H. Sergio Mora

Traduction d’Océane Le Gall

ROME, jeudi 25 octobre 2012 (ZENIT.org) –  L’idée d’élaborer un catéchisme universel a été lancée par le synode des évêques de 1985, à l’occasion des 20 ans du concile Vatican II. Les évêques avaient fait part de leur désir à Jean-Paul II qui avait aussitôt appuyé l’idée.

Le cardinal argentin Estenislao Esteban Karlic, était un des membres du comité de rédaction. Aujourd’hui âgé de 86 ans, il raconte aux lecteurs de Zenit les coulisses de cette initiative, peu connues du grand public.

Zenit - Eminence, avant ce Catéchisme qu’avait-on comme catéchisme universel?

Cardinal Karlic - L’histoire de l’Eglise n’a connu toujours qu’un seul catéchisme entendu comme tel : celui de saint Pie V, appelé le Catéchisme du concile de Trente ou Catéchisme des curés de paroisse, publié au XVIème siècle, peu après l’invention de l’imprimerie.

Ce fut un exemple de son grand courage. Le catéchisme actuel de l’Eglise catholique a toutefois des nouveautés qui l’enrichissent, non seulement par le fait même d’avoir été approuvé par le magistère pontifical des derniers temps, mais surtout parce qu’il traite les problèmes contemporains.

Le catéchisme de Trente et celui de l’Eglise catholique sont les deux seuls, dans l’histoire, à avoir été approuvés par un pape et à être destinés à l’Eglise toute entière.

Comment est née l’idée d’un nouveau catéchisme?

Le synode des évêques de 1985, qui célébrait les 20 ans de Vatican II, avait jugé utile de développer un compendium de toute la doctrine catholique sur la foi et sur la morale, qui pouvait servir de référence pour les catéchisme s devant ensuite être traduits dans toutes les régions du monde pour mieux se rapprocher des cultures différentes. 500 ans après la sortie du précédent catéchisme universel, il semblait donc bon de faire un résumé de la doctrine apostolique pour répondre aux principales questions de la culture contemporaine sur Dieu, sur l’homme et sur le monde.

Déjà à l’époque du concile, la question d’un nouveau catéchisme avait été soulevée, mais sans succès. Avec le synode de 1985, l'initiative a été jugée opportune et le pape l’approuva.

Quels ont été les premiers pas dans la préparation du catéchisme?

Le Saint-Père Jean Paul II, début 1986, convoqua une commission de douze cardinaux et évêques qui devaient faire tout le travail, et un comité de sept membres avec un secrétariat de rédaction. Le président des deux comités était à l’époque le cardinal Ratzinger, qui dirigea admirablement les rencontres. Parmi les participants aussi, la volonté était de créer une représentation de l’universalité de l’Eglise.

Et vous aussi vous avez été appelé pour la rédaction du catéchisme...

Oui et ce fut une grâce immense. Je me suis inscrit au comité de rédaction dans un deuxième temps, quand il était déjà formé. Un autre membre à y avoir fait son entrée est l’actuel cardinal Schonborn, alors professeur de théologie en Suisse. A notre arrivée, il y avait déjà un texte de base sur lequel travailler. Le travail a ensuite distribué aux sous-groupes et discuté lors de réunions conjointes. C’est ainsi que le texte a été écrit la première fois, puis il y a eu neuf autres versions.

Comment l’Eglise des cinq continents a-t-elle été consultée?

La version appelée « projet revu », jugée valable pour une demande universelle, fut envoyée à tous les diocèses du monde, préparée de manière à ce que les commentaires de retour envoyés soient bien utilisés. Il y eut environ 25.000 réponses, un nombre extraordinaire.

Et qu’a-t-on fait avec ces réponses?

Nous avons eu une longue rencontre dans la périphérie de Rome pour étudier les réponses. Nous les avons recensées les unes après les autres, même celles qui arrivèrent au-delà des délais consentis. Quelle émotion de voir cette unité de foi entre les différentes parties de l’Eglise, de les voir accepter le texte et se passionner pour la vérité,  recherchant des expressions qui soient les plus appropriées pour exprimer le mystère chrétien révélé.

Ce moment fut déterminant dans le processus d’élaboration. Ce fut aussi un travail très délicat qui n’aurait jamais pu se faire sans la grâce du Seigneur, comme a dit, dans une joie sereine et profonde, un des évêques participants.

De tous les commentaires quel est celui qui vous a le plus marqué?

Une observation importante, qui fut acceptée sans hésiter, fut celle de donner plus d’attention à la prière. Dans le texte de la consulta, on propose en effet que la prière soit l’épilogue de tout le catéchisme de l’Eglise catholique, comme c’était le cas dans le catéchisme de Trente.

Vous viviez à Rome à l’époque de sa rédaction?

Non, je vivais et travaillais à Paraná. A l’époque on n’avait pas d’ordinateurs. Je me souviens qu’un jour j’ai du copier un texte neuf fois pour améliorer sa présentation. Et une autre fois j’ai du faire un voyage de Paraná à Santiago du Chili pour apporter les écrits du cardinal Medina à ceux avec qui nous formions un sous-groupe.

A Rome, en revanche, comment travailliez-vous ?

On se rencontrait au Vatican. La commission et le comité des évêques étaient conduits par le cardinal Ratzinger, qui était responsable pour le Saint-Père.

La visite du pape à la fin des réunions était très émouvante. Un jour, nous sommes allés aussi le trouver à Castel Gandolfo. Durant ces rencontres, se créait un climat de sérieux, de responsabilité et liberté. Le cardinal Ratzinger, après avoir écouté avec intérêt tout ce qui était dit, faisait une synthèse très claire et utile pour les prochains travaux.

Dans quelle langue écrivait-on ?

Le français a été choisi comme langue commune pour la rédaction, les échanges et les rencontres, mais sans exclure l’usage des autres langues. Pour l’édition c’est le latin qui a été choisi comme langue phare car elle était appropriée pour exprimer le mystère chrétien de l’Eglise sur le modèle de la grande tradition des saints, du Magistère et des théologiens.

La traduction latine dura près de cinq ans, même si le catéchisme avait déjà été présenté en entier et que le Saint-Père l’avait approuvé avant la traduction. Il fut ensuite remis dans les versions française, italienne et espagnole, en décembre 1992 à Rome, aux représentants de toute l’Eglise comme un nouveau geste de la catholicité, lors d’une cérémonie présidée par le pape en personne.

Au synode on a parlé d’un tsunami de la sécularisation et comparé le Concile Vatican II  à une boussole pour s’orienter ….

Le concile a eu de fortes conséquences sur la pastorale, sur les codes juridiques de l’Eglise en Orient et en Occident, sur le travail des prêtres, sur les livres liturgiques et sur l’ordre prophétique, qui ont  ensuite été résumées dans le catéchisme de l’Eglise catholique. Sans aucun doute, comme nous l’avons dit, le catéchisme fut un résultat prophétique du Concile Vatican II.

Existe-t-il un détail particulier qui est resté dans votre cœur?

Oui, je me souviens de la joie du cardinal Ratzinger quand nous avons fini de le rédiger. Ecrire le catéchisme a en effet été aussi un exercice de fidélité à l’amour de Dieu qui fut le premier à nous aimer.