Emilia, Karol et le petit Edmund Wojtyla @ DP

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La famille d’un pape saint, par Alessandro Gisotti dans L’Osservatore Romano

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Des parents saints eux aussi ?

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Dans L’Osservatore Romano en italien du 15 mai 2020, le vice-directeur des médias du Vatican, Alessandro Gisotti consacre un article à l’influence de la famille de Karol Wojtyła sur la personnalité du pape polonais.

À cette occasion, Alessandro Gisotti annonce que la phase diocésaine de la cause de béatification des parents du saint pape Jean-Paul II, a été inaugurée « la semaine dernière »

Voici notre traduction de l’article intitulé : La famille d’un pape saint. Son influence sur la personnalité de Karol Wojtyła.

HG

 

La famille d’un pape saint. Son influence sur la personnalité de Karol Wojtyła.

Dans son « service pour le peuple de Dieu, saint Jean-Paul II a été le pape de la famille ». Les paroles de François lors de la canonisation de Karol Wojtyła et Angelo Roncalli, le 27 avril, il y a six ans, revêtent aujourd’hui une signification particulière, tandis que nous approchons du centenaire de la naissance du saint pape polonais.

Célébrer le commencement de sa vie terrestre nous pousse naturellement en effet à vouloir « rencontrer » sa famille, à chercher à découvrir quel a été le « secret » de ses parents pour lesquels la phase diocésaine de la cause de béatification a été lancée la semaine dernière. Ne serait-ce qu’en lisant les données biographiques principales de sa mère Emilia et de son père Karol, dont il prit le nom, on comprend combien leur témoignage a profondément influencé la personnalité du futur pontife. On peut même affirmer, sans aucun doute, que certaines bases du ministère sacerdotal, puis pastoral, de l’archevêque de Cracovie d’abord, puis de l’évêque de Rome, ont été jetées dès les premières années de son existence à Wadowice, petit centre à l’extrême sud de la Pologne, où il est né le 18 mai 1820.

« Sur ta blanche tombe, fleurissent les fleurs blanches de la vie. Oh ! Combien d’années se sont déjà écoulées sans toi, combien d’années ? ». Ces paroles poignantes dédiées à sa mère, dans un poème écrit à Cracovie au printemps 1939, soulignent le drame que représenta pour le jeune Karol Wojtyła la mort de sa maman, survenue quand le futur saint n’avait que 9 ans. Emilia, de santé très fragile, avait mené à terme sa grossesse parmi mille difficultés, bien que les médecins lui eussent déconseillé de la poursuivre. Son état physique en était sorti fortement compromis au point que les 9 années qui suivirent l’accouchement furent jalonnées d’hospitalisations continuelles et marquées par un affaiblissement constant de ses forces jusqu’à sa mort. La défense passionnée de la vie humaine, en particulier dans des situations de fragilité – l’un des traits distinctifs du ministère pétrinien de Wojtyła – trouvait donc une source inépuisable dans l’amour maternel.

Il est naturel de penser que la figure, qui lui fut particulièrement chère, de Gianna Berretta Molla, qu’il béatifia en 1995, puis canonisa en 2004, lui rappelait l’exemple de sa mère qui sacrifia sa propre vie pour sauver celle de son fils.

De manière significative, les habitants de Wadowice ont dédié à Emilia Kaczorowska Wojtyła une oeuvre en faveur des femmes qui, en dépit des difficultés, gardent le fruit de leur maternité : la Maison de la Mère seule. « Je suis reconnaissant, avait affirmé Jean-Paul II en visite sur sa terre natale en juin 1999, pour ce grand don de votre amour pour l’homme et de votre sollicitude pour la vie ». « Ma gratitude, avait-il poursuivi, est d’autant plus grande que cette Maison porte le nom de ma mère Emilia. Je crois que celle qui m’a mis au monde et qui a enveloppé d’amour mon enfance, prendra aussi soin de cette oeuvre ».

