ROME, Lundi 20 octobre 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé par le pape Benoît XVI le mardi 14 octobre, au cours de la quatorzième congrégation générale du synode des évêques.
* * *
Chers frères et sœurs,
le travail accompli lors de l’élaboration de mon livre sur Jésus offre amplement l’occasion de voir tout le bien qui nous provient de l’exégèse moderne, mais également d’en reconnaître les problèmes et les risques. Le n. de Dei Verbum offre deux orientations méthodologiques pour un travail exégétique approprié. En premier lieu, elle confirme la nécessité d’utiliser la méthode historique et critique dont elle décrit brièvement les éléments essentiels. Cette nécessité est la conséquence du principe chrétien formulé dans Jn 1, 14 Verbum caro factum est. Le fait historique est une dimension constitutive de la foi chrétienne. L’histoire du salut n’est pas une mythologie, mais une véritable histoire et c’est pour cela qu’elle doit être étudiée avec les méthodes de la recherche historique sérieuse.
Toutefois, cette histoire a une autre dimension, celle de l’action divine. Par conséquent, Dei Verbum parle d’un second niveau méthodologique nécessaire en vue d’une juste interprétation des paroles qui sont à la fois paroles humaines et Parole divine. Le Concile déclare, en suivant une règle fondamentale valable pour toute interprétation d’un texte littéraire, que l’Ecriture doit être interprétée dans le même esprit que celui dans lequel elle a été écrite et indique par conséquent trois éléments méthodologiques fondamentaux afin de tenir compte de la dimension divine, pneumatologique de la Bible: c’est-à-dire que l’on doit 1) interpréter le texte en tenant compte de l’unité de l’ensemble de l’Ecriture; aujourd’hui on parle d’exégèse canonique; à l’époque du Concile, ce terme n’avait pas encore été créé, mais le Concile dit la même chose: il faut tenir compte de l’unité de toute l’Ecriture; 2) il faut par ailleurs tenir compte de la tradition vivante de toute l’Eglise et, enfin, 3) il faut observer l’analogie de la foi. Seulement dans le cas où les deux niveaux méthodologiques, celui de nature historique et critique et celui de nature théologique, sont observés, on peut alors parler d’une exégèse théologique – d’une exégèse adaptée à ce Livre. Alors qu’au premier niveau, l’exégèse académique actuelle travaille à un très haut niveau, et nous apporte ainsi une aide réelle, l’on ne peut pas en dire autant de l’autre niveau. Souvent, ce second niveau, constitué par les trois éléments théologiques indiqués dans Dei Verbum, semble presque absent. Et cela a des conséquences véritablement graves.
La première conséquence de l’absence de ce second niveau méthodologique est que la Bible devient un livre seulement du passé. On peut en tirer des conséquences morales, on peut en apprendre l’histoire, mais le Livre en tant que tel parle seulement du passé et l’exégèse n’est plus véritablement théologique, mais devient une pure historiographie, une histoire de la littérature. Telle est donc la première conséquence: la Bible demeure dans le passé, parle seulement du passé. Mais il existe aussi une seconde conséquence encore plus grave: là où disparaît l’herméneutique de la foi indiquée par Dei Verbum, apparaît nécessairement un autre type d’herméneutique, une herméneutique sécularisée, positiviste dont la clef fondamentale est la conviction que le Divin n’apparaît pas dans l’histoire humaine. Selon cette herméneutique, lorsqu’il semble qu’existe un élément divin, il faut expliquer d’où provient cette impression et tout ramener à l’élément humain. Par conséquent, on propose des interprétations qui nient l’historicité des éléments divins. Aujourd’hui, ce que l’on appelle le mainstream de l’exégèse en Allemagne nie, par exemple, que le Seigneur ait institué la Sainte Eucharistie et déclare que le corps de Jésus serait resté dans son tombeau. La Résurrection ne serait pas un événement historique, mais une vision théologique. Ceci advient parce qu’il manque une herméneutique de la foi: on affirme alors une herméneutique philosophique profane qui nie la possibilité de l’entrée et de la présence réelle du Divin dans l’histoire. La conséquence de l’absence du second niveau méthodologique est qu’il s’est créé un profond fossé entre exégèse scientifique et lectio divina. Il en ressort parfois une forme de perplexité également dans la préparation des homélies. Là où l’exégèse n’est pas théologie, l’Ecriture ne peut être l’âme de la théologie et, vice versa, là où la théologie n’est pas essentiellement interprétation de l’Ecriture dans l’Eglise, cette théologie n’a plus de fondement.
C’est pourquoi pour la vie et pour la mission de l’Eglise, pour l’avenir de la foi, il est absolument nécessaire de surmonter ce dualisme entre exégèse et théologie. La théologie biblique et la théologie systématique sont deux dimensions d’une unique réalité que nous appelons théologie. Par conséquent, il me semble souhaitable que, dans une des propositions, on parle de la nécessité de tenir compte dans l’exégèse des deux niveaux méthodologiques indiqués par le n. 12 de Dei Verbum, là où l’on parle de la nécessité de développer une exégèse non seulement historique mais également théologique. Il sera donc nécessaire d’élargir la formation des futurs exégètes dans ce sens afin d’ouvrir réellement les trésors de l’Ecriture au monde d’aujourd’hui et à nous tous.
© Copyright : Librairie Editrice du Vatican