Le pape aux politiciens : le peuple a besoin de miséricorde et compassion

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Homélie devant 500 parlementaires italiens (texte intégral)

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La classe dirigeante qui « s’éloigne du peuple » et ne s’intéresse « qu’à ses propres affaires : son groupe, son parti, ses luttes internes » glisse vers la « corruption » et ne peut pas comprendre « la miséricorde et la compassion » dont a justement besoin le peuple, déclare le pape François.

Le pape a célébré la messe pour un groupe de plus de 500 ministres, sénateurs et députés italiens, accompagnés par Mgr Lorenzo Leuzzi, évêque auxiliaire de Rome et recteur de l’église Saint Grégoire de Naziance, à Montecitorio, ce jeudi 27 mars, à 7h, en la basilique Saint-Pierre.

Homélie du pape François

Les lectures que l’Église nous offre aujourd’hui peuvent être définies comme un dialogue entre les plaintes de Dieu et les justifications des hommes. Dieu, le Seigneur, se plaint. Il se plaint de ne pas avoir été écouté tout au long de l’histoire. C’est toujours la même chose : « Écoutez ma voix… Je serai votre Dieu… Tu seras heureux… ». « Mais ils n’ont pas écouté, ils n’ont pas prêté l’oreille, ils ont suivi les mauvais conseils de leur cœur obstiné ; ils ont reculé au lieu d’avancer » (Jr 7,23-24). C’est l’histoire de l’infidélité du peuple de Dieu.

Et cette plainte de Dieu vient parce que cela a été un travail très, très grand, ce travail du Seigneur pour enlever l’idolâtrie du cœur de son peuple, pour le rendre docile à sa Parole. Mais eux, ils prenaient cette route pendant quelque temps et puis ils faisaient marche arrière. Et ainsi pendant des siècles et des siècles, jusqu’au moment où Jésus est arrivé.

Et il s’est passé la même chose avec le Seigneur, avec Jésus. Certains disaient : « Celui-ci est le Fils de Dieu, c’est un grand prophète ! » ; d’autres, ceux dont parle l’Évangile de ce jour, disaient : « Non, c’est un sorcier qui guérit avec le pouvoir de Satan ». Le peuple de Dieu était seul, et cette classe dirigeante – les docteurs de la loi, les Sadducéens, les pharisiens – était enfermée dans ses idées, dans sa pastorale, dans son idéologie. Et c’est cette classe qui n’a pas écouté la Parole du Seigneur, pour se justifier dit ce que nous avons entendu dans l’Évangile : « Cet homme, Jésus, chasse les démons avec le pouvoir de Béelzéboul » (Mt 11,15). C’est comme dire : « c’est un soldat de Béelzéboul, ou de Satan, ou de la clique de Satan », c’est pareil. Ils se justifient de ne pas avoir écouté l’appel du Seigneur. Ils ne pouvaient pas l’entendre : ils étaient tellement, tellement fermés, loin du peuple, et cela, c’est vrai.

Jésus regarde le peuple et il est ému, parce qu’il le voit comme « des brebis sans pasteurs », comme le dit l’Évangile. Et il va vers les pauvres, il va vers les malades, il va vers tous, vers les veuves, vers les lépreux pour les guérir. Et il leur parle avec des mots tels qu’il provoque l’admiration dans le peuple : « Mais il parle comme quelqu’un qui a autorité ! », il parle différemment de cette classe dirigeante qui s’était éloignée du peuple. Et elle ne s’intéressait qu’à ses propres affaires : son groupe, son parti, ses luttes internes. Et le peuple, là… Ils avaient abandonné le troupeau. Et ces gens étaient-ils des pécheurs ? Oui, oui, nous sommes tous pécheurs, tous. Nous tous, qui sommes ici, nous sommes des pécheurs. Mais eux, ils étaient plus que pécheurs : le cœur de ces personnes, de ce petit groupe, s’était tellement endurci, avec le temps, tellement qu’il leur était impossible d’entendre la voix du Seigneur. Et de pécheurs, ils ont glissé, et ils sont devenus corrompus. C’est très difficile pour une personne corrompue de réussir à revenir en arrière. Le pécheur, oui, parce que le Seigneur est miséricordieux et qu’il nous attend tous. Mais la personne corrompue est fixée sur ses affaires, et ces personnes étaient corrompues. Et c’est pour cela qu’ils se justifient, parce que Jésus, avec sa simplicité, mais avec sa force divine, les dérangeait. Et petit à petit, ils finissent par se convaincre qu’ils doivent tuer Jésus, et l’un d’eux dira : « il vaut mieux qu’un seul meurt pour le peuple ».

Ceux-là, ils se sont trompés de route. Ils ont résisté au salut d’amour du Seigneur et c’est ainsi qu’ils ont glissé de leur foi, d’une théologie de la foi à une théologie du devoir : « Vous devez faire ceci, ceci, cela… ». Et Jésus leur dit, avec cet adjectif si laid : « Hypocrites ! Vous liez tous ces fardeaux pesants sur les épaules du peuple. Et vous ? Vous ne les touchez même pas d’un doigt ! Hypocrites ! ». Ils ont refusé l’amour du Seigneur et ce refus a fait qu’ils étaient sur une route qui n’était pas celle de la dialectique de la liberté qu’offrait le Seigneur, mais celle de la logique de la nécessité, là où il n’y a pas de place pour le Seigneur. Dans la dialectique de la liberté, il y a le Seigneur, bon, qui nous aime, qui nous aime tellement ! En revanche, dans la logique de la nécessité, il n’y a pas de place pour Dieu : on doit faire, on doit faire, on doit… Ils sont devenus des hommes aux bonnes manières, mais aux habitudes mauvaises. Jésus les appelle, eux, des « sépulcres blanchis ». C’est la souffrance du Seigneur, la souffrance de Dieu, la plainte de Dieu.

« Venez, adorons le Seigneur parce qu’il nous aime », « revenez à moi de tout votre cœur », nous dit-il, « parce que je suis miséricordieux et compatissant ». Ceux qui se justifient ne comprennent pas la miséricorde ni la compassion. En revanche, ce peuple qui aimait tant Jésus, avait besoin de miséricorde et de compassion et il allait la demander au Seigneur.

Sur ce chemin du carême, cela nous fera du bien, à tous, de penser à cette invitation du Seigneur à l’amour, à cette dialectique de la liberté où est l’amour, et de nous demander, tous : mais est-ce que je suis sur cette route ? ou est-ce je cours le risque de me justifier et de prendre une autre route ? une route conjoncturelle, parce que cela ne mène à aucune promesse. Et prions le Seigneur de nous donner la grâce de toujours emprunter la route du salut, de nous ouvrir au salut qui ne vient que de Dieu, de la foi, et non de ce que proposaient ces « docteurs du devoir », qui avaient perdu la foi et qui dirigeaient le peuple avec cette théologie pastorale du devoir. Demandons cette grâce : Donne-moi, Seigneur, la grâce de m’ouvrir à ton salut. Le carême est fait pour cela. Dieu nous aime tous, il nous aime tous ! Faire l’effort de s’ouvrir, il suffit de demander cela. « Ouvre-moi la porte. Le reste, c’est moi qui le fait ». Laissons-le entrer en nous, nous caresser et nous donner le salut. Ainsi soit-il.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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