pierre Claverie et de ses compagnons », dont les sept moines français de Tibhirine, de l’abbaye NotreDame de l’Atlas qui ont inspiré le film de Xavier Beauvois « Des hommes et des dieux ».
En tout, ce sont 19 religieux et religieuses catholiques tués en Algérie. Le décret de béatification pourrait être approuvé en ce mois de janvier, indique « Mondo e Missione », la revue de l’Institut pontifical des missions étrangères de Milan (PIME), du 1re janvier 2018.
Le procès de béatification, commencé en 2006, a été plutôt rapide, estime le postulateur : « Grâce au cardinal Préfet et, probablement, à la volonté du Saint-Père, nous avons bénéficié de délais très rapides. Il me semble, que la congrégation pour les causes des saints et, plus globalement, le Saint-Siège, aient voulu que cette cause ait aujourd’hui une réelle importance ecclésiale. »
« Le pape François est très attentif à cette cause, poursuit le moine, car il a bien compris l’enjeu et il pense que le témoignage de nos 19 frères et sœurs est une merveilleuse invitation au dialogue avec l’islam, un dialogue du bon « vivre ensemble »: dans le respect de l’altérité et de la foi de l’autre. »
« L’Église, affirme le père Georgeon, est dans une logique de pardon et de miséricorde et elle désire l’offrir à l’Algérie toute entière ; être celle qui aide à panser les blessures, en respectant la souffrance et les cicatrices encore nombreuses. »
« Le Saint-Père, dit-il, a beaucoup insisté sur ce point au cours de l’audience qu’il nous a accordée avec les évêques Paul Desfarges d’Algérie et Jean Paul Vesco d’Oran. Et il a souligné le sens de cette cause, en nous parlant de Mohammed, le jeune ami de Mgr Claverie, assassiné avec lui. Leur sang s’est mêlé dans l’amour pour cette terre et ce peuple. » Leur histoire a inspiré « Pierre et Mohamed« .
Les évêques algériens aimeraient que la béatification ait lieu en Algérie, à Oran, diocèse dont Mgr Claverie était le pasteur, indique le père trappiste. « Le pape ira-t-il en Algérie ? Tout est possible, mais rien n’est décidé », estime le postulateur. « Certes, cela serait un bel encouragement pour l’Église algérienne et, j’ose croire et espérer, un geste fort envers les Algériens qui sont, comme tant d’autres, sensibles à la personnalité et aux paroles du pape François. »
Une coexistence possible entre les religions
« Le message de ces 19 religieux et religieuses est clair, affirme le père Georgeon : il faut approfondir la signification de cette présence de l’Église et montrer qu’une coexistence fraternelle et respectueuse est possible entre les religions. Dans le monde musulman, c’est l’Évangile de la paix qui est annoncé et témoigné. »
Les martyrs algériens, poursuit-il, « peuvent enseigner ce que signifient la persévérance et la fidélité » « dans le monde d’aujourd’hui ». « Et, dans une perspective de dialogue interreligieux, ajoute-t-il, ils nous montrent la voie de l’humilité. Qui veut entrer en dialogue doit avoir le « goût » de l’autre, mais aussi un grand respect pour sa foi. »
Le moine trappiste estime que « ces 19 martyrs nous invitent aussi à la conversion, pas à changer de religion, mais à une dynamique intérieure ». Il cite les paroles du frère Henri Vergès qui disait : « Prends ouvertement le parti de l’amour, du pardon, de la communion contre la haine, la vengeance et la violence ». « Certaines phrases, explique le postulateur, expriment cette espérance commune, cet évangile de la vie qu’ils ont voulu suivre jusqu’au don suprême. »
Chacun des martyrs algériens, raconte le postulateur, « a été un témoin authentique de l’amour du Christ, de dialogue et d’ouverture aux autres, d’amitié et de fidélité au peuple algérien. Avec une immense foi en Jésus Christ et en son Évangile. Ils n’ont donc pas donné leur vie pour une idée, pour une cause, mais pour le Christ ».
Ils ont agi « avec un profond amour de la terre où le Seigneur les avait envoyés, l’Algérie », « avec une attention et une délicatesse évangélique à l’égard de ce peuple, spécialement envers les petits et les humbles, et envers les jeunes », « avec le respect de la foi de l’autre et le désir de comprendre l’islam ».
« Leur vie et leur mort, résume-t-il, sont comme une icône de l’identité de l’Église d’Algérie. Ils ont incarné jusqu’à la fin sa vocation à être « sacrement » de la charité pour le Christ et pour tout son peuple. »
« Martyr », c’est-à-dire « témoin »
Le père Georgeon parle aussi des « attentes » des Algériens quant à cette béatification : elles sont « diverses ». « Beaucoup, dit-il, attendent cette reconnaissance. Pour d’autres, c’est plus difficile, ils n’aiment pas le terme « martyr », car ils craignent que rappeler ce douloureux passé soit un exercice périlleux. »
Pour le postulateur de la cause, la prochaine béatification est « une belle occasion » non seulement « pour évoquer la mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie en ces sombres années », mais « pour redécouvrir aussi le vrai sens du terme ‘martyr’, qui veut dire ‘témoin’. »
« Le sens du mot « martyr », explique-t-il, est souvent objet de malentendu ; il faudrait pouvoir faire des catéchèses qui rendent le juste sens à ce terme, c’est-à-dire celui de « témoin », ça serait bien. Et des témoins il y en a eu des dizaines de milliers en Algérie, des personnes qui ont combattu, chacune à sa manière, pour une société juste et pacifique, refusant tout fondamentalisme. »
Les sept moines cisterciens de Tibhirine ont été enlevés en mars 1996 dans leur monastère, à 80 km au sud d’Alger. Spet cierge on brûlé dans la cathédrale Notre-Dame de Paris pendant tout le temps de leur captivité, en signe de la prière incessante pour eux.
Mais leur mort a été annoncée le 23 mai 1996 par le Groupe islamique armé (GIA). La macabre découverte de leur têtes,  le 30 mai suivant, n’a pas permis d’éclaircir les circonstances de leur mort.
Avec une traduction d’Océane Le Gall

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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