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Japon : «Beaucoup de jeunes ont des questions sur la religion», par le card. Hollerich

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Témoignage, après 17 ans au Pays du soleil levant

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Le cardinal Jean-Claude Hollerich, jésuite, a été missionnaire pendant 17 ans au Japon, jusqu’à sa nomination comme archevêque de Luxembourg en 2011. Il évoque l’histoire, la situation et les attentes des Japonais, catholiques ou pas, au micro de Radio Vatican (Marie Duhamel).
Le pape François vient en effet d’atterrir au Japon, ce samedi matin, 23 novembre 2019, pour une visite sous le signe de la « protection de toute vie » (23-26 novembre). Il réalise son vieux rêve de jeune jésuite qui voulait être missionnaire au Pays du soleil levant.
Il se rendra à Nagasaki et à Hiroshima et prendra position contre la nucléarisation. Il évoquera les deux martyrs, comme il l’a confié à la télévision japonaise, et comme l’explique à Zenit M. Shintaro Yuzawa, celui des chrétiens et celui des civils touchés par les bombes incendiaires ou les bombes nucléaires lors de la seconde guerre mondiale. Dans ce contexte, le cardinal Hollerich note que « beaucoup de jeunes ont des questions sur la religion » et veulent « voir le pape ».
Pour ce qui est de la première évangélisation il rappelle la participation du peuple de Dieu à l’annonce de l’Evangile par les jésuites : « Il y avait beaucoup de laïcs qui collaboraient avec les jésuites, les doguku, «ceux qui habitent avec». C’étaient des catéchistes. Ils traduisaient souvent les homélies, et on avait averti et préparé les communautés catholiques à subsister sans prêtre. Dans de petites communautés chrétiennes qui restaient, les enfants avaient été baptisés, on leur avait appris les prières, et on attendait le retour des missionnaires ».
Catholiques ensemble
Il explique ce sens du « groupe » qu’on les Japonais et ses conséquences au moment des persécutions : « C’est également la force du sentiment de groupe des Japonais. Comme le christianisme était proscrit, si dans un ensemble de cinq familles on retrouvait un chrétien, tous étaient mis à mort. Donc, cela fonctionnait dans des familles de religions différentes. Mais quand toute la famille, tout le village, était catholique, cela ne fonctionnait pas: les gens sont restés catholiques en cachette.»
Après avoir rencontré, ce samedi soir, les évêques du japon, à la nonciature de Tokyo, le pape commence sa visite, dimanche, 24 novembre, par un voyage à Nagasaki, où la mémoire des martyrs et de la bombe atomique sont forts : « Nagasaki et Tokyo sont des Églises différentes. Tokyo, c’est une nouvelle Église, (formée par) la couche moyenne de la société. À Nagasaki, ce sont les descendants des anciens chrétiens. La cathédrale de Nagasaki se trouve à Odakami, qui est maintenant à un quartier de Nagasaki, mais c’était auparavant un village séparé qui était resté entièrement chrétien. C’est d’ailleurs le père Bernard Petitjean, prêtre des Missions étrangères de Paris, qui, dans une église de Nagasaki, a vu un petit groupe d’hommes qui entraient quoique cela était défendu sous peine de mort. Ils lui ont posé des questions, ils se sont décrétés comme chrétiens en lui disant «nous avons le même cœur». Il y a aussi des martyrs du XIXème qu’on ne connait pas très bien en Europe parce que, quand ces hommes se sont déclarés chrétiens, on les a encore persécutés. On les a fait transporter dans des camps de concentration dont un à Zuwano, près de Yamaguchi, qui est particulièrement connu. Il y a encore beaucoup de personnes qui sont mortes pour leur foi au XIXème siècle. »
L’harmonie et la fraternité 
Le cardinal Hollerich explique ces persécutions, paradoxalement, par le désir d’harmonie : « Le Japonais est très soucieux de l’harmonie. Donc si une nouvelle religion arrive, c’est tout d’abord une irritation parce qu’il faut retrouver un nouvel équilibre, mais une fois qu’on fait partie du club, on fait partie de l’harmonie. On se respecte, on s’entraide. Je garde toujours en mémoire, quand j’étais jeune jésuite, je n’étais pas encore ordonné prêtre, la venue du cardinal Poupard. Il a visité le Mont Hiyei, le centre d’une des églises bouddhistes les plus anciennes au Japon, le Tendaï. La chaleur, la politesse, la fraternité avec laquelle il a été reçu, c’était merveilleux. Les bouddhistes japonais sentaient que lui (le cardinal) avait une expérience spirituelle. »
