Le synode, une belle liberté d'expression et d'accueil les uns des autres !

L’expérience synodale de Mgr Lacroix, archevêque de Québec

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Propos recueillis par Hélène Ginabat

ROME, samedi 20 octobre 2012 (ZENIT.org) – « Quelle belle liberté d’expression et d’accueil les uns des autres ! » : c’est ce que constate Mgr Lacroix, archevêque de Québec.

Mgr Gérald Cyprien Lacroix livre en effet ici aux lecteurs de Zenit ses impressions sur le synode et de l’Année de la foi qui vient de commencer : « C’est nous d’abord qui devons changer, c’est nous qui devons nous laisser convertir, alors je suis plein d’espérance ».

Zenit – Quelles sont vos impressions sur le synode après ces douze journées de travail très intense ? Quel sentiment vous habite ? Les évêques ont-ils pu profiter de cette liberté d’expression pour partager leurs soucis et leurs espérances ?

Mgr Lacroix – On arrive au terme de la deuxième semaine et ce qui est merveilleux, c’est qu’on a pris le pouls de l’Eglise universelle. Autant les évêques, les archevêques, les cardinaux que les laïcs, auditeurs et auditrices, personnes consacrées, prêtres qui ont parlé l’ont fait avec beaucoup de liberté, dans une très grande variété. Certains ont exprimé beaucoup de joie dans leur travail, d’autres beaucoup de souffrances, des inquiétudes ou des espoirs pour l’avenir, des questionnements…

C’est absolument exceptionnel de nous retrouver ici, de presque tous les pays du monde, et de pouvoir constater où nous en sommes dans notre mission d’Eglise. Certaines sont plus anciennes, comme les Eglises du Moyen-Orient, qui sont là depuis 2000 ans, d’autres plus jeunes comme la nôtre au Canada, qui a un peu plus de quatre siècles, ou d’autres comme la France, qui ont beaucoup d’expérience et elles expriment une réalité qui touche vraiment la nouvelle évangélisation. On se rend compte qu’on a beaucoup de personnes qui ont été baptisées mais qui n’ont pas approfondi leur foi, ou n’ont pas vécu une véritable rencontre personnelle et communautaire avec le Christ.

Il y a aussi toutes ces nouvelles Eglises d’Afrique ou d’Asie, des Eglises qui commencent à peine à naître, qui n’en sont pas au même stade que nous mais qui, à cause de la globalisation, la mondialisation, sont influencées par tellement de choses et qui se posent les mêmes questions que nous. C’est intéressant de nous écouter les uns les autres. A ce jour, plus de 260 personnes ont pris la parole, à raison de 4 ou 5 mn chacun. C’est quelque chose d’écouter, de prendre des notes, d’accueillir, de pouvoir se dire… C’est très enrichissant. Ca me donne une autre vision de là où en est Eglise aujourd’hui devant cette grande mission.

Cela me donne beaucoup d’espérance aussi parce que dans des endroits où on pensait que c’était encore plus difficile que chez nous, ce n’est pas le cas. Il y a des percées extraordinaires et c’est là qu’on constate que la mission de l’Eglise dépend surtout de l’Esprit Saint, c’est une œuvre de l’Esprit qui suscite des évangélisateurs, des évangélisatrices, des témoins, des martyrs, des hommes et des femmes partout dans la vie de l’Eglise, qui acceptent cette mission et qui la vivent profondément.

J’ai rencontré, par exemple, un évêque, le vicaire apostolique de Phnom Penh au Cambodge. L’Eglise là-bas est en train de recommencer ; dans son village, elle a commencé avec une seule personne et elle se multiplie et il me racontait combien il y a de jeunes actuellement et des catéchumènes, alors c’est plein d’espérance.

