Anita Bourdin
ROME, mardi 9 octobre 2012 (ZENIT.org) – Le président de l’Académie pontificale pour la Vie, Mgr Ignacio Carrasco de Paula, l’avait pressenti dès 2010: le prof. Shinya Yamanaka s’est vu attribuer, lundi 8 octobre, le Prix Nobel de médecine 2012 aux côtés du britannique John Gurdon. Ils se partageront un prix de plus de 900.000 euro.
La découverte du prof. Yamanaka, en 2007, a asséné le coup de grâce au clonage et rend inutile la recherche sur l’embryon, qui détruit les embryons : la COMECE lance un appel aux institutions européennes pour qu’elles cessent de financer la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Et la Fondation Lejeune lance un appel au sénat français qui doit se prononcer sur l’expérimentation sur les embryons lundi prochain.
Le Nobel vient en quelque sorte couronner à la fois une découverte médicale majeure et le caractère « éthique » de cette façon de mener la recherche.
Mgr Carrasco avait souligné que le Prof. Yamanaka a été « le premier à avoir obtenu une cellule pluripotente induite (iPS) » (cf. Zenit du 5 octobre 2010).
Il a déclaré aujourd’hui à Zenit qu’il se « réjouit » de cette récompense qui met en relief une « découverte récente d’une très grande valeur scientifique » parce qu’elle « ouvre tout grand la porte » à d’importantes thérapies, et ceci « de façon éthique, correcte », « sans recourir à ce qui était présenté comme une alternative – mais ne l’était pas -, la recherche sur l’embryon ».
Le chercheur japonais a effet réussi à « reprogrammer », explique Mgr Carrasco des cellules souches prélevées sur des adultes, qui pourront alors régénérer différents tissus humains : la découverte débouchera sur la « thérapie de maladies dégénératives » notamment nerveuses : des malades pourront retrouver la santé, voir pour certains l’usage de leurs bras ou de leurs jambes. Il a indiqué « la voie ».
En quelque sorte, se souvient Mgr Carrasco, cette découverte a été présentée « en première mondiale à Rome en 2006 lors du congrès qui s’est tenu à l’Augustinianum, et depuis beaucoup d’autres ont confirmé son travail ».
Stop à la recherche sur les cellules embryonnaires
La Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE) a pour sa part salué, le 8 octobre, le travail du prof. Yamanaka et elle réclame à l’Europe l’arrêt du financement de la recherche embryonnaire.
Elle en appelle à un récent jugement de la Cour européenne (cas Greenpeace v. Brüstle) : « La Cour définit clairement l’embryon humain comme un « œuf » [ovum] humain, dès sa conception, ou comme produit du clonage, et elle confirme que les inventions biotechniques utilisant les cellules embryonnaires ne peut être brevetées ».
« En dépit de ces nouveaux développements scientifiques et des décisions légales, la Commission européenne décide de laisser ouverte la possibilité de fonder la recherche sur des cellules souches embryonnaires à l’horizon 2020 du programme de recherche, actuellement en discussion au Conseil européen et au Parlement européen », déplore la COMECE.
C’est pourquoi elle demande aux Institutions européennes d’adopter une règle imposant que « toute recherche entraînant la destruction d’embryons humains ou utilisant des cellules souches embryonnaires humaines ne soient pas financées à l’Horizon 2020 ».
Appel aux autorités françaises
La Fondation Jérôme Lejeune « se réjouit de cette remise du Prix Nobel au Pr. Yamanaka. Elle est fière d’avoir modestement contribué à faire connaître le Pr. Yamanaka en France, dès 2006, en emmenant plusieurs journalistes français à Rome où le chercheur japonais avait été invité à présenter ses travaux en avant-première ».
Mais en même temps elle lance un appel aux autorités françaises. En effet, elle dit « regretter que l’Agence de la biomédecine ait mis plusieurs années avant de faire référence à cette découverte majeure qui constituait pourtant une alternative aux recherches sur l’embryon, qu’elle a continué à autoriser par dérogations dans des conditions contestables ».
Elle souligne que la France « n’est plus dans le coup » : lundi prochain en effet, 15 octobre les sénateurs français « risquent d’annuler le principe protecteur interdisant la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires » : « ils favoriseraient alors, à contre courant, une fausse piste de recherche, dans l’impasse depuis des années. Pire, cette orientation aggraverait le retard de la recherche française sur les cellules souches non-embryonnaires ».
