Le Cenacolo est une association catholique internationale de fidèles de droit pontifical. Regroupant des laïcs, des prêtres, des religieux et des religieuses, la communauté a fondé dans le monde près de 80 maisons accueillant des jeunes dépendants, dépressifs ou qui veulent faire un chemin de discernement.
Cette année, le « Festival de la vie » du Cenacolo aura lieu du 10 au 13 juillet à Saluzzo, en Italie. Il regroupera des milliers de jeunes du monde entier, des familles et des amis, pour célébrer les 42 ans de la fondation de la communauté par mère Elvira, le 16 juillet 1983.
À cette occasion, Zenit a rencontré à Rome le P. Andrea Dellatorre, responsable international des prêtres et des frères consacrés du Cenacolo, et aumônier de fraternités.
Zenit : Comment êtes-vous devenu prêtre dans la communauté du Cenacolo ?

P. Andrea lors de la Fête de la vie, juillet 2024 © Youtube / Communauté du Cenacolo
P. Andrea Dellatorre : Je suis originaire du nord de l’Italie. J’ai connu des jeunes de la communauté du Cenacolo grâce à ma mère qui était une amie de mère Elvira, la fondatrice. J’ai été touché par leurs témoignages de conversion et de résurrection, alors qu’ils avaient tous des histoires difficiles de dépendance, ou de désespoir en général. J’ai été fortement bouleversé, un peu comme saint Paul sur la route de Damas !
J’ai alors senti un appel à vivre quelque chose avec cette communauté, qui me permettait de recommencer à prier le chapelet, à aller à la messe et à vivre la confession. Je redécouvrais aussi ma vocation au sacerdoce. J’ai donc demandé à rejoindre la communauté, car je désirais devenir « prêtre du Cenacolo ». Mais il n’y avait pas encore de prêtres ni de maisons de formation : seulement quelques garçons qui en exprimaient le désir.
Tout en discernant ma vocation, j’ai passé un peu de temps avec les jeunes, et une maison de formation a pu s’ouvrir en 2000. J’ai été ordonné prêtre en 2006 pour le diocèse de Saluzzo, une petite ville au sud de Turin, où le Cenacolo a démarré.
Zenit : Quelle est la mission spécifique du Cenacolo ?
Père A. Dellatorre : Aujourd’hui, la communauté est composée de 35 familles, 25 frères dont 12 prêtres et 35 sœurs. Nous avons quasiment 80 fraternités – ou maisons – dans le monde, et chacune d’elles accueille de 15 à 20 garçons ou filles, ainsi que des enfants abandonnés. Les jeunes qui viennent ont vécu toutes sortes de souffrances : la dépression, l’addiction à l’alcool, la drogue, le jeu ou parfois la pornographie. Chez les jeunes femmes, il y a aussi diverses difficultés comme l’automutilation ou les problèmes liés à l’anorexie.
Ils viennent de tous les continents, sauf l’Océanie. Nous avons des maisons aux Philippines, en Asie, en Afrique. Nous avons une vingtaine de fraternités en Amérique du sud et du nord, et une soixantaine en Europe. Il y a même des fraternités plus importantes comme à Medjugordje ou à Lourdes. En 42 ans d’existence, la communauté a accueilli à peu près 40 000 jeunes.