Les religions sont donc à la fois présentes et absentes au Japon : « La plupart des Japonais n’appartiennent pas à une religion, ou ils ont oublié à quelle religion ils appartiennent, surtout dans la ville de Tokyo qui est quand même une très grande agglomération. Si la grand-mère meurt, il faut se demander quel bonze faut-il appeler pour les funérailles. Donc, c’est une société fortement sécularisée de l’appartenance religieuse, mais il n’y a pas d’inimitié envers la foi. Les gens sont ouverts à la religion. Tout le monde pratique pour le Nouvel an. On va tout d’abord, avant minuit, dans des temples bouddhistes pour écouter et voir les cloches. Ensuite, dans des temples shintoïstes. Et beaucoup de jeunes ont des questions sur la religion. »
Demander le baptême
Le cardinal Hollerich explique de quels instruments disposent les catholiques pour transmettre la foi dans ce contexte : « On a dans toutes les paroisses l’école du dimanche ou du samedi. Il y a quand même beaucoup de jeunes. Et puis, les enfants sont encadrés par des jeunes, ce qui est très bien, un petit match de foot avant la catho, ça fait toujours du bien. Il y aussi sans cesse des conversions, surtout en ville. En effet, il y a une régression du nombre de catholiques à la campagne, mais une augmentation en ville et, moi qui ai toujours travaillé à l’université, j’ai eu la chance de pouvoir baptiser chaque année deux ou trois de mes étudiants. Aucun d’entre eux n’était catholique. Mais l’amitié avec les étudiants, le fait de passer beaucoup de temps ensemble, nous avons fait des voyages ensemble… Ils me demandaient «mais pourquoi vous êtes venus au Japon ? Pourquoi vous ne touchez pas de salaire alors que vous êtes professeur ? Pourquoi vous n’êtes pas marié ?» Voilà les questions qu’il posait au missionnaire : pourquoi j’étais venu au Japon. Alors naturellement, on ne peut pas tout expliquer en une soirée, mais en prenant un verre de bière de temps à autre en partageant ma vie, j’ai toujours eu des gens qui ont demandé le baptême. En parlant avec un de mes étudiants qui m’a demandé le baptême, j’ai découvert qu’il fréquentait un jardin d’enfants catholique. Il gardait un souvenir de la paix qu’il avait dans le cœur quand il priait alors qu’il était un enfant de cinq ans, et il avait le désir de retrouver cette paix, de retrouver ce sentiment de bonheur. Alors il a demandé le baptême. »
Accompagner les jeunes
Il souligne l’importance de l’accompagnement des jeunes : « C’est comme en Europe, il faut être proche d’eux. Il ne faut pas travailler pour les jeunes, il faut être avec les jeunes et j’ai eu la chance, comme j’étais toujours à l’université, de voir combien les générations de jeunes étaient différentes, et ainsi de ne pas avoir une image figée des jeunes «ils sont comme ci-comme ça», mais d’être ouvert à la rencontre, à l’écoute et comme le dit notre Pape une «écoute empathique». Alors, des relation s’établissent, des amitiés se créent et je suis encore tout à fait heureux quand chaque année à Luxembourg, j’ai des visites de familles japonaises, mes anciens élèves qui viennent me retrouver. C’est merveilleux de pouvoir conserver ces amitiés. »
 « Je veux voir le Pape »
Quant aux attentes des Japonais, pour la visite du pape François, le cardinal Hollerich explique : « Je pense qu’ils voient dans le Pape un homme saint, un homme qui parlent un langage qu’ils comprennent. Et c’est le sage qui vient de l’Occident, or il y a toujours eu cet attrait pour l’Occident au Japon. Donc, ils attendent ce message, je pense. J’ai encore eu un message d’un jeune japonais d’une trentaine d’années, un ancien étudiant, qui me disait: «j’ai pris un billet pour la messe du Pape à Tokyo!», je lui ai alors répondu que pourtant il n’était pas catholique, «oui mais je veux voir le Pape et je veux assister à la messe». Il existe cet élan. On attend quelque chose, on attend des paroles de vie. Donc, c’est un peu la société post-moderne à Tokyo qui a perdu sa boussole. Les valeurs traditionnelles existent et plus qu’en Europe, mais elles se sont effritées depuis 20 ou 30 ans. Or, on veut savoir comment être heureux sur cette terre et quelle est notre responsabilité. »
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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