Dans nos petites rencontres de groupes linguistiques aussi, quelle belle liberté d’expression et d’accueil les uns des autres ! Nous avons déjà travaillé deux jours ensemble. Dans notre groupe francophone, nous sommes 28 de 18 nationalités, c’est magnifique ! Ecouter les confrères francophones d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient, des Amériques, c’est vraiment impressionnant. Et là nous avons vraiment le temps de nous déployer davantage et d’avoir une interaction beaucoup plus signifiante, A 250-300, on écoute plus qu’on ne parle, mais en petits groupes, on peut échanger. Dans les pauses aussi, les repas, nous avons des temps d’échange et c’est un temps merveilleux où on se revoit et on se dit : « ce que tu as dit, j’ai apprécié, parle-moi davantage de ce projet ou de cette difficulté, on est solidaire avec toi », je trouve ça très beau.

Il y a une fraternité, c’est l’Eglise du Christ, ce serait impossible de retrouver cette fraternité seulement sur un plan humain, nous sommes trop différents. Mais si l’Esprit rassemble l’humanité, on voit la puissance de l’Evangile lorsqu’il est accueilli dans le cœur des personnes. Cela me donne de l’espérance parce que si on est capable de vivre ça ici et d’accueillir autant la différence et l’autre tel qu’il est, j’ai l’espérance qu’on pourra le faire chez nous parce que, même si nous sommes un peuple un  peu plus homogène que cette assemblée universelle, il y a beaucoup de différences, de façons de penser. Si l’évangile est vécu profondément nous serons capables d’être en communion, et en communion de communautés aussi : chacun avec le Christ et entre nous ; et cela, pour moi, c’est une grande espérance pour l’avenir de l’Eglise.

Le synode apporte des témoignages de toutes les cultures : la lettre de l’évêque chinois est assez sévère… A-t-elle eu un impact ?

C’est sûr qu’accueillir une lettre d’un évêque chinois, c’est impressionnant. Je crois que nous connaissons peu la réalité de nos frères et sœurs qui vivent le christianisme à l’intérieur de  la Chine, on n’en a que des reportages très courts et fragmentaires, alors c’est difficile de bien évaluer. Avec les autres confrères d’autres pays qui sont ici, on peut échanger en profondeur. Mais juste recevoir une lettre, ça nous questionne, bien sûr. Mais j’ai hâte du jour où on pourra vraiment être ensemble et partager, pas de façon virtuelle, mais réelle, en « présence réelle » pourrait-on dire. Nous prions beaucoup pour nos frères et sœurs de Chine. C’est un continent en soit, plus d’un milliard d’hommes et de femmes : quel champ d’évangélisation extraordinaire ! Le Seigneur a son temps, j’ai bien confiance, il ouvrira les portes en son heure.

Vous avez parlé, dans votre intervention en congrégation générale, de l’importance de la « rencontre personnelle avec Jésus », fondamentale pour témoigner du Christ vivant. Comment favoriser cette rencontre, spécialement à l’occasion de l’Année de la foi ?

J’en ai parlé et beaucoup d’autres personnes ici au synode en ont parlé. C’est le fondement : si on ne témoigne pas de notre rencontre avec le Christ, de qui va-t-on témoigner, ou de quoi ? C’est lui, le fondement et le cœur. Comment y arriver ? En prêchant l’Evangile, il ne faut pas avoir peur de prêcher la mort et la résurrection du Christ. J’aime beaucoup revenir aux Actes des apôtres, au jour de la Pentecôte et aux semaines, aux mois, aux années qui ont suivi. Comment le christianisme s’est-il développé en Europe et dans le monde ? En prêchant.

Des témoins qui ont vécu cette grande rencontre avec le Christ, dont la vie a été transformée, qui en ont fait l’expérience, qui peuvent dire : « Ce Dieu qui est devenu homme, Jésus-Christ, je l’ai rencontré, il a transformé ma vie. Je suis un homme nouveau et j’aimerais vous le présenter ». C’est ce que nous avons à faire, bien sûr par la prédication explicite de la foi, mais aussi par notre témoignage de vie.