Mère Elvira Petrozzi (1937-2023) © Comunitacenacolo.It
Mais nous ne faisons pas de publicité. C’est vraiment la Providence qui fait arriver les jeunes dans nos fraternités. Notre vocation est de leur offrir une vie fraternelle et une vie chrétienne toute simples : la prière, l’amitié et la révision de vie.
Cela implique pour eux aussi des sacrifices, parce qu’on leur demande de renoncer aux smartphones et à la vie des réseaux sociaux. On pourrait dire que c’est une vie quasi monastique : nos maisons sont souvent un peu à l’écart, dans le silence et la nature.
Il nous arrive aussi d’accueillir des prêtres qui sont tombés dans l’alcoolisme, la drogue, qui ont des relations avec des femmes ou même des hommes. Ils reçoivent pour deux ans un décret de leurs supérieurs, qui leur donne la possibilité de ne pas célébrer ou exercer leur ministère sacerdotal quand ils sont chez nous. De notre côté, nous expliquons aux évêques et aux supérieurs de congrégations que l’Esprit Saint travaille à partir de la vie quotidienne vécue dans la fraternité et dans l’égalité complète avec les autres.
Zenit : Quel est l’apport humain et spirituel du Cenacolo dans le processus de reconstruction des jeunes ?
Père A. Dellatorre : Le Cenacolo est clairement une proposition chrétienne, c’est la vie de l’Évangile. Au-delà de l’accueil et de l’amour, il y a d’abord une reconstruction qui passe par le travail. Même si on vit dans la confiance à la divine providence, mère Elvira disait : « La première providence, c’est ta santé, c’est ta capacité de travailler. »
Les jeunes n’ont pas toujours la possibilité de « comprendre » l’amour de Dieu tout de suite, c’est donc important qu’ils se sentent d’abord accueillis et aimés. Mais l’amitié ne suffit pas, il faut arriver à Dieu. Dans la vie quotidienne communautaire, nous proposons la prière régulière, le chapelet ou l’adoration eucharistique. C’est réellement un cadeau pour les jeunes d’avoir une chapelle et le Saint-Sacrement à 10 mètres de leurs chambres !
La prière n’est pas obligatoire, mais habituellement, la plupart des jeunes s’ouvrent petit à petit et s’attachent au Seigneur. Nous leur disons : « La guérison, la résurrection, ça arrive quand tu as l’amour de Dieu, que tu te sens vraiment aimé comme tu es, et que tu es prêt à redémarrer tel que tu es. Parce que Dieu ne te juge pas. Et toi, renonce à te juger. » Il faudrait que les jeunes réussissent à comprendre qu’ils sont importants, précieux, et que le Seigneur les aime avec un amour infini.
Mais avancer au Cenacolo est aussi exigeant et douloureux. Il y a parfois des moments de violence entre nos jeunes qui sont tous blessés même si, en général, ils sont capables de vivre ensemble et se respecter. Pour rejeter la violence, ils doivent apprendre à se laisser aimer et toucher par le Seigneur. Nous sommes en plein Jubilé de l’espérance. Or, être pèlerin de l’espérance, cela veut dire cheminer avec confiance vers la tendresse et la douceur de Dieu. C’est possible pour tous et pour toutes !
Zenit : Comment le Cenacolo s’est-il développé et adapté aux problèmes de la société actuelle ?

P. Andrea, à droite, avec la fraternité sainte Bernadette à Lourdes © comunitacenacolo.it
Père A. Dellatorre : Le développement de la communauté, c’est l’œuvre de Dieu ! Mère Elvira avait clairement compris qu’elle devait s’abandonner totalement à la divine Providence. Elle n’a jamais voulu accepter l’argent de l’État et n’a jamais demandé d’argent aux familles. Toutes nos maisons ont été ouvertes alors que nous n’avions pas d’argent. Mère Elvira voulait montrer de cette façon que Dieu existe concrètement, qu’il est un Père miséricordieux. Elle a cherché à faire expérimenter aux jeunes la paternité et la tendresse de Dieu.
Avec les années, le Cenacolo s’est renouvelé vers une plus grande tendresse, douceur, et un plus grand accueil, tout en gardant l’exigence nécessaire. Mère Elvira a vécu les dix dernières années de sa vie dans la maladie, ce qui nous a obligés à faire communion entre nous, et l’Esprit Saint a permis que nous vivions des changements.
Les deux choses que notre fondatrice nous a demandé de ne jamais perdre, c’est l’abandon à la divine Providence et l’accueil universel à l’humanité qui souffre. Avoir confiance en Dieu et aimer l’humanité : ce sont les deux choses liées à notre charisme, qui ne peuvent jamais manquer.
Zenit : Quels ont été les encouragements de l’Église pour la communauté ?
Père A. Delatorre : Ils ont été réguliers ! Le pape saint Jean-Paul II avait rencontré deux ou trois fois mère Elvira, ainsi que le pape Benoît XVI, qui l’avait choisie pour être témoin au Synode sur l’Eucharistie en octobre 2005. Notre fondatrice a aussi été présente au Congrès de la miséricorde en janvier 2008, invitée par le cardinal Schönborn, qui est un grand ami de la communauté. Enfin, le pape François est venu ici, dans cette maison à Rome, la seule maison de la communauté qu’il a visitée.