Trois ans après la disparition prématurée de sa mère, un autre deuil secoue la famille Wojtyła : la mort tragique à seulement 26 ans d’Edmund, le frère aîné bien-aimé que Karol regardait avec admiration. Une figure exceptionnelle, récemment évoquée en cette période marquée par l’héroïsme de tant de médecins et infirmiers qui ont mis leur propre vie en danger pour soigner les malades du coronavirus. Médecin prometteur, en service à Cracovie, Edmund perdit en effet la vie en 1932 pour avoir pris soin d’une jeune fille qui avait la scarlatine, maladie contre laquelle il n’existait aucun vaccin à l’époque. Le jeune médecin savait à quoi il s’exposait mais, en bon Samaritain, il ne calcula pas en fonction de lui-même mais se préoccupa uniquement de secourir son prochain dans le besoin. Sa mort, comme le raconte le futur pape bien des années plus tard, fut pour lui un choc en raison des circonstances dramatiques dans lesquelles elle se produisit et aussi parce qu’il avait atteint un âge plus mûr que lorsqu’il avait perdu sa maman. L’exemple de ce « martyr du devoir » que fut son frère resta gravé à jamais dans la mémoire de Karol Wojtyła. C’était Edmund qui l’avait encouragé dans ses études, qui lui avait appris à jouer au ballon et surtout qui s’était occupé de lui, avec son papa, après la mort de sa maman.

À l’âge de 12 ans à peine, Karol se retrouve donc seul avec son père, un militaire de carrière de l’armée polonaise. Un homme bon et rigoureux, ayant une foi inébranlable malgré toutes les tragédies personnelles qu’il avait vécues, qui « accompagna » son unique fils resté à l’âge adulte, dans la consolidation de sa personnalité ; il lui enseigna, avant tout par sa vie, des principes comme l’honnêteté, le patriotisme, l’amour de la Virge Marie qui devinrent presque un second Dna de Karol Wojtyła. Lors d’une conversation avec son ami journaliste André Frossard, celui qui était désormais devenu l’évêque de Rome brossa de son père un portrait émouvant. « Mon père, confie Jean-Paul II, a été admirable et presque tous mes souvenirs d’enfance et d’adolescence se réfèrent à lui ». Le pape souligne ensuite que toutes les souffrances vécues, au lieu de le renfermer sur lui-même, avaient ouvert en lui « d’immenses profondeurs spirituelles ». « Sa souffrance se faisait prière », se souvient le futur saint. « Le simple fait de le voir s’agenouiller a eu une influence déterminante sur mes jeunes années ». Une influence aussi sur sa vocation sacerdotale.

Dans le livre autobiographique Ma vocation, don et mystère, publié de manière significative lors du cinquantième anniversaire de son sacerdoce, il rappelle qu’avec son père « on ne parlait pas de vocation au sacerdoce, mais son exemple fut pour moi, d’une certaine façon, le premier séminaire, une sorte de séminaire domestique ».

Dans le livre-interview Entrez dans l’Espérance, il se souvient que son père lui avait offert un livre qui contenait une prière à l’Esprit Saint. « Il me dit de la réciter tous les jours, confie-t-il à Vittorio Messori, si bien que depuis ce jour-là, j’essaie de le faire. J’ai alors compris pour la première fois ce que signifiaient les paroles du Christ à la Samaritaine sur les véritables adorateurs de Dieu, ceux qui adorent en esprit et en vérité ».

Les années de la maturité sont déterminantes sur son chemin d’abandon total au Seigneur et à la Vierge Marie. Karol et son père vivent désormais à Cracovie, où le jeune homme fait ses études universitaires, lorsque l’occupation nazie fait irruption. Les souffrances de sa famille se mêlent et se fondent avec celles de sa patrie polonaise, ne faisant plus qu’une. À 21 ans, le futur pontife perd aussi son père, qui meurt en une froide nuit d’hiver, le 18 février 1941 ; ce fut peut-être le jour le plus douloureux de sa vie. Karol Wojtyła est seul au monde. Et pourtant, grâce à l’amour, à l’exemple, à l’enseignement de ces « saints de la porte à côté », comme le dirait François, qu’ont été ses parents et son frère, il sait qu’il y a une Espérance qu’aucune maladie, pas même la mort, ne peut étouffer. Sur le long chemin de son existence, au cours de son pèlerinage à travers le monde pour annoncer l’Évangile, Karol Wojtyła a toujours eu sa famille à ses côtés. Comme sa mère, il a courageusement défendu la vie. Comme son frère, il s’est dépensé jusqu’au bout pour les autres. Comme son père, il n’a pas eu peur, parce qu’il a ouvert, ou plutôt, ouvert grand les portes au Christ.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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