On ne peut pas toujours commencer par la prédication ou l’annonce directe de la foi ; dans certains milieux, on ne peut pas encore évangéliser par la parole, mais il nous est toujours possible de témoigner de l’Evang
ile et de le vivre, de vivre de cette rencontre et d’attirer. J’aime beaucoup cette expression des gens qui travaillent avec « les 12 étapes », les Alcooliques Anonymes par exemple, qui parlent de « l’attrait plutôt que la réclame ». Attirer au Christ : est-ce que ma vie de chrétien, de baptisé, de membre de cette Eglise catholique, est un témoignage ? Est-ce que en me voyant vivre on reconnaît un véritable disciple de Jésus ? Ca, pour moi, c’est fondamental.

Je crois que cette Année de la foi est une invitation, à nous d’abord les croyants, les croyantes, à nous enraciner davantage dans le Christ, à être fiers, joyeux de croire, être fiers d’être au cœur du monde et d’être portés par l’Evangile. Nous voulons l’apporter au monde, mais nous le portons en nous et il nous porte. Alors pour moi, c’est fondamental, c’est le premier pas. Si vraiment nous vivons cela, nous serons capables d’en témoigner et d’en parler.

Il y a un grand besoin de conversion, on l’a beaucoup entendu au cours de ce synode. Nous avons besoin de nous convertir, nous les évêques, les prêtres, les personnes consacrées, les gens qui sont à l’intérieur des murs de l’Eglise. Nous avons besoin de nous laisser à nouveau conquérir le cœur par le message et la personne du Christ, pour pouvoir aller à la mission et je pense que cette Année de la foi peut être une excellente opportunité.

Au tout début, quand le pape a annoncé cette Année, je ne voyais pas très bien le lien, je me disais : « Mais pourquoi ? On a déjà pas mal à faire, là, sur la table, avec la nouvelle évangélisation ! Pourquoi y ajouter une Année de la foi ? » Mais maintenant je comprends très bien que c’est indispensable. C’est nous d’abord qui devons changer, c’est nous qui devons nous laisser convertir, alors je suis plein d’espérance.

Chez nous, à Québec, l’Année de la foi a déjà été lancée, dimanche dernier, avec enthousiasme, avec de beaux témoignages, des gens qui ont vraiment le goût de vivre et d’approfondir cette année. On va la vivre en quatre belles saisons, en reprenant le cœur de notre foi, notre relation et notre vie avec le Seigneur, et notre témoignage pour que se transforme petit à petit, alors j’ai beaucoup d’espérance.

On a encore en mémoire les images mémorables de Jean-Paul II à Toronto : quels en sont les fruits pour la pastorale des jeunes au Québec aujourd’hui ? Qu’est-ce que l’Eglise a à dire aux jeunes : quelles initiatives envisagez-vous cette année pour le leur dire ?

La JMJ de Toronto, c’est merveilleux ! Cela fait déjà 10 ans et nous récoltons encore les fruits de cette JMJ. Dans notre archidiocèse de Québec, je rencontre très souvent des jeunes que je vois maintenant dans le monde du travail, qui sont mariés et qui ont des enfants, qui sont engagés dans l’Eglise ou dans différents secteurs de la vie sociale et qui me disent : « Monseigneur Lacroix, j’étais à Toronto, ça a changé ma vie, c’est là que j’ai rencontré mon épouse, je vous présente mes deux enfants… ».

Cela a donné une nouvelle génération de jeunes engagés dans notre Eglise ; ils soutiennent, animent et apportent une joie et une espérance extraordinaires. Ils ne sont pas des millions chez nous, ni des milliers et des milliers, mais il ne faut pas des quantités des personnes pour changer un milieu de vie, pour changer le monde, quand on est déjà habité par la joie de vivre, par cette rencontre avec le Seigneur. Ces jeunes témoignent là où ils sont.

