Mgr Ivan Jurkovic © RV

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ONU : l’économie et la finance doivent aller de pair avec les droits de l’homme, par Mgr Jurkovic

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Pour « un instrument international juridique contraignant »

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En tant que dimensions de l’activité humaine, « l’économie et la finance peuvent être des occasions de rencontre, de dialogue, de coopération, de droits reconnus et de dignité affirmée dans le travail », déclare Mgr Jurkovic. Pour ce faire, il faut élaborer « un instrument international juridiquement contraignant, qui permettrait de combler les lacunes du cadre juridique mondial ».
Mgr Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, est intervenu à l’occasion de la réunion du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et les autres entreprises commerciales au sujet des droits de l’homme : Point 4 – Déclaration générale, à Genève, le 15 octobre 2018.
Le « souci de la protection des droits fondamentaux de l’homme » doit être à la base de toute discussion dans ce domaine, rappelle le représentant du Saint-Siège. Il faut, estime-t-il, renforcer « l’attention portée aux droits des communautés locales et des individus » « par des références claires au libellé internationalement reconnu des droits de l’homme et à sa primauté sur les politiques en matière de commerce et d’investissement ».
Voici notre traduction de la déclaration de Mgr Jurkovic, prononcée en anglais.
HG
Déclaration de Mgr Ivan Jurkovič
Monsieur le Président,
Pour commencer, la délégation du Saint-Siège souhaite vous féliciter pour votre nomination à la présidence de ce groupe de travail intergouvernemental à un moment aussi important, alors que nous entamons notre discussion sur l’avant-projet de texte.
Au cours des dernières années, nous avons été témoins de l’intérêt croissant des États et de la société civile pour l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant, qui permettrait de combler les lacunes du cadre juridique mondial. Comme le rappelait le pape François : « Le XXIe siècle, tout en maintenant des systèmes de gouvernance hérités du passé, a été marqué par un affaiblissement du pouvoir des États-nations, principalement parce que le secteur économique et financier, qui est transnational, a tendance à l’emporter sur le politique » (1).
Le point de départ de toute discussion autour d’un traité dans ce domaine doit être le souci de la protection des droits fondamentaux de l’homme, qui « découlent de la dignité inhérente à la personne humaine » (2). Un instrument contraignant élèverait des normes morales, changerait la façon dont les sociétés internationales comprennent leur rôle et leur activité et aiderait à clarifier les obligations extraterritoriales des États en ce qui concerne les actes de leurs sociétés dans d’autres pays. À cet égard, il a été proposé que la synergie entre les entreprises des secteurs public et privé puisse constituer une autre forme d’entreprise économique émergente qui se soucie du bien commun sans renoncer à un profit (3).
La délégation du Saint-Siège est consciente que les défis du commerce et des droits de l’homme exigent une négociation avec une approche constructive et positive. Notre objectif ultime est de parvenir à un instrument équilibré et efficace, qui pourrait représenter un outil efficace pour toutes les parties concernées.
L’attention portée aux droits des communautés locales et des individus pourrait être renforcée par des références claires au libellé internationalement reconnu des droits de l’homme et à sa primauté sur les politiques en matière de commerce et d’investissement. Une telle disposition pourrait constituer un instrument permettant de créer un environnement juridique plus stable. Ainsi, elle pourrait non seulement aborder la relation entre les droits de l’homme d’une part et les accords de commerce et d’investissement d’autre part, mais aussi constituer un critère d’évaluation de son impact sur les droits de l’homme. Pour cette raison, la mention de l’élément environnemental dans les articles 4.1 et 8.1 est essentielle. Les accords commerciaux contiennent généralement des clauses d’exception générales qui permettent de déroger à leurs obligations, en particulier si un État partie poursuit d’autres objectifs légitimes de politique publique et si la mesure concernée n’est pas plus restrictive pour le commerce qu’il n’est nécessaire.
Monsieur le Président,
Dans la progression de nos négociations, nous ne devrions jamais perdre de vue le fait que « les entreprises sont une vocation et une vocation noble, à condition que ceux qui y sont engagés se voient mis au défi de donner un sens plus grand à la vie » (4). La communauté des affaires internationale peut compter sur beaucoup d’hommes et de femmes dotés d’une grande honnêteté et intégrité personnelles, dont le travail est inspiré et guidé par de grands idéaux d’équité, de générosité et soucieux du développement authentique de la famille humaine. L’économie et la finance sont des dimensions de l’activité humaine et peuvent être des occasions de rencontre, de dialogue, de coopération, de droits reconnus et de dignité affirmée dans le travail.
Nos efforts au cours de cette semaine de négociation devraient être orientés vers l’élaboration d’un instrument qui pourrait représenter un outil utile. Cependant, pour que cela se produise, il est nécessaire de placer la personne humaine, avec sa dignité, au centre de notre travail et d’établir la responsabilité juridique de la conduite des entreprises causant des violations des droits de l’homme à la maison ou à l’étranger. Cette responsabilité devrait, selon le cas, être pénale, civile ou administrative.
Merci Monsieur le Président.
***
NOTES

  1. Pape François, Lettre encyclique, Laudato si’, n. 175.
  2. Préambule du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) 999 UNTS 171 et 1057 UNTS 407 ; Préambule du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) 993 UNTS 3.
  3. Pape Benoît XVI, Lettre encyclique, Caritas in veritate, n. 46
  4. Pape François, Exhortation apostolique, Evangelii Gaudium, 203.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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