Paul, le révolutionnaire (I)

Entretien avec Mgr Penna, spécialiste du Nouveau Testament à l’université du Latran

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ROME, Dimanche 30 novembre 2008 (ZENIT.org) – Depuis le 29 juin 2008, manifestations, conférences, congrès et célébrations liturgiques se succèdent dans toutes les églises du monde pour commémorer les 2000 ans de la naissance de l’apôtre Paul, le plus grand missionnaire de tous les temps. 

ZENIT s’est entretenu avec Mgr Romano Penna, professeur à l’Université du Latran à Rome, l’un des plus grands experts de la vie et des œuvres de Paul de Tarse. Il a consacré toute sa vie de chercheur, de professeur universitaire, à l’apôtre des nations, publiant divers ouvrages connus pour leur rigueur scientifique, leur envolée passionnée, le tout dans un langage captivant et moderne.

Ses exégèses sur les différentes « Lettres » de l’apôtre, en particulier ses trois volumes sur la « Lettre aux Romains »,  et son essai « l’ADN du christianisme », sont considérées comme des œuvres fondamentales. 

Pour ses 70 ans, les plus grands biblistes du monde ont décidé de lui dédier un livre. Il s’agit d’un ouvrage de 500 pages intitulé : « Le Nouveau Testament : théologies en dialogue culturel. Ecrits en l’honneur de Romano Penna pour son 70ème anniversaire ».

Nous publions ci-dessous la première partie de cet entretien.

ZENIT – Professeur, sait-on à quand remonte exactement la naissance de saint Paul ? 

R. Penna – Non. L’Année saint Paul que nous célébrons cette année est fondée sur une hypothèse traditionnelle selon laquelle Paul serait né aux alentours de l’An 8 après J.C. Mais il ne s’agit que d’une hypothèse. Du reste on ne sait pas non plus à quand remonte précisément la naissance du Christ. Selon moi, Paul avait l’âge de Jésus. 

ZENIT – Où est-il né ? 

R. Penna – A Tarse, la capitale de la Cilicie, de parents juifs pharisiens. Les « Actes des Apôtres » disent que c’était un citoyen de Rome, et lui dit qu’il l’était depuis sa naissance. C’est pourquoi à côté de son nom juif Saul figure aussi son nom romain Paul. 

ZENIT – Sa famille était-elle une famille aisée ? 

R. Penna – Dans une de ses lettres, Paul dit qu’il gagnait sa vie en construisant des tentes. En général, les enfants apprenaient le métier de leur père. On suppose donc que le père de Paul faisait ce métier. C’était un métier usuel, du peuple, qui permettait de vivre et de subvenir aux besoins de sa famille, rien de plus. 

ZENIT – Quelle sorte d’éducation avait-il reçu dans sa famille ? 

R. Penna – Les parents de Paul étaient des juifs de la diaspora, autrement dit des juifs qui, pour fuir des persécutions ou pour d’autres raisons, avaient émigré loin de leur terre, mais étaient restés fidèles à leurs traditions. Paul était circoncis. Il a été  élevé et instruit dans l’observance de la loi de Moïse. Mais Tarse étant une ville « cosmopolite », lorsqu’il sortait de chez lui, il respirait un climat hellénique et ouvert à différentes cultures. En famille, il parlait l’hébreux et l’araméen, mais à l’extérieur de chez lui il parlait le grec. Il a donc grandi avec une mentalité ouverte. Au moins jusqu’à 12-13 ans. 

ZENIT – Et après? 

R. Penna – Plus ou moins à cet âge il est parti pour Jérusalem, se consacrant totalement à l’étude de la Torah, auprès de rabbi Gamaliel l’Ancien, un rabbin de renom. A partir de ce moment-là son intérêt intellectuel tournera exclusivement autour de la loi juive et de la culture israélite. 

ZENIT – Dans les écrits de Paul, ou de ses contemporains, trouve-t-on des allusions ou des éléments utiles qui permettent de nous faire comprendre à quoi il ressemblait physiquement ? 

R. Penna – Nous avons une description physique de Paul qui revient souvent. On dit qu’il était de petite taille, gros, les jambes arquées, les sourcils unis, mais qu’il ressemblait néanmoins à un ange. Mais cette description date de la fin du deuxième siècle. L’iconographie traditionnelle le présente sous les traits d’un homme barbu, chauve, selon l’image imposée qu’il fallait donner aux philosophes après le 3ème siècle. Dans sa seconde lettre aux Corinthiens, Paul dit « ne pas savoir parler », certains supposent alors qu’il bégayait. Dans sa lettre aux Galates, il dit : « Vous vous seriez arrachés les yeux pour me les donner », certains ont alors pensé qu’il avait des problèmes de vue.

Je pense quant à moi que ces phrases doivent être comprises dans un sens métaphorique. Nous savons qu’il a rencontré beaucoup de difficultés dans sa vie : les veilles, les jeûnes, le froid , trois naufrages, des milliers de kilomètres parcourus à pied, il a été lapidé, fouetté cinq fois par les juifs, trois fois par les romains, fait prisonnier pendant de longues périodes. Tout cela laisse supposer qu’il avait un physique exceptionnel, une volonté de fer et une capacité d’adaptation extraordinaire. 

ZENIT – Est-il possible de dire à partir de ses Lettres quel était son tempérament ? 

R. Penna – Le fait d’avoir été un persécuteur aussi acharné contre la communauté chrétienne avant ce qui lui est arrivé sur la route de Damas, en dit long sur son tempérament fougueux. Il s’était rendu compte que la figure du Christ pouvait mettre en crise certains éléments constitutifs du judaïsme, et il persécutait donc de manière forte et dure les chrétiens. On pourrait le comparer à un « taliban » de l’époque. Puis il y a eu Damas, et vint le grand changement.

Il a continué à avoir un caractère fort, qui pouvait s’exprimer sous des tons très rudes, durs, mais qu’il ponctuait souvent d’intonations affectueuses, douces, gentilles, presque féminines. Lui-même se comparait à un père mais aussi à une mère. Sa psychologie est une psychologie complexe, à multiples facettes, très riche. </p>

Dans sa « Lettre aux Romains » il dit clairement qu’il faut accueillir tout le monde, s’entendre avec tout le monde, accepter aussi ceux qui pensent différemment : il y a de l’irénisme, un sens de l’accueil, de la réciprocité, qui est vraiment évangélique.

Propos recueillis par Renzo Allegri 

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ZENIT Staff

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