Il y a la JMJ de Toronto, mais il y en a eu d’autres après, nos jeunes sont allés à Cologne, à Sydney, à Madrid, et on ira au Brésil, on continue parce que les jeunes grandissent et passent à autre chose, mais il y en a d’autres qui arrivent, qui sont attirés et veulent vivre ces expériences-là. Nous avons chez nous une pastorale jeunesse vocationnelle qui porte de beaux fruits : nous essayons d’accompagner nos jeunes ; il y en a qui sont dans de nouvelles communautés, dans des groupes comme « Marie Jeunesse » ou « Myriam Bethléem », d’autres cheminent à travers des communautés du Chemin néo-catéchuménal, d’autres encore dans des groupes paroissiaux ou avec différentes associations. On essaye de les soutenir, de les encourager, de les rassembler de temps à autre et ça porte de beaux fruits, on souhaiterait faire davantage, mais c’est déjà ça.

Nous avons aussi une belle pastorale auprès des adolescents, avec une rencontre annuelle spéciale, qu’on appelle une « montée ados » qui est une journée où viennent plusieurs centaines de jeunes et c’est souvent pour eux une première rencontre avec l’Eglise en dehors de leur milieu, de leur groupe de catéchèse, alors c’est très intéressant de les voir. Il y a tellement à faire avec les jeunes ! Et plus que les jeunes, il me semble que nous avons à être davantage présents dans la famille chrétienne parce que souvent, lorsque nous écoutons ces jeunes et ces adolescents, ils nous racontent combien leur famille est souffrante, leurs parents vivent des difficultés dans leurs couples, ou ils viennent de familles brisées ou reconstituées. Nous avons à évangéliser aussi cette génération de parents et c’est un grand défi. On ne manquera pas de travail pour les prochaines décennies…

Vous êtes un jeune évêque et vous êtes très à l’aise avec les nouveaux moyens de communication et les réseaux sociaux (on dit que vous avez « twitté » pour la première fois le jour de votre installation). Est-ce que c’est pour vous un moyen de rejoindre vos jeunes diocésains ? Les incroyants ? Les indifférents ?

Les moyens de communication sociaux sont un moyen exceptionnel pour entrer en dialogue avec tout le monde. Bien sûr, il y a beaucoup de jeunes qui sont rejoints mais il y a beaucoup de personnes plus âgées aussi qui découvrent ces technologies et qui aiment suivre, participer, répondre. Les jeunes, souvent, ne répondent pas ou n’écrivent pas, mais je vois qu’ils sont là !

Autrefois on se promenait avec des papyrus sous le bras, ensuite on a eu des livres, maintenant on a des tablettes électroniques et c’est facebook, Twitter, etc. Depuis 2000 ans, l’Eglise est dans cette mission d’annoncer, de communiquer une Bonne nouvelle. Tous les bons moyens sont bons pour communiquer la Bonne nouvelle. L’Eglise a toujours été très intéressée par les moyens de communication. Ici nous sommes au Vatican et c’est ici que les premières transmissions de radio ont eu lieu. L’Eglise investit beaucoup et le Saint-Père nous invite à investir dans les moyens de communication.

Moi  j’y crois ! Evidemment, comme tout le reste, il faut mesurer. Je ne peux pas être sur facebook trois heures par jour, j’essaie de prendre quinze, parfois vingt minutes. Quand je suis chez nous c’est le soir, pour voir un peu, pour préparer.

Je me suis donné comme mission ici, au synode, d’avoir un « tweet » et une publication sur facebook par jour. Alors, chaque jour une ligne sur Twitter et une petite communication avec une photo et un peu de texte qui fait référence aux différents événements du synode, pour que les gens chez nous, qui me suivent ou m’accompagnent, puissent vivre aussi cet événement. Ce n’est pas seulement un événement d’évêques à Rome, c’est un événement d’Eglise. Je suis étonné de voir la quantité de personnes qui suivent, et qui réagissent. C’est merveilleux !

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ZENIT Staff

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