La Fondation Jérôme Lejeune « en appelle aux responsables politiques afin qu’ils envoient un message clair et crédibilisant à la communauté scientifique internationale : la France engage pleinement ses forces de recherche au profit des cellules souches non-embryonnaires ».
Le prof. Shinya Yamanaka est né en 1962 à Higashiosaka, au Japon. Il est médecin et chercheur sur l’induction des « cellules souches pluripotente » et la « reprogrammation des cellules somatiques » d’adultes.
Il est actuellement professeur l’Institut « for Frontier Medical Sciences » de l’université de Kyoto.
Une « reprogrammation » réussie
En 2006, il a participé au congrès co-organisé à Rome, du 14 au 16 septembre 2006, par la Fondation Jérôme Lejeune, l’Académie pontificale pour la Vie et la Fédération internationale des Associations médicales catholiques (FIAMC), un congrès sur l’avenir de la thérapie avec les cellules souches adultes s’est tenu.
Ce congrès a réuni plus de 300 participants de 35 pays pour dresser le bilan des recherches sur les cellules souches adultes notamment celles issues de la moelle osseuse, de l’épithélium olfactif ou du cordon ombilical.
Sa découverte décisive date de novembre 2007. Pour ses expériences de dédifférenciation de cellules souches adultes en cellules souches pluripotentes induites, le prof. Yamanaka et son équipe ont utilisé un cocktail de gènes pour « reprogrammer » génétiquement des cellules de souris en cellules pluripotentes. Ces expériences ont été reproduites par son équipe sur des cellules humaines en décembre 2007 (cf. Induction of Pluripotent Stem Cells from Adult Human Fibroblasts by Defined Factors, Kazutoshi Takahashi et al., Cell, 2007, vol. 131,5:861-872.).
Les expériences sur les cellules souches embryonnaires ont fait état de l’apparition de tumeurs. Au contraire, dans un article paru dans la revue « Science » de février 2008, il affirme que la méthode de transformation génétique des cellules à l’aide d’un virus n’entraîne pas de problème de tumeurs (contrairement aux technique partant de cellules embryonnaires), ce qui pourrait ouvrir la voie vers un usage thérapeutique pour la régénération de tissu.
Le « père de Dolly » constate l’échec du clonage
Président du Conseil de recherche médicale en biologie reproductive du Centre de médecine régénérative à l’université d’Edimbourg (Ecosse), Ian Wilmut, connu pour avoir cloné la brebis Dolly, avait commenté la découverte du prof. Yamanaka en disant, dans les colonnes de « Gènéthique » : « Avant la découverte des cellules iPS, nous essayions de dériver des cellules souches d’embryons produits par le transfert d’un noyau cellulaire du patient souffrant d’une maladie héréditaire. A ce stade, pers
onne n’a réussi. Mais maintenant, la dé-différentiation de cellules somatiques murines (méthode du Pr. Yamanaka) a démontré que le même objectif pouvait être atteint en utilisant directement les cellules somatiques des malades ».
Le « père de Dolly » soulignait l’ « avantage thérapeutique majeur » des cellules iPS : « Elles sont génétiquement identiques au patient, permettent de modéliser des pathologies et de rechercher rapidement des médicaments pour traiter en amont les symptômes de la maladie. Il existe déjà une centaine de ces lignées cellulaires sur lesquelles on peut travailler sans attendre pour nous aider à comprendre les maladies d’ici 5 ans ».
Désormais, a-t-il confié, le « clonage » est dépassé : « La technique du clonage n’est donc plus une technique d’actualité. Comme je l’ai expérimenté avec la brebis Dolly, cloner demande un temps considérable pour obtenir des cellules souches. De plus, cette technique implique forcément l’hyperstimulation ovarienne chez la femme : celle-ci doit subir un traitement hormonal intensif et pénible pour produire un grand nombre d’ovocytes et pour finalement n’obtenir que quelques embryons clonés. Si la science offre des pistes plus rapides, intéressantes et efficaces, je suis d’avis de les suivre » (cf. Zenit du mardi 19 mai 2009).